Une fois de plus, la fête du travail se déroulera sous l'ombre des mesures restrictives, néanmoins, les représentants de la classe laborieuse ne manqueront pas de monter au créneau. Pour la deuxième année consécutive, les représentants de la classe laborieuse devront se passer des festivités de la fête du travail. Réagissant aux appels lancés sur les réseaux sociaux pour la célébration du 1er mai sur la voie publique, le gouvernement a annoncé, mardi, l'interdiction de toutes les célébrations sur le terrain, tout en exhortant l'ensemble des centrales syndicales à poursuivre les efforts déployés et à respecter, à l'instar de l'année précédente, toutes les mesures restrictives en vigueur. Bien que les pancartes et banderoles, qui, habituellement, envahissent les rues de la capitale chaque début mai, resteront dans les sièges et permanences des syndicats, ces derniers ne manqueront pas d'exprimer leurs revendications sur des dossiers qui restent à la traîne, sachant que la fin de l'actuel mandat gouvernemental approche à grands pas. Dialogue social au point mort Pomme de discorde entre le gouvernement, le patronat et les syndicats, le dialogue social figure en tête de liste des revendications des représentants des travailleurs. Ce dossier épineux, qui sera discuté, le 11 mai prochain à la Chambre des conseillers, lors de la séance mensuelle des questions relatives à la politique générale adressées au Chef du gouvernement, reste suspendu du fait que «le gouvernement n'a respecté que l'aspect financier de l'accord tripartite du 25 avril 2019, qui concerne les salaires des fonctionnaires», nous indique Enâam Miyara, Secrétaire général de l'Union Générale des Travailleurs du Maroc (UGTM), qui affirme que les droits des travailleurs dans le secteur privé n'ont pas bougé d'un iota. Or, l'Exécutif considère que le pouvoir d'achat de la classe ouvrière dans les secteurs public et privé a connu une nette amélioration, comme il l'a mentionné noir sur blanc, dans son bilan du travail gouvernemental au titre de la période 2017-2021. Ce qui laisse présager que la tension au sein de l'Hémicycle va monter durant les prochains mois. Car oui, l'Etat a procédé à l'augmentation générale entre 400 et 500 DH des salaires des fonctionnaires selon le grade, répartie sur trois tranches, dont la dernière a été déboursée en janvier 2021. Le coût global des engagements relatifs aux fonctionnaires de l'Etat a atteint, ainsi, près de 14,25 milliards de dirhams. Néanmoins, pour le secteur privé, les travailleurs rémunérés au SMIG et au SMAG attendent toujours une augmentation de 5% de leurs revenus, qui a été freinée par la pandémie. La Confédération Générale des Entreprises du Maroc (CGEM), qui représente les employeurs dans le dialogue social, a joué la carte des « trésoreries vides », soulignant que la priorité dans la présente conjoncture est la préservation de l'emploi. En réaction à ce blocage, Myara affirme que « dans le contexte actuel, les partenaires sociaux doivent respecter leurs engagements », ajoutant que cette tentative, incompréhensible du patronat de fuir ses engagements concernant l'augmentation du SMIG, est une manière d'ignorer les autres engagements pris dans le cadre de l'accord tripartite. Toujours dans le cadre des libertés syndicales, le projet de loi organique 97-15, régissant le droit de grève, traîne aussi dans les tiroirs de l'Exécutif, au moment où les grèves se multiplient, surtout dans les secteurs de l'Education, la Santé et certaines activités sinistrées par la crise sanitaire. Le ministre de l'Emploi, Mohammed Amekraz, a cherché, en février dernier, à créer un terrain favorable pour déboucher sur un texte consensuel, ne butant pas sur un nouveau blocage au sein de l'Hémicycle, mais en vain. A ce sujet, le SG de l'UGTM nous confie qu'il «reste plusieurs points de désaccords à élucider sur la loi sur le droit de grève et les libertés syndicales». Mesures de soutien aux démunis
Le couvre-feu prolongé et le manque de mesures en faveur des activités à l'arrêt, notamment les cafés et les restaurants, font également partie des dossiers qui agitent le plus les syndicats. Les représentants desdits secteurs déplorent le fait que les restrictions qui ont été prises pour endiguer la propagation du Covid, n'ont pas été accompagnées par des mesures concrètes à même d'atténuer les répercussions de la pandémie, surtout durant le mois du Ramadan. Alors que la première moitié du mois sacré s'est écoulée, les associations et centrales syndicales continueront de faire pression dans l'espoir d'un retour à la table des négociations avec l'Exécutif.
Trois questions à Enâam Mayara « Les pratiques attentatoires aux libertés syndicales persistent toujours » Enâam Mayara, Secrétaire Général de l'Union Générale des Travailleurs du Maroc (UGTM), a répondu à nos questions sur l'évolution du dialogue social avec le Gouvernement à la veille de la journée internationale du travail. - A l'occasion de la fête du travail, que préparer-vous cette année marquée par une crise sociale importante et quels messages entendez-vous adresser à l'Exécutif ? - Vu les contraintes de l'état d'urgence sanitaire, nous allons célébrer la journée internationale du travail de façon virtuelle sur les réseaux sociaux et notamment sur notre page Facebook. Des rencontres seront organisées où nous allons saisir l'occasion pour nous exprimer sur plusieurs sujets sociaux, particulièrement le dialogue social. - Sur ce dernier point, cela fait des mois que le dialogue social est interrompu entre les syndicats et le gouvernement, est-ce qu'il y a des perspectives de reprise des discussions avant la fin de la législature ?
- Bien que le gouvernement ait exécuté ses promesses en ce qui concerne la valorisation des salaires dans la Fonction publique, le dialogue social est suspendu actuellement et n'a abouti à rien en ce qui concerne nos revendications sur les droits des travailleurs dans le secteur privé. S'ajoute à cela la suspension du dialogue dans différents département ministériels. Concernant la réforme du droit du travail et la loi sur les syndicats, le dialogue n'a pas encore avancé. Le gouvernement n'a toujours pas sorti un texte de loi clair et lisible. Nous exigeons d'être associés à son élaboration. En plus, nous dénonçons plusieurs pratiques attentatoires aux libertés syndicales qui persistent malheureusement (les licenciements abusifs des salariés syndiqués) et les contraintes qui pèsent sur la création des bureaux syndicaux, surtout dans le secteur privé. Le gouvernement ne s'est pas encore engagé à remédier à cela. - Concernant les élections professionnelles, quels enjeux revêtent-elles cette année pour vous ? - Il s'agit d'un événement très important et un moment démocratique pour nous les syndicats, il s'agit pour les travailleurs, les ouvriers et les fonctionnaires encartés d'élire et de renouveler leurs représentants dans les différents bureaux syndicaux. Nous avons déjà entamé les préparations et il ne nous reste pas beaucoup de temps, sachant que les élections auront lieu début juin.