Le prix du poulet connait une augmentation depuis quelques jours. Il a atteint dans certaines villes presque 20 DH le kilo. Précisions du président de la FISA, Youssef Alaoui. Mounia Kabiri Kettani Les consommateurs sont en colère. Ces derniers jours, les prix des produits alimentaires flambent. Comme c'est le cas pour le poulet dont les prix sur le marché sont situés entre 16 et 20 DH le kilo voire même plus dans certaines villes. Le président de la Fédération Interprofessionnelle du Secteur Avicole, Youssef Alaoui est catégorique. Pour lui, les prix sont plus que raisonnables vu la crise qui sévit dans le secteur. En effet, selon les chiffres fournis par la FISA, l'activité avicole qui a réalisé en 2019 un chiffre d'affaires de l'ordre de 32,5 MMDH et génère quelques 530.000 directs et indirects a subi une baisse drastique de la demande évaluée à plus de 40% suite aux dispositions liées à la lutte contre la pandémie du coronavirus notamment la fermeture, des restaurants, des réfectoires et cantines, des salles de fêtes, l'annulation d'événements, le confinement obligatoire des ménages à domicile, la restriction de la circulation des personnes et la fermeture des souks hebdomadaires. De lourdes pertes Pour l'ensemble des maillons de la filière, on estime les pertes à plus de 4 MMDH durant les six derniers mois. Seul le secteur du poulet et dinde de chair a accusé une chute de plus de 3MMDH. «C'est une catastrophe. La crise de la covid-19 a anéanti toute l'activité. Depuis Février dernier, l'éleveur vend ses poulets à perte à un prix de 7DH/kg à la ferme pour un coût de revient de 12DH. Pour les œufs, ils ont été vendus à 45 centimes contre un prix de revient de 65 centimes. Même tendance pour la dinde vendue à 9DH alors que le coût de revient avoisine les 14,5DH/Kg. Pour le poussin c'est encore pire. Les éleveurs le vendaient à 30 centimes alors qu'il leur coûte entre 2,5 et 3 DH. Une vraie hécatombe », détaille Youssef Alaoui qui ajoute que «l'éleveur marocain subventionnait pendant toute cette période le consommateur ». Des faillites en cascade Résultat ? «Au bout de 7 mois de pertes, les éleveurs n'en pouvaient plus. Ils sont sur le bord du gouffre : des faillites en cascade, beaucoup ont fermé boutique, d'autres ont jeté l'éponge et se sont convertis dans de nouvelles activités, mais certains sont menacés aujourd'hui par la mise en prison en raison de chèques impayés », déplore Youssef Alaoui qui note par ailleurs que «l'éleveur ne pouvait plus continuer à remplir et vendre à 7DH. Sinon, dans trois mois il sera achevé », tranche Youssef Alaoui. D'autant plus, que selon lui, la filière a été exclue de toute subvention lors de cette période de crise sanitaire. «Beaucoup d'éleveurs sont passés de l'informel au formel au cours de ces dernières années. Et donc ont procédé à déclaration de leurs salariés à la CNSS et paient les cotisations nécessaires. En raison de crise, leur personnel était en arrêt temporaire de travail, mais ces deniers n'ont bénéficié d'aucun soutien ni CNSS ni autre. Les adhérents de la fédération n'arrêtaient pas de me poser la question sur ce qu'ils ont gagné de cette « formalisation » de leurs activités », s'indigne Alaoui qui ajoute aussi que les professionnels n'ont bénéficié ni de prêts oxygène ni de crédits de relance. Baisse de la production L'envol des prix s'explique en effet par la forte diminution de l'offre puisque non seulement le nombre de producteurs a été réduit comme peau de chagrin, mais même ceux qui résistent aujourd'hui, ont opté pour la baisse de leur production. «C'est normal qu'on baisse la production. Ce qui est anormal c'est de continuer de vendre à perte. Il fallait donc revenir à des prix de vente normaux de 14 et 15DH pour un prix de revient de 12DH. Donc, l'éleveur ne gagne que 2 à 3 DH/kg, qui ne compenseront pas les pertes subies depuis le début de la crise. Il lui faudra au moins 3 ans pour se relever», insiste le président de la FISA. Halte aux intermédiaires ! Outre la baisse de la production, il faudra mettre l'accent sur le fléau des intermédiaires. Même quand le prix à la ferme a été de 7DH, le poulet était vendu à près de 13DH. Maintenant qu'il est acheté auprès de la ferme à 14DH, on le trouve sur le marché à des prix qui peuvent aller à 20 DH ! Sur ce point particulièrement Youssef Alaoui reconnait que c'est un véritable problème qui porte préjudice à la fois au secteur et au consommateur. Mais, il nous confie que «cela n'est pas du ressort de la profession. « Les autorités locales doivent jouer leur rôle pour mieux contrôler les prix sur les marchés », conclut-il.