« Cinéma service en ligne : Fiscalisation au niveau mondial des géants du streaming : Un potentiel gigantesque pour la filière cinéma au Maroc« , c'est le thème du débat lancé ce mercredi 30 juin par Ciné Atlas Holding. Objet? L'impact de la vague mondiale de fiscalisation des « Sillicon Six » (GAFAM+Neftlix) qui, sur la décennie 2011-2020, avaient échappé à 149 milliards de dollars d'impôts sur l'ensemble des pays où ils génèrent du chiffre d'affaires, selon les estimations de la fondation britannique Fair Tax. Dans sa présentation, le président dicteur général de Ciné Atlas Holding, Pierre-François Bernet, a exposé les « détournements fiscaux » auxquels ont recours les différents services en ligne au Maroc, notamment Netflix et Amazon Prime Vidéo, la loi marocaine ou encore le manque à gagner pour l'Etat marocain s'il décide de taxer ces opérateurs comme l'ont fait plusieurs pays occidentaux. Ainsi, il en ressort que les deux plateformes citées sont rémunérées au Maroc via la dotation touristique de 15.000 DHS et n'acceptent que les Cartes bancaires pouvant être débitées à l'international, commettant ainsi plusieurs infractions à la loi marocaine et créant une situation de concurrence illégale et déloyale pour les opérateurs marocains qui eux, payent leurs taxes. Le CEO de Ciné Atlas Holding a ainsi dévoilé la liste d'infractions à la loi commises par Netflix et Amazon au Maroc. Il se trouve que ces deux opérateurs n'ont pas d'autorisation distributeur délivrée par le CCM, pas de visa d'exploitation délivré par le Centre Cinématographique Marocain (CCM), pas de licence HACA, pas d'agrément du Bureau marocain du droit d'auteur (BMDA) ou encore pas d'accord de l'office des changes. Les articles de lois marocaines violés et non respectés par les deux opérateurs sont malheureusement nombreux. Il s'agit des articles 5, 6 et 8 de la loi n°20-99 relatifs à l'activité de distribution de films cinématographiques, avance Pierre-François Bernet, notant que ces deux plateformes s'affranchissent de la licence obligatoire délivrée la HACA et d'autres obligations édictées dans le Dahir n°1-16-123 du 21 kaada 1437 (25 août 2016) portant promulgation de la loi n°11-15 portant réorganisation de la HACA. Ces deux plateformes violent également la régulation relative à l'Office des changes, poursuit ce professionnel du cinéma au Maroc. Il y a d'une part l'article 61 imposant une autorisation du directeur du CCM pour l'importation de films étrangers, et d'autre part l'article 301 qui impose au distributeur que le contrat d'exploitation sur le territoire marocain soit visé par le CCM. Sauf preuve du contraire, le PDG de Ciné Atlas Holding avance que Netflix et Amazon se rémunèrent au Maroc sans s'acquitter de la TVA, sans déclaration de résultat aux services fiscaux (IS), sans payer la RAS (Retenue à la source) relative aux royalties reversées à l'étranger et sans verser d'IR (aucun employé au Maroc). Zone MENA : Le nombre d'abonnés à Netflix va tripler d'ici 2025 Dans la zone MENA, et selon une étude de NewsWire présenté par le CEO de Ciné Atlas, le nombre d'abonnés à Netflix va passer de 10,95 millions en 2019 à 27,16 millions en 2025. Mais selon une autre étude de Television Business International, ce nombre d'abonnés passera de 6 millions en 2020 à 11 millions en 2025. En somme, « et vu l'indisponibilité des données fournies par ces plateformes de service en ligne, on ignore exactement le nombre d'abonnés au niveau mondial ou encore régional« , a précisé Pierre-François lors de sa présentation. Il convient de souligner que la société encaissant les recettes de Netflix réalisées au Maroc et de nombreux autres pays, est basée aux Pays-Bas (Netflix International B.V) avec un Capital social déclaré de 12.500 euros. Cela dit, et en 2019, le CA de Netflix au Pays-Bas a atteint les 9,43 Mds euros alors que le total des impôts payés la même année par la plateforme était d'environ 92 Millions d'euros soit une somme inférieure à 1% du CA. « Une différence colossale« , a lancé Pierre-François Bernet. Photo Soufiane Belkouri Une gigantesque manne fiscale pour le Maroc Selon une étude de Television Business International, le Maroc est le 3e consommateur de Netflix dans la zone MENA (6,9% des abonnements) et comptera d'ici 2025, 770.000 abonnés. D'après le CEO de Ciné Atlas, et si Netflix encaissait ces recettes, non pas via sa filiale néerlandaise, mais une filiale marocaine, les recettes fiscales dépasseraient en 2025 (CA/abonné Maroc = 1200 MAD TTC/an), 1,2 Md MAD selon Newswire qui a estimé la TVA à 400 millions MAD, l'IS (31%) à 620 millions de MAD, la RAS 0 200 millions de dirhams; Mais d'après Television Business International, les recettes fiscales dépasseraient en 2025, les 550 MMAD avec une estimation de 185 millions de MAD pour la TVA, 286 millions de MAD pour l'IS ou encore 77 millions de dirhams pour le RAS. En tout cas, il y a un énorme manque à gagner pour le Maroc, ça c'est sûr. Récentes mesures prises à l'étranger Au niveau international, les gouvernements occidentaux ont vite réalisé que ces plateformes de service en ligne gagnaient des fortunes sans pour autant payer d'impôts ou encore créer de la richesse au niveau