Surprenant chiffre annoncé par le ministre de l'éducation nationale Said Amzazi, la veille du dernier délai fixé pour choisir le mode d'enseignement des élèves marocains : 80% des parents ont opté pour le présentiel ! Par Hayat Kamal Idrissi
Les Marocains ont-ils commencé à cohabiter avec le virus ? Ont-ils vaincu leur peur de la pandémie et d'une éventuelle contamination ? Ou c'est juste une question de manque d'alternatives alors que la plupart des parents ne sont plus en télétravail ? « C'est beaucoup plus compliqué ! Ce chiffre résulte de la combinaison de plusieurs facteurs pratiques et psychiques. L'expérience de l'enseignement à distance n'était pas une grande réussite pour beaucoup. C'était même trop éprouvant moralement et physiquement pour les enfants mais aussi pour leurs parents », analyse Hind Achahboune, pédopsychiatre. Une analyse qui est confirmée d'ailleurs par beaucoup de parents ayant toujours un arrière goût amer de l'expérience de l'enseignement à distance pendant le confinement.
Le lobby des enfants « Ma fille de six ans ne cesse de pleurer depuis des jours. C'est devenu un leitmotiv chez elle « je veux partir à l'école ». Pour elle, impossible de passer une autre année scolaire loin de ses camarades. Elle m'a même lancé : A quoi bon être bien portante si je suis tout le temps seule », nous raconte Naima Malki, fonctionnaire. Pour Meriem Taki, attachée de presse, « C'est tout à fait normal que les parents optent pour le présentiel. L'expérience du distanciel n'a pas été réussie pour un grand nombre. Aussi la majorité n'a pas les moyens financiers de se procurer les fournitures scolaires et les tablettes pour suivre les cours à distance, surtout ceux ayant plusieurs enfants », explique cette mère de deux enfants. Au-delà des moyens, la volonté des enfants semblent l'emporter de loin dans ce choix. Ces derniers ont réussi enfin à faire entendre leur voix et à « imposer » le choix du présentiel aux parents hésitants. « J'ai peur pour leur santé, j'ai peur de la contamination mais mes deux filles n'ont pas cessé de faire de la pression pour faire du présentiel. Finalement, l'école ce n'est pas juste des cours et des exercices », reconnait Samira Mansouri, employée. D'après la psychiatre, « Les enfants ont besoin de sociabilisation. L'école leur offre le cadre adéquat pour la vivre pleinement : camarades de classes, amis, maitresses, encadrants...beaucoup d'enfants ont mal vécu l'expérience de l'école à la maison. Combinée au confinement, ça a généré un sentiment de rejet par rapport à un éventuel renouvèlement de cette expérience « traumatisante » », analyse Hind Achahboune. « Nombreux ont même boycotté les cours les derniers jours de l'année scolaire. Certains ont fait des dépressions. Cette tendance est donc tout à fait normale aujourd'hui. Les parents cherchent le bien être et l'épanouissement de leurs enfants », ajoute-t-elle.
Pas de télétravail, pas de télé-enseignement Un fort lobbying des enfants mais aussi des conditions qui ne s'apprêtent plus au e-learning. Beaucoup de parents ont été obligés de choisir le présentiel car incapables d'être sur tous les fronts. Eux même obligés de reprendre leur activité professionnelle en présentiel, ils n'ont pas d'autres alternatives. « Je suis moi-même enseignante en primaire. Je reprends le boulot dès le 7 septembre. Ma fille de 8 ans devrait automatiquement aller en cours effectif car je n'ai personne pour la garder à la maison et la chapeauter dans son apprentissage à distance », nous explique Hafida Touhfi, divorcée.
Si la plupart des parents ont été confrontés au dilemme de « partira, partira pas ! », certains ont été obligés d'opter pour le présentiel. « Certaines écoles privées imposent carrément ce choix. J'en ai fait personnellement l'expérience. L'école avance que les enseignants ne pourront pas être au four et au moulin. Puisqu'ils assurent le présentiel, ils ne pourront dispenser en même temps des cours à distance », témoigne Youssef Abbadi, père de deux enfants. Surprenante attitude de ces écoles surtout lorsqu'on considère la réponse du ministère de l'éducation nationale concernant cette attitude. « Ces écoles n'ont pas le droit d'imposer ça. Il y a un recours administratif pour riposter et les empêcher d'imposer cette décision », assure Said Amzazi, ministre de l'éducation nationale, mercredi soir lors de l'émission « Confidences de presse » diffusée sur la deuxième chaine. Les parents désireux d'un enseignement à distance en feront recours ? A suivre.