Exploitant et distributeur cinématographique depuis cinq ans au Maroc, François-Pierre Bernet vient d'annoncer lors d'une conférence à Rabat (Ciné Atlas Colisée) fin juin organisée sous le thème « La régularisation fiscale au niveau mondial des géants du streaming » qu'il s'apprête à lancer une plateforme de streaming SVOD/TVOD marocaine intitulée « Play Atlas ». Une plateforme qui mettrait en avant les succès marocains, hollywoodiens et indiens, et qui fait office de « palliatif au manque de cinémas au Maroc grâce à une fenêtre de diffusion proche de la sortie en salles ». Et surtout une plateforme développée entièrement par la filiale française de l'entrepreneur, Chrysalis Films, qui en tant que société étrangère, bénéficiera donc au Maroc du même système fiscal que Netflix & co. Seul bémol : le système de taxation actuel des géants tels que Netflix ou Amazon Prime génère un contexte de « concurrence déloyale » décourageant les ambitions locales. Ces plateformes de streaming représentent pourtant « une gigantesque manne fiscale pour la filière cinéma au Maroc ». Sites de streaming 1 François-Pierre Bernet reproche à ces « mastodontes » du domaine de « ne pas respecter les lois » en vigueur dans le royaume. Pas d'autorisation de distribution ni de visa d'exploitation délivrés par le CCM (Centre cinématographique marocain), pas de licence HACA, pas d'agrément du BMDA (Bureau marocain des droits d'auteur), pas d'accord de l'office des changes... « La loi marocaine traite du commerce en ligne mais on observe que rien n'est appliqué. Cela crée une concurrence déloyale qui ne peut que décourager toute initiative locale. Or, le Maroc veut des entrepreneurs locaux qui créent de l'emploi et de la fiscalité locale », note le professionnel du cinéma qui rappelle que Netflix et Amazon Prime se rémunèrent via la dotation touristique accordée à chaque Marocain qui s'élève à 15.000 DH et nécessitant une carte bancaire internationale. Création d'une filiale Netflix au Maroc Selon Bernet, les dépenses effectuées par les consommateurs marocains n'impliquent pour ces services en ligne aucun paiement de TVA, ni d'impôt sur les sociétés (IS), ni de royalties sur les films, ni d'impôt sur le revenu (IR), puisque ces structures n'ont aucun employé au Maroc. L'absence physique de ces sociétés sur le territoire, c'est là où le bât blesse. « Netflix est une entreprise américaine dont la filiale aux Pays-Bas perçoit tous les revenus hors-Amérique », précise Bernet qui suggère la création d'une filiale Netflix au Maroc qui pourrait faire office de filiale dans la région MENA. « Cela favoriserait les investissements dans la production locale ». Selon Television Business International, le Maroc est le 3e consommateur de Netflix dans la zone MENA (6,9% des abonnements) et comptera 770.000 abonnés en 2025. Si Netflix encaissait ses recettes, non pas via sa filiale néerlandaise mais une filiale marocaine, les recettes fiscales dépasseraient en 2025 (CA/abonnés Maroc = 1.200 MAD TTC/an/abonné) 1,2 MMDH selon Newswire et 550 MDH d'après Television Business International. Des taxes par pays pour favoriser la production locale Depuis le 1er juillet dernier, les plateformes de streaming sont obligées d'investir 20 à 25% du CA dans la production audiovisuelle française et européenne d'expression originale française (décret SMAD). Si les plateformes de streaming régularisaient leur situation au Maroc sans modifier leur organisation locale, elles devraient payer entre 286 et 620 MDH d'IS, explique Bernet. Une fois le secteur entièrement régulé et fiscalisé, c'est entre 1,3 et 3,1 MMDH qui peuvent être investis dans la production locale.