Par Mireille Duteil C'est un conflit terminé avant même d'avoir commencé. A Gaza, personne ne voulait d'une nouvelle et longue guerre, ni les Palestiniens ni les Israéliens. Elle arrivait trop tôt ; pas au bon moment. Alors à quoi joue-t-on sur ce minuscule territoire où tentent de survivre 2 millions de Gazaouis confrontés à une détresse sociale profonde causée par un blocus économique vieux d'une décennie ? Et où, une fois encore, les civils ont payé le prix fort : 31 Palestiniens tués et 150 blessés selon le ministère de la Santé à Gaza ; 4 civils israéliens sont morts et plusieurs dizaines ont été blessés. Ce dernier accès de fièvre commence à Gaza par les tirs du Jihad islamique à la frontière : deux soldats israéliens sont blessés. Tsahal réplique et tue deux membres du Hamas. Le parti islamiste ne pouvant se montrer moins « nationaliste » que le Jihad, lance une centaine de roquettes sur Israël qui réplique par des bombardements terrestres et aériens. L'engrenage n'est que trop habituel. Ce qui l'est moins, c'est que pour la première fois, les groupes armés des deux partis tirent près de 700 missiles (dont certains de type Badr 3 et Kornet d'une portée de 40 kms). Cette puissance de feu neutralise partiellement le bouclier de protection israélien, « la voûte d'acier », créé avec l'aide des Américains. 65% des missiles aurait fait mouche. Autre constatation : ces missiles fabriqués à Gaza prouvent que le Hamas a pu, en dépit du blocus, se procurer les matériaux nécessaires à leur fabrication. Tsahal allait-elle se lancer dans une grande opération militaire comme en rêve la droite dure israélienne depuis mars 2018 lorsque le Hamas a inauguré la stratégie des « Marches du retour », (manifestations régulières des Gazaouis le long de la frontière pour réclamer le droit au retour en Israël et la fin du blocus) ? Il n'en est rien. Le 5 mai, lors de la réunion du Cabinet israélien, des participants réclament l'arrêt de l'offensive, à commencer par les militaires qui estiment que le temps n'est pas venu pour une guerre d'envergure. Place à la médiation. Le Qatar et l'Egypte s'entendent pour imposer un cessez-lefeu le 6 mai, après 48 heures de bruits et de fureur. Des mesures concrètes devraient être annoncées prochainement. En fait, Benyamin Netanyahou a intérêt à calmer le jeu alors qu'il tente de former son gouvernement et va recevoir l'Eurovision, le 18 mai. Il ne veut pas donner l'image d'un pays guerrier. Le Hamas a fait le même raisonnement. Profitant de la situation israélienne, il a lancé cette offensive pour obtenir de l'Etat hébreu qu'il mette en oeuvre l'accord de novembre dernier passé sous l'égide de l'Egypte. Le Hamas s'engageait à veiller au calme à la frontière en contrepartie d'un allègement du blocus, de l'acceptation par Israël du transfert d'une aide financière qatarie à Gaza et de la construction de certains projets d'infrastructures. Israël n'a jamais confirmé cet accord de novembre et si le Qatar a pu envoyer (13,4 millions d'euros) à Gaza (une goutte d'eau dans l'océan des besoins), Doha n'a pas eu, de nouveau feu vert pour renouveler son aide. Le Hamas s'estime donc floué. Est-il possible que ce second accord ait plus de chance d'être respecté que celui de novembre ? On peine à y croire. Il faudrait que les durs des deux camps estiment que faire la paix présente plus d'intérêt que la guerre. Apparemment, ils n'y sont pas prêts.