C'est un sujet, sérieux, très sérieux parce qu'il touche au quotidien des Marocains et plus précisément à leur pouvoir d'achat. Le commerce est d'abord une affaire de confiance. L'acheteur fait confiance au vendeur aussi bien sur le volet de la qualité que sur celui du prix. Parfois, souvent peut-on dire, cette confiance se craquelle. On commence à douter de la sincérité des prix affichés. Le consommateur n'a pas d'autre moyen d'évaluer les prix que son portefeuille. Il achète ce qu'il peut acheter. Il est donc très près de ses sous, comme on dit. Son pouvoir d'achat est son baromètre. En plus, il est convaincu qu'il a droit à consommer certains produits. C'est un droit. Et quand c'est un droit, on milite pour l'exercer. Les oeufs, le lait, les poissons (pas tous évidemment), la farine, l'huile, le sucre, le thé, la pomme de terre, la tomate, le poulet...), les Marocains ne peuvent pas s'en passer. Ça fait partie de leur quotidien. Dans un marché libre, les prix sont déterminés par la sacro-sainte loi de l'offre et de la demande. La rareté commande les prix, c'est connu. Quand cette loi est effective, personne ne s'en offusque, et la preuve en est donnée chaque fois que le prix d'un produit de première nécessite augmente, il n'y a pas de contestation active. On commente, on déplore, certes, mais on sait que c'est normal. Là où rien ne va, c'est lorsque le consommateur s'aperçoit ou simplement soupçonne que certains commerçants agissent sur la loi de l'offre et de la demande en limitant la première, créant de la sorte une fausse rareté pour vendre à meilleur prix. Ils gagnent alors une super marge bénéficiaire que rien ne justifie. Certains parlent de vol. Pourquoi pas? Ce qui s'est passé à Marrakech avec le jeune poissonnier montre que les Marocains comprennent bien la dynamique du marché et savent qu'il y a des perturbateurs de la loi économique qui assure la sincérité des prix. Et il s'est trouvé que l'action de ce jeune a créé un mouvement à l'échelle nationale, exigeant la vérité sur les pratiques commerciales. On s'est rendu compte que les produits en question ne sont pas rares et que leurs prix devraient être beaucoup moins élevés qu'ils le sont sur les étals. Dès lors, le voile est tombé et le consommateur a pu voir comment on assèche ses ressources financières réduisant son pouvoir d'achat à un niveau intolérable. Il n'y a plus de confiance entre vendeur et acheteur. Or qui établi cette confiance? C'est la loi et les réglementations. Autrement dit, l'Etat régalien. C'est l'Etat qui veille au respect des lois du marché. Ce pourquoi d'ailleurs, au Maroc, il y a le Conseil de la Concurrence. Le ministère de l'intérieur dispose des prérogatives et des moyens nécessaires pour contrôler les prix et rassurer le consommateur. Si l'Etat, avec toutes ses institutions, n'arrive pas à faire respecter les lois du marché et à protéger le pouvoir d'achat des citoyens, il manque à ses obligations. Comme il doit aussi protéger les producteurs et les commerçants on comprend que la tâche n'est pas facile. Toutefois, il y a un équilibre et c'est ce qu'il doit rechercher. Cet équilibre ne peut être assuré que par la loi du marché, expurgée de toutes les pratiques anti-concurrentielles et de positions dominantes dont certains profitent sans retenue. C'est pourquoi l'intervention du Wali de Marrakech, qui est rappelons-le, le représentent de Sa Majesté le Roi dans la région, était d'une parfaite pertinence. L'Etat s'est montré intransigeant sur la loi. Le jeune qui a été attaqué peut, non seulement poursuivre son commerce, mais il est assuré de la protection de l'autorité. En protégeant le jeune poissonnier, le Wali lui a donné raison. Il a, par ce fait même, montré que l'Etat veille sur le pouvoir d'achat des citoyens. C'est un épisode qu'il ne faudra jamais oublier. Néanmoins, il va falloir retenir quelques leçons. Un, les politiques ne semblent pas comprendre de quoi il s'agit. Ils ont pris la chose comme un clash sur les réseaux sociaux. Deux, le Parlement n'a pas jugé utile de créer une commission d'enquête pour connaître la vérité sur les marchés. Or, le parlement c'est une partie, une grosse partie de l'Etat. Trois, il n'y a pas mieux que la liberté d'expression. Quand elle opère dans le sens de la protection du pouvoir d'achat des citoyens, elle est utile, il faut l'encourager, la protéger. Quatre, il y a un avant la sardine, il y aura un après la sardine