La Commission nationale des étudiants en médecine au Maroc (CNEM) suit de près les derniers développements et les « rumeurs » sur la possibilité d'intégrer les étudiants marocains de retour d'Ukraine dans les facultés publiques. Une possibilité que les futurs médecins marocains rejettent en bloc, et qui demeure « incompréhensible » pour les étudiants d'Ukraine, mais aussi pour les professionnels du secteur, surtout que la décision d'intégrer ou pas les étudiants d'Ukraine ne relève pas des étudiants, mais des autorités compétentes. Le point. Ayant déjà exprimé ce refus lors d'une Assemblée générale tenue la semaine dernière, la Commission nationale des étudiants en médecine au Maroc a encore une fois réitéré son rejet dans un long communiqué, intitulé « la qualité de la formation est une ligne rouge« . En ce qui concerne l'augmentation du nombre de nouveaux entrants dans les facultés, la CNEM a réaffirmé la nécessité d'injecter les budgets nécessaires, d'augmenter le nombre de professeurs et de personnel, et de préparer d'abord les terrains hospitaliers de formation, parallèlement à des lois qui traitent sérieusement les problèmes liés à la gouvernance et à la coordination. La CNEM a ainsi estimé que la « surpopulation » que connaissent actuellement les facultés et les CHU « ne permet aucune augmentation, ce qui pousse de nombreux services hospitaliers au niveau des hôpitaux universitaires à répartir les étudiants en groupes qui bénéficient de stages périodiques tout au long de la semaine ». À cet effet, la CNEM a souligné que la situation actuelle les a incités à « exclure la possibilité d'intégrer ces étudiants au sein des facultés de médecine » et appelle à « discuter d'autres solutions qui n'affectent pas négativement la qualité de la formation ». Sollicité par Hespress Fr, Mohamed Kassimi Alaoui, coordinateur de la CNEM, nous a confié que la situation est vraiment compliquée au sein des facultés et des services hospitaliers. « Au niveau de ces derniers, et sur 10 ou 15 lits, on trouve 40 à 50 étudiants venus passer leur stage. Faute d'espace, ils sillonnent les couloirs jusqu'à la fin de leur stage et n'apprennent rien. Si on rajoute les étudiants d'Ukraine, ce chiffre va augmenter à 80 ou 90 stagiaires par service. Comment allons-nous apprendre à ce moment-là ? Les étudiants d'Ukraine sont nos camarades. Mais cette situation n'est pas bonne, ni pour nous ni pour eux », déplore-t-il, appelant le gouvernement à réagir pour améliorer la situation des facultés et CHU et imputant la responsabilité de la situation actuelle au ministère de la santé. Cela dit, cette réaction des étudiants en médecine n'est pas passée inaperçue auprès des étudiants marocains d'Ukraine, toujours traumatisés par les horreurs qu'ils ont vues et vécues dans leur pays d'accueil. Après avoir pris connaissance de cette réaction, l'un des étudiants d'Ukraine en médecine dentaire, A.M a exprimé à Hespress Fr sa « compréhension de la situation des étudiants de médecine au Maroc, et les difficultés qu'ils rencontrent durant leur formation (surpeuplement, manque de formation, manque de terrains de stage ...) ». Mais selon notre interlocuteur, « cette décision d'intégration, ou pas, des étudiants d'Ukraine au sein des facultés marocaines, ne relève pas des étudiants et n'est pas entre leurs mains. C'est à l'Etat et au ministère de tutelle ou encore les doyens des facultés de se prononcer sur ce point » . Refus et blocus : Une réaction « incompréhensible« Même son de cloche auprès du Dr. Abderrahim Chab du Conseil national de l'Ordre des médecins (CNOM) qui ne comprend pas justement comment « des étudiants refusent d'autres étudiants« . « Rien qu'avec cette expression, ça sonne vraiment faux« , a estimé Dr. Chab qui souligne que les étudiants en médecine du Maroc « n'ont aucun droit de dire quoi que ce soit, vu qu'il s'agit d'une politique de l'Etat« . Il a également estimé que ces étudiants « n'ont qu'à suivre leurs études et laisser leurs confrères marocains travailler avec eux« , ne voyant vraiment pas la raison de ce refus. En discutant avec Dr. Chab des arguments avancés par les futurs médecins, ce membre du CNOM avance « que ces problèmes ont toujours existé, bien avant que les étudiants d'Ukraine ne rentrent au Maroc. Ce sont des problèmes qui ne datent pas d'aujourd'hui ». « Nous avons déjà fait des propositions à l'Etat pour trouver les moyens d'assurer assez de place pour tout le monde. C'est le fameux partenariat privé-public. L'Etat n'a qu'a faire un bon partenariat avec le privé et agréer les cliniques et cabinets privés où les étudiants peuvent effectuer leur stage. Il ne faut pas tout concentrer sur l'Etat, parce qu'il n'y a pas assez d'infrastructures contrairement au privé (plus de 400 cliniques et cabinets privés) où les étudiants peuvent réaliser leurs stages. L'Etat doit aller dans ce sens« , a préconisé Dr. Chab. En faisant le tour de certains forums d'étudiants en médecine, on observe que ces derniers critiquent également « la note » ou encore « le niveau » des étudiants d'Ukraine. Sur ce point, Dr. Chab avance que « l'Etat a ouvert la porte aux médecins étrangers pour venir travailler au Maroc, dont on ignore la formation. On ne connaît même pas leur note ou leur niveau. Un médecin étranger, il suffit qu'il ramène son diplôme et il travaille direct. Donc où est le problème lorsqu'il s'agit d'étudiants marocains ?« , s'interroge notre interlocuteur. Selon lui, « il n'y a justement pas de différence. Surtout, qu'aujourd'hui on va également réduire la formation à 6 ans, ce qui nous permettra d'avoir plus de médecins au Maroc, qui connaît justement une pénurie en la matière« . Pour conclure, Dr. Chab estime qu'il faut aussi « accorder du temps à ce nouveau gouvernement qui vient de s'installer, pour réfléchir aux solutions pour remédier aux différents problèmes que connaît le secteur de la santé, notamment ceux touchant les étudiants en médecine« .