Le coordinateur de la Commission nationale des étudiants en médecine, médecine dentaire et pharmacie (CNEM), également étudiant de 6ème année de médecine à la Faculté de Fès, nous explique les raisons derrière leur refus de l'intégration des étudiants d'Ukraine. - La Commission nationale des étudiants en médecine, médecine dentaire et pharmacie a refusé catégoriquement l'intégration des étudiants qui ont quitté le territoire ukrainien à cause du conflit avec la Russie. Comment expliquez-vous ce positionnement ? - La Commission nationale n'a exclu personne, et il n'y a aucun problème avec les étudiants d'Ukraine. Ce sont avant tout des citoyens marocains, nos frères et soeurs, et il faut sans doute trouver une solution à leurs problèmes. Il n'a jamais été question de refuser leur intégration, mais plutôt de constater l'impossibilité de les intégrer dans les conditions actuelles. Le problème posé dans le cas des étudiants qui étudient en Ukraine ne se situe pas initialement dans la question de leur intégration dans les Facultés publiques marocaines, mais dans la situation désastreuse que connaît le secteur, particulièrement en ce qui concerne la surpopulation des étudiants actuels et la détérioration de la qualité de la formation, tant théorique que pratique. A titre d'exemple, de nombreux services hospitaliers accueillent entre 70 et 80 étudiants en médecine, ce qui dépasse largement la capacité maximale d'accueil. Sans oublier le manque de ressources humaines et matérielles pour les Facultés et les hôpitaux, en particulier la pénurie des enseignants, les montants indignants des bourses et indemnités de fonction et la gestion et le déboursement arbitraires de celles-ci. En somme, s'ils sont intégrés, notre formation et la leur seront lésées, et la victime de tout ceci sera éventuellement le citoyen marocain. - Ne trouvez-vous pas que ce refus d'intégration est un coup d'inégalité, étant donné que ces étudiants n'ont pas choisi de quitter le territoire ukrainien ? - Le principe constitutionnel de l'égalité des chances, stipulé à l'article VII de la Constitution, doit être sans exception être respecté. La communauté internationale a connu des circonstances similaires en 2011 lors du Printemps arabe, des citoyens marocains qui étudiaient dans des Facultés publiques tunisiennes connues pour la qualité de leur formation, ont demandé une intégration similaire à cette conjoncture. Mais leurs revendications ont été rejetées à l'époque pour des raisons de jurisprudence ou de vices de forme. Quelle est la différence entre les deux circonstances ? Pour nous, il ne faut pas se passer du principe d'égalité des chances et du mérite en la matière. Il n'empêche que les études médicales et pharmaceutiques très longues nécessitent des étudiants compétents et aptes à soigner la population quelles que soient les circonstances. - Vous ajoutez également que les stages des étudiants en médecine connaissent une surpopulation sans précédent. A qui incombe la responsabilité, selon vous ? - Notre pays a besoin de médecins et pharmaciens compétents et dignes du citoyen marocain. Le problème réside dans la situation actuelle, dans laquelle le gouvernement, le ministère de la Santé et de la Protection sociale ainsi que le ministère de l'Enseignement supérieur n'assument absolument pas leur responsabilité pour améliorer la qualité de la formation et l'élargissement des terrains de stages hospitaliers. La question n'est pas du tout une question de discrimination ou d'égoïsme. Nous n'avons aucun problème avec nos frères et soeurs étudiants qui reviennent d'Ukraine. Le problème est leur intégration dans l'établissement public, qui, quantitativement et qualitativement, ne tolérera pas cela, qu'ils reviennent d'Ukraine, des Etats-Unis d'Amérique ou de tout autre pays. Les étudiants en médecine, pharmacie et en médecine dentaire du Royaume ont assumé leur responsabilité historique pour tirer les sonnettes d'alarme avec tout le patriotisme. Si nous voulons nous pointer du doigt, il vaut mieux se tourner vers les deux ministères qui ont manqué à leurs obligations depuis le début, notamment