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Les secrets d'un mariage
Publié dans L'observateur du Maroc le 08 - 03 - 2020

A chaque fois que l'Accord de libre-échange liant le Maroc à la Turquie est remis en cause, le PJD marocain s'agite. Ses réactions épidermiques suscitent la curiosité. Pourquoi le parti de la Lampe fait-il de la Turquie SON affaire? Et dans quel intérêt ?
Par Mohammed Zainabi
Les chiffres sont plus têtus que les hommes politiques. Chaque année, le Maroc accuse un déficit de 2 milliards de dirhams avec la Turquie à cause de l'Accord de libre-échange (ALE), déséquilibré, qui le lie à ce pays. Pire, pour la même raison, selon des chiffres officiels, les pertes d'emplois dans le secteur du textile dans le Royaume sont passées de 14.000 en 2014, à 44.000 en 2019.
Il a suffi que Moulay Hafid Elalamy révèle récemment ces données – parmi d'autres – à la Chambre des représentants, et de menacer de déchirer l'ALE avec la Turquie, pour que les PJDistes ressortent les armes. Ils l'ont déjà fait début 2018, quand le ministère du commerce extérieur avait levé les exonérations accordées aux Turcs en vertu de l'ALE sur le produit fini d'habillement et les textiles de maison (tissu d'ameublement, tapis et couvertures).
Après l'application depuis le 1er janvier 2020 de la taxation à 27% des importations de produits finis textiles en provenance de Turquie et la récente sortie de Moulay Hafid Elalamy au parlement, les députés du parti de la Lampe se sont indignés séance tenante. Leurs hauts responsables se sont ensuite relayés, par voie de presse et à travers le site du PjD, pour « contre-attaquer ». Les uns et les autres ont crié à l'instrumentalisation politique de ce dossier par le Rassemble national des indépendants (RNI) dont est issu le ministre de l'Industrie, du commerce et de l'économie verte et numérique.
Les parlementaires PJD, comme leur ancien ministre du budget, Driss Azami, et leur ancien secrétaire d'Etat au Transport, Najib Boulif, ont tous avancé le même argument : « Le déficit du Maroc est beaucoup plus important dans ses ALE avec l'Union européenne, les Etats-Unis et même avec la Chine qui opère en dehors de tout accord, pourquoi donc viser uniquement le déficit avec la Turquie ? ».
Là encore, les chiffres sont têtus et Moulay Hafid Elalamy en a présenté une longue série (Voir infographies et lire encadrés), en réponse aux attaques des PJDistes. Sauf que ces derniers ont bouché leurs oreilles face à ces explications, qui montrent clairement que les déficits enregistrés dans le cadre des autres ALE sont compensés notamment par des investissements directs, des créations massives d'emplois, voire par des dons financiers.
Ne voulant rien savoir, certains PJDistes ont même ramené le débat sur le partenariat du Maroc avec la Turquie au sein de leur parti. Il y a une « position de principe » du PJD concernant le pays d'Erdogan, nous confie un ancien membre du parti marocain de la Lampe qui connaît cette formation politique de l'intérieur. Pour lui, le PJD marocain et le PJD turc sont liés par une historique « fraternité idéologique ». Il trouve donc naturel que les députés et les dirigeants du parti marocain de la Lampe s'érigent en défenseurs invétérés des intérêts turcs dans le Royaume.
Il nous a fallu vérifier ces intrigantes assertions auprès de différentes sources au Maroc et en Turquie, pour en tirer des informations avérées.
Mariage secret entre PJD marocain et PJD turc
Certaines traces des « mémoires » du Parti marocain de la justice et du développement (PjD) et son homonyme turc (Adaletve Kalkınma Partisi ou AKP, parti de la justice et du développement en langue turque) montrent que les liens de ces deux formations politiques islamo-conservatrices dépassent, et de très loin, la seule ressemblance de nom et de symbole (la lampe).
C'est le PJDiste al-Mokri Abou Zayd, qui l'a révélé en 2012 : des membres de « Fazilet Partisi », parti de la vertu dissous en juin 2001, avaient rencontré à cette période certains de leurs « frères » du PJD marocain avant de fonder en août 2001 leur propre PjD (AKP), sous la conduite de Tayeb Recip Erdogan. Sans entrer dans les détails, l'ancien secrétaire général du PJD, Abdelilah Benkirane, avait confirmé cette information en septembre 2014 à nos confrères de jeune Afrique en se vantant de l'influence de son parti sur son homologue turc pour éviter de parler de l'influence dans le sens contraire.
En remontant l'histoire des deux partis, on remarque aussi que le PjD marocain a pour matrice idéologique le Mouvement unicité et réforme (MUR), exactement comme l'AKP a pour source doctrinale Milli Görüs (Vision Nationale). Le principal dénominateur commun des deux mouvements est d'être l'émanation des Frères musulmans.
