Confrontés à un sacré dilemme, les parents doivent assumer la totale responsabilité de leur choix pour leurs enfants. Déchirés entre la crainte de la maladie, celle de l'échec scolaire et l'insoutenable sentiment de culpabilité... les Marocains doivent gérer cette nouvelle crise. Par Hayat Kamal Idrissi « Partira en classe, partira pas !!! Quoi que je décide, je me sens coupable par rapport à mon enfant. Si je j'opte pour le présentiel, j'aurais l'impression de l'envoyer au charnier. Si je choisis l'enseignement à distance, en le gardant à la maison, nous serons confrontés à la possibilité de rater cette année aussi. Car il faut le dire l'apprentissage à distance a été vraiment approximatif, l'année dernière », s'exprime, avec désarroi, Nadia Ouakkas, employée et mère de deux enfants en primaire. Profondément troublés, de nombreux parents hésitent encore à trancher, à un jour seulement du délai fixé par le ministère de l'Education nationale. Responsabilité / Culpabilité « Le poids de la responsabilité de ce choix vital pour nos enfants me plombe l'esprit et le moral. Je dois me décider aujourd'hui mais j'ai trop peur d'assumer les répercussions de ce choix », note Tarik El Hiyani, ingénieur et père de deux filles. Son souci premier ? La sécurité de ses filles. « Je préfère qu'elles soient de mauvaises élèves mais vivantes plutôt que fortes en classe et mortes », argumente ce père inquiet. Si Tarik aurait préféré les envoyer en classe à cause des « performances à distance médiocres » offertes par leur école pendant le confinement, il se dit prêt toutefois à revivre l'expérience. « La survie de mes filles prime », tranche-t-il. Pour Jamila Jrichate, infographiste, point d'hésitation. « Si je les envoie à l'école et qu'ils tombent malades je ne me pardonnerais jamais ça ! Impossible pour moi de sacrifier mes enfants et de vivre avec ce sentiment de culpabilité », nous explique-t-elle. Son cœur de mère protectrice l'empêche d'ailleurs d'opter pour le présentiel pour ses trois enfants. Ceci même si elle reconnait que c'est une dure épreuve de les assister à la maison et de jouer les professeurs, elle et son mari, alors qu'ils ont tous deux des carrières professionnelles à mener.
Choix pragmatiques Plus pragmatique, Nabil Elhairech, commercial, voit les choses autrement. « Je ne veux pas risquer la vie de mes enfants ; mais en même temps je ne veux pas me faire arnaquer comme l'année dernière par les écoles privées qui ont été payé pour un travail à moitié fait. J'opte pour le e-learning mais je retire ma fille et mon garçon de l'école privée. Je vais les inscrire à l'école publique », raisonne, triomphant, le commercial. Pour Latifa M. Alaoui, pas d'hésitation : Le présentiel. « L'année dernière, c'était un véritable enfer. J'étais en télétravail en plein temps. Je n'arrivais pas à gérer mes engagements professionnels qui débordaient sur ma vie personnelle. Ceci tout en assistant toute la journée mon enfant qui est en première année du collège », nous raconte-t-elle. Une situation difficile qui a plongé cette assistante technique dans un état dépressif profond, duquel elle peine encore à sortir. « L'école nous a rassuré par rapport aux mesures de protection et de prévention. Je veux bien y croire sinon je n'ai pas d'autres choix », conclut-elle.
Crainte persistante Dans cette attitude résignée, Latifa n'est pas seule. De nombreux parents, dépassés par les responsabilités et incapables d'être présents sur tous les fronts, ont opté pour le présentiel. « Mon Ilias est en première année du baccalauréat. Ca demande beaucoup de concentration et d'assiduité. Le e-learning ne lui a pas trop réussi l'année dernière. Beaucoup de lacunes que j'espère rattraper en l'envoyant en classe réelle », explique Amal Mouatassim, enseignante. La peur du Coronavirus ? « Ilias est assez rodé à l'exercice de la prévention et très responsabilisé par rapport au port du masque et l'utilisation du gel désinfectant. Je compte sur sa vigilance pour s'auto-protéger », argumente, confiante, Amal. Une confiance qui n'est pas partagée par la majorité des parents. Très inquiets par rapport à l'insouciance et l'étourderie de leurs enfants, « Nous n'avons qu'à prier pour que des clusters scolaires ne se déclarent pas aussitôt », s'inquiète Latifa.