Le chef de gouvernement, Abdelilah Benkirane, accueillera à partir d'aujourd'hui et pour deux journées, son homologue turc, Tayyib Erdogan. Le premier ministre turc entame, en effet et à partir du Maroc, une tournée régionale qui le conduira par la suite en Tunisie et en Algérie. À première vue, la visite d'Erdogan vise à consolider les relations économiques entre le Maroc et la Turquie et à ouvrir de nouvelles perspectives pour l'amélioration des échanges commerciaux entre les deux pays. C'est ce qui justifie la présence de la centaine d' hommes d'affaires dans la délégation turque, qui est composée de près de 300 personnes. Les entrepreneurs turcs rencontreront leurs partenaires marocains, avec lesquels ils devront identifier les pistes permettant de dynamiser leur coopération dans le sillage de l'accord de libre-échange qui lie le Maroc à la Turquie depuis 2004. Cependant, au-delà des aspects économiques de cette visite, les enjeux politiques sont de taille. Il s'agit en effet de la première visite d'un haut responsable politique turc au Maroc, depuis l'arrivée du PJD à la tête du gouvernement en novembre 2011. Pour le chef de gouvernement et son parti, cette visite a donc une forte portée symbolique, surtout à l'heure actuelle où sa coalition gouvernementale traverse une crise qui menace de remettre en cause la réussite du programme de gouvernance du parti de la lampe. Ce n'est un secret pour personne, le PJD entretenait, bien avant son avènement au gouvernement, de fortes relations avec l'AKP (Parti pour la justice et le développement), le parti du premier ministre turc. Le modèle AKP La visite du premier ministre turc au Maroc constituera donc l'occasion pour le PJD de raffermir ses relations avec l'AKP. Les deux partis sont issus de la même matrice à référence islamiste et pour le chef de gouvernement, l'expérience de l'AKP à la tête du gouvernement turc peut servir de modèle pour son parti. L'AKP a en effet réussi une réelle performance économique ces dix dernières années, ce qui lui a valu d'être considéré comme un modèle pour les partis islamistes arrivés au pouvoir, au Maghreb, dans le sillage des évènements liés au printemps arabe. La visite d'Erdogan au Maroc intervient d'ailleurs au moment où le PJD doit faire face à une véritable crise politique, que traverse la coalition gouvernementale après la décision prise par son principal allié, l'Istiqlal, de se retirer du gouvernement. Lors de l'entretien programmé entre les deux responsables politiques à Rabat, Abdelilah Benkirane ne manquera certainement pas d'évoquer avec Erdogan, des voies et moyens permettant au PJD de consolider sa position au pouvoir en s'inspirant du modèle turc, principalement de celui de l'AKP, qui a eu également par le passé à faire face à des difficultés avant de prendre véritablement la main en matière de gouvernance, et engager les réformes qui ont permis à l'économie turque d'enregistrer pendant plus d'une décennie une croissance économique, dont la moyenne annuelle tournait autour des 7 à 8%, parfois au-delà des 10%. Dans le même temps, la tournée du premier ministre turc dans la région constitue une nouvelle opportunité pour la Turquie d'étendre son influence dans la région, surtout dans le contexte régional actuel avec la persistance de crises sociopolitiques.