Les raisons et facteurs ayant conduit à la hausse des prix de la tomate sur le marché national, observée durant cette année, font l'objet d'une récente étude du Mouvement Maan. Explications. En tant que produit de consommation symbolique, la tomate est devenue la référence ultime des exportations agricoles marocaines chez les consommateurs étrangers, en l'occurrence sur les marchés européens. La culture des tomates se fait généralement en dehors des cycles naturels, puisque le producteur plante et sème durant les mois de juillet et août dans le but de récolter durant la période allant du mois de novembre à avril. C'est ce qui ressort d'une récente étude du Mouvement Maan intitulée :«La hausse du prix de la tomate : une crise structurelle aux justifications conjoncturelles ». « Ce mode de production, qui a lieu généralement sous serre traditionnelle, exige une surveillance et des soins particuliers, ainsi qu'un contrôle de la température rendu particulièrement difficile par le dérèglement climatique dont l'un des effets est la hausse persistante des températures durant les mois d'octobre et de novembre et leur baisse durant les mois de mars et avril, ceci par rapport aux moyennes habituelles du climat méditerranéen marocain », précise l'étude, dont l'objectif principal est d'expliquer les causes de la hausse, constatée durant cette année, des prix de la tomate. La même source ajoute que le recours aux serres modernes vitrées et chauffées, dont le coût peut atteindre 8 millions de dirhams par hectare, devient par conséquent salutaire. Cette situation a conduit à la contraction de la production nationale, est-il souligné. Quant aux investissements dans les serres en verre, le Mouvement Maan tient à préciser « qu'il est impossible d'escompter leur rentabilité compte tenu de la structure actuelle du marché, avec des prix oscillant entre 3 et 4 dirhams le kg. Les programmes d'investissement ainsi que la modernisation des infrastructures productives dans le secteur des tomates s'en trouvent ainsi freinés... ». Lourd impact de la TVA sur les intrants Autre contrainte soulevé : le problème des semences, de la fertilisation et des traitements et autres facteurs nécessaires au processus de production. « Comme d'autres biens et services, ces produits ont été touchés par la vague inflationniste, rendant impossible le maintien de la structure de prix des années précédentes. Ces intrants sont soumis à la TVA et ne figurent pas parmi les produits exonérés, bien que le produit final ne soit pas soumis à ladite taxe, ce qui empêche toute possibilité de récupération. A ce titre, l'impact de la TVA seule peut s'élever à 50.000 dirhams par hectare. Il serait donc légitime que les travailleurs du secteur agricole soient considérés comme exportateurs intermédiaires (à l'instar du secteur du textile), mais cette revendication peine à trouver un écho favorable auprès du législateur », déplore le Mouvement Maan. Surexploitation des nappes phréatiques Au sujet de la surexploitation des nappes phréatiques, l'étude précise que la production de tomates nécessite de l'eau comme les autres cultures, avec toutefois un rendement plus important par rapport à de nombreux autres produits agricoles. « La problématique de l'eau ne se limite pas à la seule question de la mise à disposition de la ressource mais la dépasse dans le sens où doivent être questionnées les politiques publiques, et les usages prioritaires qu'elles fixent, à l'aune d'un impératif de souveraineté alimentaire accentué par un contexte de pandémie, de tensions géostratégiques et de changement climatique. La priorité serait donc de développer l'exploitation des ressources en eau alternatives, notamment le dessalement de l'eau de mer et particulièrement dans la région de Chtouka. L'expérience espagnole en la matière est, à ce titre, un exemple à suivre de politique volontariste lancée il y a déjà 20 ans », est-il recommandé. Problématiques concernant la commercialisation sur le marché local et à l'export L'étude montre, par ailleurs, que les filières de commercialisation présentent des lacunes structurelles. Elles sont tout d'abord liées aux marchés de gros qui ne répondent pas aux standards de salubrité et sont généralement situés loin des zones de production. Cet éloignement fait que les bassins de production ne captent qu'une faible partie