local. Le CEO de Ciné Atlas Holding est ainsi revenu dans sa présentation sur les différents pays ayant vite pris conscience du détournement fiscal de ses opérateurs et du manque à gagner par l'état en leur imposant des taxes à payer. Le professionnel du secteur a ainsi cité comme exemple les Etats-Unis d'Amérique où Joe Biden, dès son élection, a prôné que la loi de finances 2021 taxe tous les OTT de 28% sur leurs revenus étrangers en plus d'un accord du G7 sur un impôt mondial supérieur ou égal à 15% des firmes transnationales qui a été conclu en ce mois de juin 2021. Mais pas que ! Pierre-François Bernet a cité comme exemple le Royaume-Uni, où les autorités ont imposé à Netflix de déclarer à partir de 2021 100% de ses revenus au Royaume-Uni. Le 23 juin 2021, le gouvernement britannique a même annoncé sa volonté de soumettre les sites de streaming aux mêmes obligations que les chaînes de télévision. Au Canada, et après le succès de la taxe de vente du Québec pour les commerces en ligne instaurée en 2019, le pays adopte le 1er juin 2021 l'imposition des OTT non Canadiennes à 5% de taxe sur le CA, tandis qu'en France, et quand le gouvernement a réalisé que Netflix France ne déclarait que 26 millions d'euros de CA alors que le CA réel était 800 millions d'euros, il a imposé à la firme californienne une déclaration totale des revenus réalisés sur le sol français à partir de 2021. Le 1er juillet 2021, la France met en application le décret SMAD obligeant des plateformes à investir 20 à 25% du CA en production audiovisuelle française et européenne. Du côté de l'Espagne, le pays a imposé aux plateformes étrangères l'investissement en production locale de 5% de leur CA en plus de la taxation de 3% sur le CA pour les entreprises dont le CA mondial dépasse 750 millions d'euros et dont le CA local dépasse 3 M euros, a fait savoir le patron de Ciné Atlas, soulignant que le CA de Netflix en 2020 avait atteint 6,64 Mds de dollars avec 203 millions d'abonnés dans le monde, dont 74 millions aux USA, alors que les impôts payés dans le monde restent inférieurs à 1% du CA. Un nouveau souffle pour la production marocaine Outre la concurrence déloyale dont souffre le secteur cinématographique au Maroc souligné à plusieurs reprises par le CEO de Ciné Atlas, il y a également une énorme fortune qui passe sous les yeux de l'Etat marocain et qui pourrait servir pour la réalisation d'investissements dans l'industrie du cinéma au Maroc et générer dans emplois dans ce secteur qui avance doucement mais sûrement. Selon Pierre-François Bernet, et si Netflix ( et d'autres opérateurs) régularisait sa situation au Maroc sans modifier son organisation locale, la plateforme devrait payer entre 286 et 620 MMAD d'Impôt sur les sociétés (IS). « Mais de toute évidence, Netflix, comme on peut l'observer actuellement à l'étranger, fera le choix de se créer des charges au Maroc pour réduire ce montant d'IS en investissant dans la production locale« , estime-t-il. Une fois le secteur entièrement régulé et fiscalisé, c'est entre 1,3 et 3,1 Mds MAD qui peut être investi en local, fait savoir ce professionnel du secteur. Puis, il y a la TVA et la RAS, qui selon lui, restent des revenus garantis pour l'Etat. Photo Soufiane Belkouri « L'Etat marocain pourra à ce moment-là compter sur la TVA appliquée aux abonnements et sur la RAS (10%) appliquée aux revenus rapatriés hors du Maroc par les opérateurs OTT. Une fois le secteur entièrement régulé et fiscalisé, TVA et RAS seront des ressources pérennes pour l'Etat marocain, estimées entre 1,1 et 2,4 Mds MAD annuels à partir de 2025« , a mis en avant Pierre-François Bernet. S'agissant de l'évolution des investissements étrangers dans la production au Maroc, le professionnel a fait savoir qu'en 2019, ce sont 265,3 MMAD d'investissement qui ont été réalisés dans le cinéma, contre 504,14 MMAD dans les séries TV. 2020-2021 étant une année pandémique, les investissements étrangers dans le secteur sont estimés en 2025 à 300 MMAD en cinéma et 1,2 Md MAD en séries, dont 800 MMAD d'engagements potentiels en production Netflix, Prime et autres, a-t-il conclu. De son côté, Sarim Fassi Fihri, Directeur général du CCM, présent lors de cette conférence de presse, estime que la taxation des OTT au Royaume est « une équité fiscale« . « Un service qui génère de l'argent dans un pays, doit être taxé. Il doit participer à l'impôt dans le pays où il y a consommation de ses services par les citoyens. Je pense qu'il doit y avoir une prise de conscience entre les pouvoirs publics et les professionnels. C'est important que ces derniers soient associés à ce débat« , a déclaré à Hespress Fr le patron du CCM. Interrogé si Amazon et Netflix étaient déjà dans le collimateur du CCM, Fassi Fihri nous répond que « pas du tout, parce qu'il ne sont pas opérateurs au Maroc de manière directe. Le CCM n'a donc aucune emprise là-dessus« , nous a-t-il confié. Côté production de Netflix au Maroc, Fassi Fahri avance « qu'il s'agit d'un producteur comme un autre. Nous les servons comme nous servons n'importe quel producteur étranger. En plus, la plateforme ne produit pas au Maroc de manière directe« , mais via des intermédiaires, fait noter le patron du CCM.