La scène a été captée par un « journaliste ». Il prend cette vidéo et en fait une matière sur sa chaîne YouTube. Il laisse la dame parler, fait semblant de se lamenter, se cache les yeux pour montrer qu'il pleure et entre alors dans la critique de l'Etat. L'occasion est trop belle pour la laisser filer. Un Etat qui n'a aucun souci pour la vie des citoyens, aucune valeur humaine, recherchant uniquement les intérêts des puissants...etc, etc. Sur l'écran, la scène est presque horrible. Ça pleure dans les souks. Comment laisse-t-on, dans ce pays, les femmes, les familles, se débattre sans leur venir en aide et sans mettre en oeuvre la politique adéquate qui leur permettrait de vivre dans la dignité? Franchement, quand on regarde le « journaliste », quand on mesure sa peine et sa douleur, on pense vraiment que les gens sont abandonnés à leur sort. Ils peuvent aller donc au diable, personne ne leur demandera l'heure. On est tous atterrés, désolés, navrés, on se roule dans la boue, on s'arrache les cheveux. Cependant, le film n'est pas terminé. On est juste à quelques minutes de la fin. Et la fin arrive avec une grosse surprise, comme seuls les grands metteurs en scène savent en faire. Un de ces films où on s'attend à ce que le héros épouse l'héroïne et tous deux s'en vont dans leur voiture décorée avec la fameuse inscription « Just Married », et qui finissent, l'un en prison, l'autre six pieds sous terre. Surprise, n'est-ce pas? Eh bien, nous y voilà. Les vrais journalistes, il y en a, se sont demandé si les plaintes de la dame étaient réelles. Travail de journaliste. Et ce qu'ils allaient découvrir était au-delà de toutes leurs attentes. Pourquoi ont-ils eu des doutes? Pour des raisons très simples. La dame qui se plaignait tenait dans sa main un téléphone des plus chers. Son prix va de 10.000 à 16.000 DH. Sa vente rapporterait plus qu'un rein. En plus, pas besoin d'être psy pour voir qu'il y avait quelque chose de pas vrai dans ce qu'elle racontait. Mais passons, le journaliste n'a rien décelé. Et voici le choc. La dame n'est même pas marocaine. Elle est algérienne et a quitté son pays pour émigrer vers l'Europe en profitant de l'occasion créée par on ne sait qui à Fnideq. Les vrais journalistes sont allés encore plus loin et l'ont retrouvée sur les réseaux sociaux, où elle racontait qu'elle vivait grâce à la prostitution « qui rapporte beaucoup d'argent », justifie-t-elle. Elle a même précisé que de hauts personnages de l'Etat profitaient de ses faveurs. Mais cela n'est pas notre problème ici. On imagine la tête du journaliste quand il a reçu ces informations. C'est des moments où on souhaite que la terre s'ouvre pour y disparaître à jamais. D'autant plus qu'il se présente comme journaliste d'investigation, surveillant des deniers publics, veilleur de nuit de la moral et de l'éthique des dirigeants, monitorant l'action du gouvernement et de tous les fonctionnaires. Zorro sans l'épée et sans le masque. Mais Zorro quand même. Le journaliste n'est pas le plus intéressant dans cette histoire. En tant que personne, il n'intéresse pas. Le vrai sujet c'est le journalisme. Comment en est-on arrivé à ce niveau où on diffuse des informations sans être sûr de leur véracité? L'appât du gain? Ce n'est pas une mince affaire. Une information postée sur les RS peut avoir des implications terribles. C'est pour cela que la profession exige la prudence et la vraie investigation. Quand on n'est pas capable d'en faire, il serait peut-être plus utile de faire des reportages sur le ramassage des glands de chêne.