Des juristes maghrébins et des militants des droits de l'Homme ont mis en garde contre l'emprisonnement pour délits mineurs, estimant que cette approche engendre la récidive et le surpeuplement carcéral. La politique punitive adoptée en matière de traitement des délits mineurs « engendre une crise économique et sociale, une surpopulation au sein des établissements pénitentiaires, et affecte négativement l'intégration dans la société», a déclaré Jamila Sayouri, présidente de l'association Adala pour le droit à un procès équitable, lors d'un séminaire sur le thème « Dépénaliser les délits mineurs et mettre en place des peines alternatives ». Au cours de ce séminaire organisé par son association en partenariat avec EuroMed Droits, un réseau de 80 organisations de défense des droits humains, l'Organisation Contre la Torture en Tunisie (OCTT) et l'ONG internationale Avocats Sans Frontières France (ASF), Jamila Sayouri a indiqué que le nombre de prisonniers au Maroc est passé de 72.000 en 2019 à plus de 84.000 en 2020, notant que 48% d'entre eux ont été condamnés à de courtes peines. Contactée par nos soins, Amina Makdoud, professeur en sciences économiques à l'Université Sidi Mohamed Ben Abdellah, relève que l'application de peines privatives de liberté aux auteurs de délits mineurs, a des conséquences négatives, tant sur la situation à l'intérieur des prisons, où le taux de surpopulation est élevé, qu'au niveau des coûts financiers et de la complexité de l'intégration dans la société. « La peine privative de liberté peut ne constituer aucune dissuasion, et elle peut aussi avoir un impact inverse, car la personne privée de liberté peut se transformer en criminelle après sa sortie de prison », explique-t-elle. La présidente de l'Association Adala a également souligné que le maintien en détention des auteurs de délits mineurs entrave les politiques et programmes de réforme et de réhabilitation menés par les pays du Maghreb, où le taux de criminalité et les cas de récidive sont élevés. Pour sa part, un représentant de l'association Avocats Sans Frontières a affirmé que « la pandémie a aggravé la crise économique et sociale, ce qui a rendu les groupes sociaux pauvres plus appauvris, et les a poussés à l'immigration clandestine, à la mendicité ou au travail illégal au marché noir ». Le militant tunisien des droits de l'Homme a ajouté que « l'imbrication de la voie légale, avec l'exacerbation de la crise économique, a conduit à la surpopulation dans les prisons, notamment en Tunisie, où le nombre de détenus s'élève à 23.000 personnes, dont la moitié sont sans jugement, et un grand nombre d'entre eux ont été condamnés pour des délits mineurs ou liés à la pauvreté dont ils souffrent ». Dans ce sillage, Najib Al Araj, professeur à la Faculté des Sciences juridiques, économiques et sociales de Fès, a déclaré que le recours de manière excessive au système pénal, en particulier au mécanisme de criminalisation des délits mineurs, entraîne des dommages sociétaux qui n'affectent pas uniquement la personne condamnée, mais s'étendent à d'autres parties, comme la famille. « S'engager fortement dans cette politique traditionnelle entraîne des poursuites judiciaires et des sanctions excessives, ce qui entraîne une spirale négative qui conduit à l'exclusion sociale », précise-t-il, ajoutant que le droit pénal « devrait être le dernier recours ».