La preuve que le MUR et Milli Görüs étaient en relation a été donnée à travers cette information ayant défrayé la chronique en octobre 2016. Elle concerne une réunion secrète qui a été tenue mardi 20 septembre au Centre maghrébin des études à Istanbul en Turquie entre des leaders des Frères musulmans et le membre du MUR, ZouhairAttouf. Il y aurait été question d'une demande de soutien médiatique et financier présentée par le PjD marocain à ses « frères » turcs. Les PjDistes ont reconnu la présence de Attouf à cette réunion, mais ont récusé l'existence d'une quelconque demande.
Cinq ans avant cette réunion controversée, la jeunesse du PJD marocain a signé, officiellement, un accord de coopération avec la jeunesse de l'AKP. C'était en mai 2011. Le signataire est Mustapha Baba, qui était secrétaire général des jeunes PjDistes marocains au moment des faits. En cette qualité, il participait à un évènement international organisé par les PjDistes turcs en présence de Recep Tayyip Erdogan, alors premier ministre. Driss Bouanou, responsable à ce moment-là des relations étrangères de la jeunesse du PjD était lui aussi de la partie. Ce même Bouanou, devenu plus tard député du parti de la Lampe, est parmi les nombreux PjDistes qui ont suivi ou qui suivent encore leurs études supérieures en Turquie. Voilà qui nous ramène vers une autre facette des liens qu'entretiennent les PjD marocain et turc.
Machine turkménisatrice
Différentes sources bien informées, dont certaines avaient résidé pendant longtemps en terre turque et d'autres y résident encore, ont toutes confirmé que plus de 90% des jeunes marocains qui bénéficient de la bourse d'étude en Turquie sont proches du PjD marocain. Dans la longue liste des illustres bénéficiaires on trouve, en plus de Driss Bouanou (frère de Abdellah Bouanou), Najm Eddine El Othmani, fils de l'actuel secrétaire général du PjD, Saâd Eddine El Othmani. El Othamni junior était le camarade de classe de Mosaab Hamdaoui, fils du député PjD et ancien président du Mouvement unicité et réforme (MUR), Mohamed Hamdaoui. Hamdaoui junior était même devenu, pendant longtemps, le plus grand pourvoyeur des universités privées turques en étudiants marocains en contrepartie de généreuses rétributions. C'est pour cela qu'il a créé le Centre Córdoba pour l'Education à l'étranger. A l'étranger veut dire exclusivement Turquie, et c'est ce qu'on déduit en lisant le « Mot du président » de ce Centre publié sur le site « cordobaeducation.com ». Mosaab Hamdaoui précise bien, en illustrant son mot par une photo en costume cravate bleus :
« Notre objectif principal à Cordoba Center, ou plutôt l'héritage que nous nous efforçons de laisser derrière elle, c'est l'importance de façonner les jeunes esprits ». Il ajoute plus loin : « Nous avons choisi d'entrer dans ce champ de services parce que les générations à venir seront celles qui nous guideront vers le développement, et pour que cela se produise, ils doivent être capables d'assumer cette responsabilité. L'apprentissage est l'outil ultime vers cette réalisation. Parallèlement à ces derniers, le renforcement de la coopération entre le Maroc
et les autres pays (ndlr, la Turquie est le seul champ d'action du Centre) devrait également être une priorité ».
Le ton est celui d'un missionnaire. Les mots d'un « laveur de cerveaux ». Et la volonté de façonner les esprits des jeunes, aussi naïvement dévoilée, est révélatrice du travail en profondeur des PjDistes marocains en collaboration avec leurs frères turcs, pour la formation d'une élite marocaine « Made in Turkey ». D'ailleurs, les fils, frères et proches des hauts dirigeants du PjD ont constitué la première grande vague des étudiants marocains en
Turquie. Aux noms déjà cités, il faut ajouter les fils de l'ancien ministre PJD, El Habib Choubani : Mohamed Aymane Choubani, qui a été élu, en 2012, président de la première Association marocaine des étudiants en Turquie et Ahmed Yassine Choubani. La nièce de l'ancien ministre PjD, jihad Briche, a elle aussi étudié en Turquie. S'y ajoutent Marwa Idrissi Bouzidi, fille de l'ancienne ministre PjD Soumia Benkhaldoun, et Safaa El Halouti, fille de Abdelilah Halouti, conseiller PjD à la deuxième Chambre et secrétaire général de l'Union nationale du travail au Maroc (UNTM – syndicat PjD).
Ces étudiants pas comme les autres se concentrent tous à Istanbul, principalement à Bahçeşehirüniversitesi où la Turquie attire de nombreux filles et fils de ministres et de personnalités influentes de différents pays qu'elle chouchoute pour renforcer son armée de fidèles défenseurs de ses intérêts au Maroc, en Afrique et dans différents pays du monde.
