Cest finalement les 7 et 8 janvier que José Luiz Zapatero et Abdelaziz Bouteflika se sont rencontrés à Madrid. Alors que ce sommet était attendu depuis près dun an, la déclaration commune adoptée à son issue nindique pas que le malaise existant entre Alger et Madrid soit dissipé. Un long article titré «Les ambiguïtés de Madrid» publié le 9 janvier par El Watan semble dailleurs le confirmer. «Lambiguïté que continue à entretenir le gouvernement Zapatero autour du conflit du Sahara occidental, écrit le quotidien algérien, le dialogue de sourds entourant le débat sur la libre circulation des personnes et les attaques répétées dont fait lobjet lentreprise Sonatrach dans la péninsule ibérique laissent perplexe quant à la volonté réelle de Madrid de défendre les positions algériennes à Bruxelles. Les dossiers, objet de litiges bilatéraux, nont pas vraiment avancé( ) et aucun accord na été signé». Alger préoccupée Maigre résultat pour un sommet censé aplanir plusieurs différends. Y compris sur limmigration clandestine où Madrid appelle Alger à «collaborer» davantage car 65% des immigrants clandestins interceptés en 2009 en Espagne viennent dAlgérie Pouvait-il en être autrement quand la morosité et la défiance à légard du gouvernement de José Luis Zapatero ont remplacé lexcellence des rapports entretenus avec celui de José Maria Aznar et le rapprochement scellé par la visite dEtat du président Bouteflika en 2002 à Madrid ? En réalité, si Abdelaziz Bouteflika sest, cette fois, décidé à faire le déplacement, accompagné dune grosse délégation ministérielle, cest que lAlgérie est préoccupée. Le roi Mohammed VI vient dannoncer la «régionalisation» du Maroc, régionalisation qui va bénéficier en premier lieu au Sahara Occidental. Et, dans laffaire Aminatou, lEspagne sest éloignée de sa position de soutien au Front Polisario. En affirmant quelle «prenait acte du fait que ce territoire était administré par Rabat», elle a fait un pas, prudent mais réel, en direction de la thèse marocaine sur lautonomie. Ce pas inquiète dautant plus les autorités algériennes quil survient après que Madrid se soit abstenu par deux fois de voter des résolutions du Conseil de Sécurité sur le Sahara Occidental. Il est donc décisif pour Alger de convaincre lEspagne de rester neutre dans ce conflit. Surtout au moment où elle assume pour six mois la présidence de lUnion Européenne et où se tiendra, sous sa présidence, le 5e conseil dassociation Algérie-UE. Medgaz retardé En matière énergétique, les tensions ne manquent pas non plus, alors que Madrid importe 35% de son gaz naturel dAlgérie. Les conflits dintérêts semblent faire du sur-place : ils opposent la Sonatrach, la société algérienne des hydrocarbures, à ses homologues espagnoles sur le prix et la distribution par Sonatrach de ses produits en Espagne. Alger avait entamé en 2005, au moment où les prix du pétrole senvolaient, des négociations sur la révision à la hausse du prix du gaz acheminé vers l'Espagne par le gazoduc Maghreb-Europe Or, note El Watan, «lEspagne de Zapatero donne la nette impression de vouloir profiter au maximum de son partenariat avec lAlgérie sans rien céder en échange. Les officiels espagnols, qui souhaitent que les entreprises espagnoles obtiennent des parts de marché dans le vaste programme déquipement algérien prévu en 2010-2014, sont restés muets sur les doléances de Sonatrach de renégocier, par exemple, les prix du gaz» Larbitrage sur le prix de gaz devrait quoi quil en soit être rendu ce mois ci ou en février. En attendant, ces différends ont retardé la mise en service du gazoduc Medgaz qui reliera directement Béni Saf en Algérie à Almeria en Espagne. Un projet dun coût global de 900 millions deuros financé par la Sonatrach (majoritaire avec 36%), les espagnoles Cepsa et Iberdola (20% chacune), ainsi que Gaz de France et Endesa Message à la France Seuls points positifs pour le président algérien, premier invité de lEspagne depuis quelle a pris la présidence de lUE : Madrid a proposé quOran accueille les 26 et 27 avril la prochaine réunion des 5+5 regroupant les pays des deux rives de la Méditerranée consacrée à l'énergie et à l'environnement. Et, en se rendant à Madrid, Abdelaziz Bouteflika a envoyé un message aux Français : vous nêtes plus des partenaires incontournables et privilégiés. Car là, tout agace Alger : larrestation à Marseille dun diplomate algérien, la relance par la justice française du dossier de lassassinat des moines de Tibéhirine en Algérie, la faiblesse des investissements français, les contrats militaires, l'avenir de l'Union pour la Méditerranée que Paris souhaite relancer. Et, bien sûr, le soutien de la France au Maroc sur le Sahara Occidental. Du coup, la visite dAbdelaziz Bouteflika en France annoncée fin 2008, na toujours pas eu lieu. Signe des temps : le président algérien aurait fait un bref passage fin décembre à Paris pour raisons médicales. Dans la plus grande discrétion et sans rencontrer aucun officiel français.