« Cette crise est une opportunité pour l'Afrique. Et les pays africains devraient saisir ce moment pour reconstruire des systèmes alimentaires durables », lance d'emblée le ministre de l'agriculture du Malawi , Lobin Lowe lors de la troisième édition du forum africain de financement des engrais organisé par la BAD, OCP Africa et le mécanisme africain de financement du développement des engrais, les 12 et 13 octobre 2022, à Casablanca. La rencontre se tient dans un contexte mondial marqué par l'envolée des cours des engrais avec des implications majeures pour la sécurité alimentaire en Afrique. Selon les Nations Unis, la quantité d'engrais disponible dans le monde a presque diminué de moitié, tandis que le coût de certains types d'engrais a presque triplé au cours des 12 derniers mois. Dans une note publiée le 15 août la banque mondiale a tiré de son côté la sonnette d'alarme. « Le niveau record des prix alimentaires est à l'origine d'une crise mondiale qui va plonger plusieurs millions de personnes supplémentaires dans l'extrême pauvreté et aggraver la faim et la malnutrition, menaçant des gains durement acquis en matière de développement », s'alarmait l'institution. Comment s'en sortir ? L'Afrique qui utilise déjà la plus faible quantité d'engrais par hectare au monde, est particulièrement menacée. C'est le cas de l'Angola par exemple. Le secrétaire d'Etat en charge de l'agriculture et de l'élevage dans le pays, João Manuel Bartolomeu da Cunha le reconnait. Selon lui, l'Angola se caractérise par de faibles rendements agricoles du principalement à un déficit en matière de connaissances chez les fermiers qui n'ont pas les moyens pour accéder aux engrais qui coûtent de plus en plus chers. Ainsi, « la quantité moyenne d'engrais utilisée par hectare ne dépasse pas les 12 Kg. Et la volonté est d'augmenter cette quantité pour atteindre au moins 50 Kg par hectare dans les années à venir », précise le responsable angolais déplorant la dépendance des pays africains des engrais venant notamment de Russie et d'Ukraine, au moment où le continent dispose de tous les atouts nécessaires et devrait mettre à profit sa richesse pour atteindre sa souveraineté alimentaire. Avis partagé par Martine Aboin, chef département des engrais chez le ministère de l'agriculture et du développement rural de la Côte d'ivoire. Pour elle, cette flambée des prix des engrais a impacté gravement les agriculteurs ivoiriens dans un pays qui n'accorde pas de subvention dans ce cadre. La responsable reste convaincue par ailleurs que les pays africains doivent travailler main dans la main et compter sur leurs propres ressources pour trouver les solutions adéquates à cette problématique. Il y a urgence. Et le financement des engrais demeure l'une des préoccupations majeures. La BAD a mis en place un mécanisme dédié. D'après le Directeur Général de OCP AFRICA, Mohamed Anouar Jamali, ce mécanisme favorise l'accès à des engrais de qualité et à moindre coût en Afrique. «Il s'agit d'une plateforme vitale pour partager les expériences, évaluer la pertinence des modèles existants et réfléchir aux solutions de financement à apporter dans le domaine », renchérit-il. OCP s'engage En tant qu'entreprise panafricaine, OCP s'est engagé à soutenir l'agriculture en Afrique. Le groupe a fortement investi dans le développement de sa capacité de production d'engrais écoresponsables, se fixant pour objectif d'atteindre 15 Mt de produits finis d'ici 2023, alors que sa capacité était de 3 Mt en 2008. Un investissement qui permettra, selon le groupe de répondre aux besoins urgents de l'Afrique tout en soutenant les agriculteurs du monde entier. Aussi, en réponse à la flambée des prix des engrais, OCP a lancé une initiative pour soutenir les petits fermiers à travers une contribution de 550.000 tonnes sous formes de dons et de rabais, soit 16% des besoins annuels en matière d'engrais sur le continent, qui a pu bénéficier à plus de 20 pays africains et servir plus de 4 millions de fermiers depuis juillet dernier. Cette semaine, le groupe s'est engagé à dédier plus de 4 millions de tonnes d'engrais en faveur de 40 millions agriculteurs africains dans 40 pays en 2023. «Cela représente le double de notre approvisionnement habituel en matière d'engrais sur le continent, et a pour objectif de contribuer à nourrir plus d'un milliard de personnes grâce à une augmentation de la production agricole », insiste Jamali précisant également que dans la mise en œuvre de l'opération, l'approche partenariale sera bénéfique à tous les niveaux. «Partenaires privés, gouvernementaux, instituts de financement, instituts de recherche....sont invités aujourd'hui, à supporter le succès de l'opération », affirme t-il avant de reconnaitre qu'il reste beaucoup à faire pur rendre le système alimentaire plus résilient aux chocs extérieurs.