En tout cas, le succès de la Turquie auprès des étudiants marocains est sans égal. Alors que leur nombre était de 250 en 2012, certains médias turcs les chiffrent aujourd'hui à plus de 2000. A en croire des jeunes marocains qui poursuivent actuellement leurs études dans le pays des Ottomans, le nombre d'étudiants « cooptés » par le PjD marocain représente toujours l'écrasante majorité.
Turkménisation au Maroc
En janvier 2017, la surprise des Marocains était grande d'apprendre qu'il y avait pas moins de neuf écoles turques au Maroc : 3 à Casablanca, 2 à El jadida, 1 à Fès, 1 à Tanger et 1 à Tétouan, en plusdu centre de langues « Nilufer » à Rabat.
C'était au moment où le ministère marocain de l'Intérieur venait de prendre la décision de fermer toutes les antennes dugroupe scolaire « Mohamed Al-Fatih »,
du nom de Fethullah Gülen devenu l'ennemi numéro1 d'Erdogan après le coup d'Etat de juillet 2016.
Plus surprenant encore, la création de certaines écoles turques dans le Royaume a été financée essentiellement par des membres influents du PjD et de sa matrice idéologique le MUR.
Des informations publiées à l'époque par des médias marocains et jamais démenties depuis ont révélé qu'à El jadida, les écoles « Asafoua 1 » et « Assafoua 2 », liées au groupe « Mohamed Al-Fatih », ont été fondées respectivement en 2010 et 2016, par la société privée « Assafoua Alboustane », dont le siège est dans la même ville.
Le capital de cette société est principalement détenu par Abdelmouneim Mawhoub (7000 actions), Driss joudar (1500 actions), Mustapha Hassim (1000 actions), et Aziz Benkirane (500 actions), tous des membres du PjD ou du Mouvement de l'Unicité et de la Réforme (MUR).
Pour rappel, le ministère de l'Intérieur a justifié sa décision de fermer les écoles du groupe « Mohamed Al-Fatih » par le fait que ces établissements faisaient la promotion de l'idéologie guléniste, qui est considérée comme contraire aux principes du système éducatif et religieux marocain. Mais la turkménisation s'opère toujours au Maroc à travers la télé où des séries turques, traduites en parler marocain (darija), continuent à avoir un énorme succès. De fil en aiguille, c'est là l'une des raisons du succès de la Turquie auprès des touristes marocains, qui sont de plus en plus nombreux à visiter ce pays.
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Indignation générale contre l'ALE Maroc-Turquie
« Je ne voudrais pas évoquer le volet politique, mais il faut dire que nos politiciens sont en train d'utiliser notre secteur comme monnaie de soutien idéologique de ce pays (ndlr, la Turquie). Ils ne sont pas conscients qu'ils sont en train de nous faire perdre des milliers d'emplois », proteste, avec amertume, le président de l'AMITH, Mohammed Boubouh (Lire son interview dans ce dossier).
Chez les plasturgistes, la même colère est exprimée. Le président de la Fédération marocaine de plasturgie (FMP), Hicham El Haid, ironise en faisant remarquer qu'il n'y a que les rasoirs qui ne sont pas exportés au Maroc par la Turquie. Pour lui, il est anormal que les Turcs vendent des produits finis au Maroc à un prix qui est inférieur de 5 à 6% à la matière première servant
à fabriquer ces produits. Et Haid explique ce gap par
la cascade de subventions qu'octroie la Turquie à ses exportateurs et par les différentes formes de dumping qu'ils pratiquent. « C'est l'accord entre le PJD et l'AKP qui a provoqué cette catastrophe », conclut-il et d'ajouter qu'il est regrettable que le gouvernement n'applique pas la réciprocité avec la Turquie surnommée par certaines victimes marocaines de l'invasion des produits turcs
« Le monstre d'Anatolie ».
Au vu des dégâts causés par l'ALE Maroc-Turquie, les plasturgistes comme les textiliens ainsi que d'autres industriels et commerçants appellent à sa révision, voire à son abrogation. La plupart des partis politiques sont du même avis. Il n'y a que le PJD qui sacralise ce document.
Mohamed Boubouh : « Aucun modèle d'entreprise ne peut tenir au modèle turc »
L'ALE Maroc-Turquie n'est pas gravé dan sel marbre de la Mosquée bleue
Article 12 – « Mesures de sauvegarde spécifiques » : « Sans préjudice des autres dispositions du présent accord et, en particulier, de celles de l'article 22, et vu le caractère particulièrement sensible des produits agricoles, mentionné à l'article 9, si les importations de produits originaires d'une Partie, faisant l'objet de concessions accordées en vertu du présent accord perturbent gravement les marchés de l'autre Partie, la Partie concernée peut prendre des mesures appropriées dans les conditions et conformément aux procédures énoncées à l'article 22 du présent accord ».


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