Ce n'est pas un hasard, c'est calculé. Le PJD et l'Istiqlal ont choisi de lancer leur campagne sur un thème irresponsable. AbdelilahBenkirane, pourtant chef du gouvernement, parle de l'existence de deux Etats, l'un dirigé par le Roi, l'autre shadow, dont on ne connaîtrait pas qui décide des nominations, ou qui fixe les orientations. Abdellah Bekkali, à la fois syndicaliste, parlementaire et porte-plume de Chabat est encore plus direct. Selon lui, le combat politique n'est pas entre les partis, le palais serait devenu un acteur et un enjeu. Ce pays a maintenu sa stabilité, dans des turbulences extraordinaires, parce que des héros, des hommes d'Etat, opposants durs, ont choisi de sauvegarder l'institution monarchique, alors qu'ils étaient en opposition à celui qui l'incarnait : Feu Hassan II. Ils avaient pour noms M'Hamed Boucetta, Abderrahim Bouabid, Ali Yata, ou encore Abdelkrim Khatib. Ils avaient pour eux leur immense culture, la sincérité de l'engagement, la vision historique. La stabilité du pays dépendait à leurs yeux de la pérennité de l'institution monarchique dont ils contestaient certaines orientations, mais jamais l'ADN. A chaque étape de l'histoire, ils ont travaillé pour une évolution. C'est grâce à eux, à l'alternance consensuelle, que les élections sont devenues transparentes, que les avancées en matière de droits de l'Homme sont réelles. Au point que lors des manifestations du 20 février, l'institution monarchique n'a jamais été remise en cause en tant que telle. Cette institution est le socle de la stabilité, le Roi qui l'incarne a un engagement démocratique et social réel, la constitution de 2011 fait la part belle à la souveraineté populaire et place le monarque en dehors des luttes partisanes. Istiqlal et PJD nous parlent d'un Etat de l'ombre. Cela pose de multiples questions. La première concerne leur degré de responsabilité dans leur action politique. Ils veulent combattre le PAM, ce qui est leur droit absolu. Mais au nom de quoi impliquer l'institution monarchique dans ce débat et parler de pouvoirs occultes que, selon Benkirane, même le Roi ne maîtrise pas ? Cela voudrait-il dire que la monarchie est un enjeu des prochaines législatives ? Si les Marocains votent contre le PAM, quel enseignement faudra-t-il tirer ? Cette stratégie électoraliste est à la fois dangereuse et stupide. Ces deux partis affirment qu'il y a un pouvoir occulte qui dépasse toutes les institutions. Si c'est le cas, pourquoi les citoyens iraient-ils voter, pour des institutions représentatives, qui ne seraient que des comparses ? Est-ce la bonne attitude pour renforcer l'adhésion populaire à la construction démocratique ? Les chefs de partis actuels tirent le débat vers le bas. Ni le PJD, ni l'Istiqlal n'ont de vision stratégique. Preuve en est leur histoire de couple compliquée. La construction démocratique au Maroc ne peut avancer que dans le respect des institutions et du rôle unificateur de la monarchie. Qu'un chef de gouvernement, qui n'assume même pas ses prérogatives, veut mêler le palais à une campagne électorale est ridicule. C'est surtout très dangereux, parce que renvoyant aux années 60 du siècle dernier et donc niant toutes les évolutions.