la satisfaction de leurs engagements pour améliorer les conditions de formation tels signés dans le PV d'accord en 2019 après six mois de boycott. - Quelles solutions sont-elles plausibles, selon vous, pour sortir de ce dilemme ? - Pour sortir de ce dilemme, beaucoup de solutions ont commencé à apparaître sur le front. Par exemple, des pays voisins ont exprimé leur volonté d'accueillir les étudiants d'Ukraine pour terminer leurs études sans aucune condition, notamment la Roumanie, l'Allemagne, la Moldavie. D'autant plus que les cursus de formations sont différents de ceux enseignés au Maroc, mise à part la difficulté de langue pour s'adapter. Nous avons également reçu une lettre d'une université ukrainienne appelant ses étudiants à terminer leurs études à distance. Le gouvernement doit faciliter une résolution dans ce sens sans avoir à détruire ce qui reste de la Faculté publique. Notre principe au sein de la Commission Nationale des Etudiants en Médecine, en Médecine Dentaire et en Pharmacie du Maroc est le dialogue. Nous cherchons à résoudre ces problématiques avec toute responsabilité et patriotisme pour le bénéfice de notre pays et des étudiants des Facultés publiques, et nous assumons notre responsabilité historique en maintenant fermement cette position. Le gouvernement ne doit pas choisir une des alternatives aux dépens de notre formation. Le gouvernement doit également assumer sa responsabilité en concrétisant ses engagements dans les PV d'accord signés en tant qu'Exécutif, pour améliorer la qualité de la formation et pour élargir les terrains de stages hospitaliers. Sans amélioration rapide des infrastructures d'enseignement et hospitalières, bien évidemment ; car, encore une fois, ils ne feraient qu'aggraver la situation actuelle qui est déjà plus que catastrophique, aussi bien en ce qui concerne la qualité de l'enseignement que la capacité limitée de l'accueil des étudiants. Recueillis par Safaa KSAANI Le ministère de tutelle commence le traitement des 7000 dossiers reçus Jusqu'à présent, 7000 étudiants marocains venus d'Ukraine ont soumis leurs dossiers au niveau de la plateforme de recensement mise en place par le ministère de tutelle. Le Département d'Abdellatif Miraoui s'est penché sur le traitement des dossiers en concertation avec toutes les parties concernées. Le gouvernement continue de scruter la situation des étudiants marocains en Ukraine, dont la majorité a pu regagner la mère-patrie. Jusqu'à présent, 7000 personnes se sont inscrites sur la plateforme électronique mise en place par le ministère de l'Enseignement supérieur, selon le ministre délégué auprès du Chef du gouvernement, chargé des relations avec le Parlement, Porte-parole du gouvernement, Mustapha Baitas. Le ministre a dévoilé ce chiffre lors de la conférence de presse hebdomadaire ayant suivi la réunion du Conseil de gouvernement. En réponse aux questions des journalistes, le ministre a fait savoir que l'Exécutif et notamment le département ministériel compétent s'est employé à traiter les dossiers reçus au niveau de la plateforme afin de déterminer les options d'intégration propre au cas spécifique de chaque étudiant. Ceci se fait en concertation avec toutes les parties concernées, a-t-il précisé, ajoutant que le ministère de tutelle est en cours d'examen des dossiers et de vérification de l'exactitude des informations afférentes. Le Département d'Abdellatif Miraoui a promis de trouver une solution aux étudiants qui ont vu leurs études interrompues à cause de la guerre qui s'est déclenchée brusquement en Ukraine. L'intégration dans les universités marocaines se profile comme l'une des solutions les plus envisageables actuellement. Dans sa volonté d'intégrer les étudiants venus d'Ukraine dans le système universitaire du Royaume, le ministère de l'Enseignement supérieur se heurte à l'opposition des étudiants locaux, surtout ceux des Facultés de médecine. Rappelons que plus de 9000 étudiants marocains poursuivent leurs études en Ukraine, selon les chiffres annoncés par l'Ambassade de Kiev à Rabat. D'autres données estiment leur nombre total à plus de 12.000. A. M.