Le ministère de l'Agriculture évalue à 5,64 millions de têtes les disponibilités en ovins et caprins. Sur ce cheptel, 5,16 millions de têtes, dont 4,82 millions d'ovins et 340.000 caprins sont destinés à l'abattage à l'occasion d'Aïd-Al-Adha et les prix de vente se situeront entre 35 et 45 DH le kilo. L'offre couvrira largement donc la demande, mais cela ne veut absolument pas dire que les prix seront bas. Au contraire le ministère prévoit une hausse allant de 12 à 15 % ! Explications. Boujmaâ est un jeune éleveur de la région du Gharb, précisément près d'Aïn Sbaâ dans la ville de Kénitra. Bien que l'année agricole s'annonce bien avec une abondance de pluies, cela ne signifie pas pour autant que les frais de nourriture ne sont pas élevés pour les éleveurs. Notre jeune éleveur, lui, possède 46 moutons et 18 chèvres, qui lui coûtent quotidiennement 15 DH de frais de nourriture par tête. En effet, Boujmaâ garde soigneusement ses bêtes dans un local et les nourrit de Secalim, betterave à sucre, avoine, foin... Les aliments de bétail représentent la charge essentielle qui pèse sur la bourse des éleveurs. D'autres choisissent de laisser leurs bêtes paître dans les champs voisins ... Pour veiller à l'entretien et à la santé de ses moutons, Boujmaâ a recours régulièrement, une fois chaque 3 ou 4 mois et aussi en cas d'épidémie, aux services d'un vétérinaire qui vient ausculter les bêtes, vérifier leur nourriture et leur prescrire des médicaments s'il le faut. Chaque visite lui coûte 1.000 DH, sans parler des prix des produits que le vétérinaire peut lui recommander. Boujmaâ nous assure que s'il fait appel à un vétérinaire, par conscience mais aussi pour ne pas perdre ses bêtes, d'autres éleveurs préfèrent élever leur bétail à leur manière parce qu'au souk, les autorités n'effectuent pas de contrôle sur les bêtes. D'ailleurs, au souk Sebt de Kénitra, que nous avons visité, aucune blouse blanche ni uniforme ne se trouvait sur place pour ausculter les bêtes mises en vente. Mais pour vendre leurs troupeaux, Boujmaâ et ses « confrères » versent 10 DH pour chaque bête pour accéder au souk. Si on fait le compte, on trouve qu'à chaque souk, Boujmaâ devra payer plus de 600 DH sans oublier les frais de gardiennage. Au grand bonheur des spéculateurs ou « Chennakas » qui, voyant les éleveurs empressés de vendre leurs moutons, leur propose des prix bas, que ces derniers se trouvent contraints d'accepter pour limiter les dépenses. Du coup, beaucoup d'éleveurs ont déserté les souks et préfèrent mener les ventes dans leurs fermes où ils reçoivent des clients, mais aussi des spéculateurs qui peuvent gagner entre 500 et 1000 DH par mouton. En fin de compte, on se retrouve dans des souks majoritairement contrôlés par des intermédiaires qui dictent les prix de vente. Pour Boujmaâ, le passage par le souk est obligatoire pour vendre ses moutons. En plus de cela, il propose à ses clients de leur garder leurs moutons jusqu'à la veille de l'Aïd. Cette proposition est très appréciée pour les gens qui manquent de place. D'autant plus que Boujmaâ nous raconte que des personnes ont perdu leurs moutons soit par vol ou perte, car souvent le mouton se jette du haut d'un toit, ou s'étouffe avec la corde... Concernant les prix des moutons pour cette année, il estime qu'ils se situeront à partir de 1.500 DH. Mais tout dépend du marché, de la race, du poids et des jours qui nous séparent encore de la fête du sacrifice.