La scène se déroule, mardi 26 novembre 2018, dans un silence de cathédrale. Plusieurs ingénieurs du Jet Propulsion Laboratory (JPL) de l'Agence spatiale américaine (NASA) s'affairent les yeux rivés sur leurs ordinateurs pour suivre, monitorer, et rapporter les différentes étapes d'atterrissage de la mission InSight sur Mars, après un long périple de six mois dans l'espace. Depuis l'entrée dans l'atmosphère de la planète rouge, InSight ne disposait que de 7 minutes pour amorcer une décélération vertigineuse de quelque 25.000/h à zéro. Durant ce laps de temps infiniment court étant donné les circonstances ambiantes, de nombreux événements vont survenir et doivent s'enclencher à la perfection, comme dans une partition de musique, avait expliqué M.Oudrhiri, dans une interview. Le scientifique marocain, que l'on pouvait voir sur les écrans étant donné que cet événement était retransmis en direct sur les quatre coins de la planète, rapportait en temps réel sur son microphone les différentes étapes d'évolution de la mission jusqu'au contact avec le sol. A ce moment précis, l'on pouvait voir le silence qui laissait place à une vive émotion et à un chaos indescriptible de ces mêmes ingénieurs qui s'auto-congratulaient suite à cet atterrissage à la fois historique et révolutionnaire. Et pour cause, nous explique Kamal Oudrhiri, responsable du département des études planétaires à la NASA, « atterrir sur Mars est l'une des prouesses scientifiques les plus improbables en termes d'exploration planétaire, étant donné que le taux de réussite n'est que de 40% », notant qu' »un taux d'échec de 60% rend bien évidemment les choses compliquées, mais aussi passionnantes si elles venaient à aboutir ». Le mot « passion » revient souvent dans le discours de ce scientifique émérite pour lequel « le succès de la mission InSight sur Mars est tout simplement un hymne à la passion et au travail d'équipe ». « Une équipe de 300 personnes qui a mené à bien ce projet en faisant preuve de confiance mutuelle, d'assiduité, de patience et d'une diligence à toute épreuve », a-t-il renchéri. « Au JPL de la NASA c'est tous pour un et un pour tous », a tenu à rappeler Kamal Oudrhiri, qui en était à son 4è atterrissage sur Mars, une prouesse scientifique de la plus haute importance académique. En effet, Kamal Oudrhiri, avait joué un rôle clé dans de multiples missions, notamment celles liées aux engins d'exploration de Mars, à savoir « Curiosity », « Rovers », « Spirit » et « Opportunity », en passant par les missions internationales « Cassini » pour la planète Saturne, « Grail » pour la lune et « Juno » concernant la planète Jupiter. Aujourd'hui, il chapeaute également la mission « Laboratoire des atomes refroidis » (Cold Atom Lab, CAL) pour le compte de l'agence spatiale américaine NASA. La sonde InSight emboite ainsi le pas à Curiosity, un autre appareil qui avait réussi son atterrissage sur Mars, en 2012. Cette dernière mission scientifique, explique M. Oudrhiri, consistera à analyser la composition interne de la planète rouge, ajoutant que c'est dans cette optique qu'InSight a été doté d'un sismomètre et d'un capteur de flux de chaleur. Après la collecte de ces données et une fois leurs analyses transmises aux scientifiques de l'agence spatiale US, ces derniers seraient en mesure de mieux comprendre la genèse des planètes rocheuses, comme la planète Terre. Mais au-delà de la nouvelle frontière que vient de décliner la mission InSight sur la planète Mars, cette journée du 26 novembre avait pour Kamal Oudrhiri une toute autre signification personnelle celle-là, en ce sens qu'il avait tenu à ce que les initiales « M » (de Mohamed) et « O » de son défunt père soient cousues sur le partie haute de la manche de sa chemise rouge-grenat, la même que portait toute l'équipe du Jet Propulsion Laboratory. « J'ai ainsi voulu rendre hommage à mon père mais aussi au rôle et aux sacrifices que consentent les parents pour l'éducation et le succès de leurs enfants », a confié Kamal Oudrhiri, avec une émotion perceptible dans sa voix.