Par Vincent Hervouët Julian Assange risque de finir sa vie en prison. S'il est livré à la justice américaine, il sera enterré vivant puisqu'il encourt désormais une condamnation de 175 ans pour espionnage. S'il reste dans la cellule du Quartier de Haute Sécurité de Belmarsh où les Britanniques l'ont enfermé, cela prendra moins de temps. Un collectif de médecins qui s'est intéressé à son cas prétend que le fondateur de Wikileaks est en danger de mort. Ils sont une soixantaine qui exercent en Australie, aux Etats-Unis, en Suède, au Royaume-Uni, dans tous les pays où Julian Assange a résidé et où son cas fait polémique. Leur diagnostic est formel : le détenu a besoin d'urgence d'une « évaluation médicale de son état de santé physique et psychologique » et de soins appropriés. Il y a trois semaines, le rapporteur des Nations Unies sur la torture avait trahi le secret médical en expliquant que selon des sources fiables, le prisonnier est entré « dans un cercle vicieux d'anxiété, de stress et d'impuissance, typique des personnes exposées à un isolement prolongé et à un arbitraire constant ». un paranoïaque persécuté Il n'y a pas besoin d'avoir un stéthoscope autour du cou ou un passeport diplomatique dans la poche pour avoir remarqué que Julian Assange paraissait totalement désorienté au tribunal, il y a un mois. C'était sa première apparition en public depuis que la police l'a arraché à l'ambassade d'Equateur où il vivait reclus depuis sept ans. Ce vieillard de 48 ans bredouillait pendant l'audience. Incapable de se souvenir de sa date de naissance, il a bafouillé qu'il n'avait rien compris de ce qui s'était passé. On a retenu de la scène son égarement et qu'il se plaignait de ses conditions de détention. Il arrive que des paranoïaques soient persécutés. Et que des complotistes deviennent totalement fous. Julian Assange voulait défier une machine d'Etat dont il dénonçait la puissance sans limite et la totale impunité. C'est avec cet alibi qu'il a diffusé, des millions de documents confidentiels sur l'armée en Irak et en Afghanistan, les circuits de corruption de potentats africains et de compagnies russes offshore. C'était il y a dix ans et l'anarchiste 2.0 a plongé dans un labyrinthe kafkaïen. Il semble bien que son esprit s'y soit égaré. On peut penser que Julian Assange est un salaud davantage qu'un héros. Comme la plupart des hackers. Qu'il est gluant, cynique, irresponsable. On peut le voir comme un violeur. Qu'il a mis des vies en danger en Irak. Qu'il s'est laissé manipuler par les Russes pour discréditer Hillary Clinton. Que la place d'un maitre-chanteur est au violon. Peut-être. Mais ses tribulations judiciaires sont dignes de Kafka. On se croirait dans une fable anti-totalitaire du temps de l'Union soviétique. Pression considérable Tout a commencé avec la plainte irréelle de deux Suédoises. L'histoire est scabreuse. Il aurait profité du sommeil de ses deux maitresses pour avoir avec l'une d'elle une relation sexuelle sans préservatifs, ce qu'elle refusait. La justice suédoise veut considérer cela comme un crime et réclame l'extradition de J. Assange à Londres où il se trouve. Les Britanniques l'enferment, puis lui accordent une libération sous caution en attendant de décider de le livrer ou non. Assange qui redoute par-dessus tout d'être ensuite extradé aux Etats-Unis se réfugie à l'ambassade d'Equateur qui lui accorde l'asile et même la nationalité. Pendant sept ans, il vit comme Tanguy, sous la surveillance étroite et constante des services américains. Il y a six mois, changement de régime à Quito : J. Assange est livré. Les Suédois ont depuis longtemps abandonné leur plainte mais les Britanniques vont quand même l'enfermer au prétexte qu'il s'est soustrait au contrôle judiciaire. C'est à ce moment que les Etats-Unis qui ont exercé une pression considérable sur l'Equateur, la Suède, les Britanniques et tous les Européens mettent bas les masques et inculpent J. Assange pour espionnage. Voilà, un homme que la télé douze heures par jour et sept ans à huis clos devant son clavier d'ordinateur, sans jamais sortir de sa chambre ont rendu à moitié fou et qui se retrouve à l'isolement en QHS. C'est un asile dont il a besoin. Celui où les Soviétiques mettaient les dissidents. Celui qu'on accorde aux personnes mentalement déficientes. A défaut du droit d'asile réservé aux personnes persécutées.