de la plus-value commerciale et ne profitent pas du développement. Le nombre de marchés de gros s'élève à une quarantaine d'unités dont 20% sont sans infrastructure, 63% sans magasins en dur, tandis que leur volume de transactions représente 33% de la production nationale totale de fruits et légumes. Afin de rendre les circuits de commercialisation plus efficients et plus transparents, l'étude suggère la libéralisation immédiate des marchés de gros de fruits et légumes, comme c'est le cas pour ceux des viandes. « Car, aujourd'hui , les marchés de gros sont le théâtre d'un système de rente par excellence à travers la règle dite des « carrés » qui impose une taxe profitant à un groupe de détenteurs de licences d'exploitation sans aucune valeur ajoutée dans la chaîne de distribution. Citant le rapport récemment émis par le CESE (Conseil Economique, Social et Environnemental) publié au début de cette année, Maan fait constater que « la structure de commercialisation est soumise à la domination d'intermédiaires qui peuvent faire monter le prix final à plus de quatre fois celui auquel l'agriculteur a vendu sa récolte ». Cette structure est affectée par la faiblesse des circuits de commercialisation en dehors des marchés de gros, se caractérisant par l'irrégularité et l'aléatoire, sans compter l'absence d'un système d'information sur les prix et de normes d'hygiène et de qualité, explique le Mouvement Maan. En analysant les chiffres, poursuit la même source, il ressort que le coût de plantation d'un hectare de tomates est d'environ 550.000 dirhams. En y ajoutant les dépenses de fertilisation et de transport, il peut atteindre 600.000 à 620.000 dirhams et, avec une productivité moyenne de 170 tonnes par hectare, le coût de production se situerait entre 3,50 et 3,70 dirhams le kg. « Si nous supposons que l'agriculteur gagne un dirham pour chaque kg de tomate vendu, le prix final du produit (en prenant en considération les marges des différents intermédiaires) avoisinerait 12 dirhams le kg à Casablanca ou Rabat. Cette situation n'étant pas acceptable par le marché, l'agriculteur n'a jamais vendu son produit à 4 ou 5 dirhams, mais plutôt à un prix compris entre 2,30 et 2,40 dirhams le kg, faisant le choix de compenser ses pertes sur le marché local par l'ajout d'un à deux dirhams au prix de vente du produit destiné à l'export. La décision d'interdiction de l'export n'a laissé d'autre choix aux agriculteurs que de couvrir le manque à gagner sur le marché extérieur par l'augmentation des prix de vente sur le marché local », indique l'étude. La multiplicité des intermédiaires dans le circuit de commercialisation, sans parler des conditions de transport, de conditionnement et de stockage, ainsi que de la vétusté de la structure des marchés de gros, impactent donc les prix sur le marché local. En ce qui concerne la commercialisation à l'international, l'étude de Maan fait savoir que les exportations marocaines sont traditionnellement dirigées vers le marché européen, suivi de la Russie dont la part a sensiblement diminué au cours de l'année écoulée en raison du recours de cette dernière aux produits issus des pays de son pré-carré géographique, puis enfin le marché africain. Pour rappel, le Maroc produit en moyenne annuelle 3 millions de tonnes (mt) de tomates, dont près de 400.000 tonnes sont destinées au marché local. Les principales régions de production sont : Souss, El Oualidia, El Jadida et Casablanca pour les primeurs et la culture d'arrière-saison. La plupart des serres sont situées sur le littoral. A. CHANNAJE Tomates lisses et tomates côtelées
Depuis que la tomate est produite au Maroc, aussi bien pour le marché local que pour l'export, les variétés utilisées en plein champ (avant l'introduction des serres) provenaient soit de variétés fixées commercialisées par les maisons grainières installées au Maroc, soit récupérées par les producteurs sur les fruits de leur production précédente. Deux types de variétés étaient utilisés par les maraîchers, correspondant à deux périodes de production et d'exportation : les tomates lisses, produites essentiellement en automne dans la région d'Agadir, et la tomate côtelée produite en printemps dans la zone côtière Nord allant de Skhirat à Oualidia. Cependant, entre les deux périodes subsistait une période hivernale sans production de tomate.