Les réponses du ministre de la Justice au parlement à propos des peines alternatives ne sont pas passées inaperçues. Les explications du ministre de la justice concernant les peines alternatives et leurs différentes déclinaisons ont aussitôt provoqué les réactions de juristes et d'activistes des droits humains, inquiets par rapport à l'impact de telles réformes. La possibilité d'acheter sa liberté en payant des amendes par jour a été spécialement critiquée. Inégalité « Au-delà de l'aspect lié aux classes sociales et aux inégalités inhérentes, on s'interroge sur les droits effectifs des victimes. Comment va-t-on les traiter dans ce genre d'affaires où les coupables sont condamnés à acheter leur liberté ? », s'interroge Naoufal Bouamri, avocat et activiste des droits humains. Décortiquant la nouvelle peine alternative proposée par le département de la Justice, l'avocat soulève la grande question de la réparation du préjudice par l'instauration de la justice. « Comment peut-on rassurer les victimes en l'absence de véritable sanction ? Comment préserver la confiance en la justice lorsqu'un coupable est capable d'acheter sa liberté rien que parce qu'il a de l'argent pour ce faire ? », s'inquiète le juriste. Estimant que les amendes versées à la Trésorerie générale ne sont pas suffisantes pour instaurer une véritable justice, Naoufal Bouamri cite plusieurs exemples. « Qu'en est-il d'une victime d'agression sexuelle, d'une femme ayant été violentée ou d'une personne victime d'un vol à main armée, quel sera son sentiment lorsque le lendemain du procès, elle verra son agresseur libre entrain de se promener à ses côtés comme si de rien n'était ? Ce type de peines alternatives risque de compromettre le principe et l'essence même de la justice », s'alarme l'avocat. Auto-justice Ce dernier va plus loin en alertant sur le risque d'un « dysfonctionnement social » provoqué par le bouleversement du concept de la justice équitable et de l'équilibre de la balance entre les différentes parties d'une affaire donnée. « Le fait d'acheter sa liberté ouvre dangereusement la voie à l'auto-justice. On offre une piste légale pour les «règlements de comptes» et les représailles personnelles sans pour autant faire appel à la Justice », analyse l'avocat. Une auto-justice, une violence et contre-violence qui seront largement favorisées, selon Bouamri, par la possibilité d'acheter sa liberté. Insistant sur l'importance de la protection des droits des victimes, l'avocat suggère d'appliquer cette peine alternative uniquement dans les simples infractions n'engageant pas de graves préjudices. « Le tribunal devrait respecter les droits des victimes, favoriser le principe de réconciliation et demander au préalable leur avis et leur accord avant d'appliquer de telles peines », conclut Naoufal Bouamri. Notons que la peine de jours-amendes ne s'applique pas dans les affaires d'abus sexuels sur mineurs, trafic d'organes, trafic de drogues, abus de pouvoir et corruption.