Les pressions internationales exercées sur Benyamin Netanyahou auront finalement eu un semblant de réponse. Mais celle-ci a tout d'une avancée fictive à laquelle les principaux acteurs font mine de croire, Palestiniens exceptés. Depuis son intronisation, Barack Obama demandait au chef du gouvernement israélien Benyamin Netanyahou de geler les constructions de colonies en Cisjordanie où vivent 300 000 israéliens et de se prononcer en faveur d'un Etat Palestinien. Trois mois après son arrivée au pouvoir, le président américain transformait cette demande en exigence solennelle au cours de son adresse au monde musulman du 4 juin au Caire. Dix jours plus tard, Benyamin Netanyahou, soumis à une pression américaine à laquelle Israël n'est pas habitué, s'est donc résolu à accepter dans son premier discours de politique étrangère ce qu'il avait jusqu'ici refusé: prononcer le mot «Etat palestinien» exigé par les Etats-Unis. Mais il a immédiatement refermé la porte qu'il faisait mine d'ouvrir en posant des conditions qui vident de toute substance le futur Etat. Des conditions aux antipodes des exigences d'Obama Cet Etat sera ainsi «sans armée, sans contrôle de l'espace aérien, sans entrée d'armes, sans la possibilité de nouer des alliances avec l'Iran ou le Hezbollah (libanais)». Avant même la création de cet Etat, la direction palestinienne devra reconnaître Israël en tant qu'Etat juif. Cela revient à renoncer au «droit au retour» des réfugiés palestiniens poussés à l'exode en 1948 lors de la création d'Israël, «droit» qui constitue la question la plus épineuse de ce conflit. En outre, Jérusalem «doit rester la capitale unie» d'Israël, ce qui supprime toute idée de partage de la ville sainte, dont la partie orientale a été annexée par les Israéliens après la guerre de 1967. Pas question non plus de mettre un terme à la colonisation, ce qui mine toute perspective d'Etat palestinien. Ultime condition qui revient à demander à l'Autorité palestinienne de prendre le risque d'une guerre civile: «rétablir la loi à Gaza et renverser le Hamas». Ces conditions sont aux antipodes des exigences de Barack Obama et de la communauté internationale. Pourtant, le chef de l'exécutif américain a fait semblant de voir en cette fausse première concession «un important pas en avant». Alors que l'Union Européenne notait aussi «un pas dans la bonne direction», George Mitchell, l'émissaire américain au Proche Orient, incitait de son côté à aller plus avant, en martelant que les Etats-Unis souhaitait une «reprise prompte et une conclusion rapide des négociations entre Israéliens et Palestiniens» Israël, Etats-Unis : des priorités différentes La dénonciation par l'Autorité Palestinienne des conditions de Nétanyahou, «qui torpille toutes les initiatives de paix et entrave les efforts visant à sauver le processus de paix dans un défi clair à l'administration américaine», indique que le chemin vers ces négociations est encore long. «Netanyahou a posé une série de conditions qui rendent impossible la création d'un Etat palestinien viable, indépendant et souverain (...) Il veut en fait un protectorat israélien», s'est scandalisé Yasser Abed Rabbo, un proche collaborateur de Mahmoud Abbas, le président de l'Autorité palestinienne. La réaction du Hamas, qui s'oppose à toute reconnaissance d'Israël et contrôle Gaza, est plus dure encore: le mouvement islamiste a dénoncé l'idéologie «raciste et extrémiste» de Netanyahou. Mais le plus important est ailleurs. Les agendas des Etats-Unis et d'Israël sont différents, voire opposés. Après la désastreuse ère Bush, la priorité stratégique d'Obama est d'apaiser les tensions entre les Etats-Unis et le monde musulman. Et le président américain sait que ni la formidable empathie qu'il suscite, ni ses déclarations sur sa volonté de «réconcilier l'Amérique avec le monde arabo-musulman», ni les éloges répétés du «caractère pacifique de l'islam» n'y suffiront s'ils ne sont pas suivis d'actes. D'où la nécessité de faire pression sur Israël pour relancer au plus vite des négociations de paix à l'état de mort clinique. La coalition israélienne, obstacle à la reprise de négociations Ce n'est pas le souci majeur de Netanyahou. Et cela l'est encore moins depuis la proclamation de la victoire de Mahmoud Ahmadinejad, considéré comme l'ennemi juré d'Israël, à l'élection présidentielle iranienne. Du coup, le chef du cabinet israélien cherche à légitimer son refus de geler la colonisation par l'existence d'un accord des Américains. Les Israéliens font ainsi état d'un feu vert qu'aurait donné l'ancien président George Bush au gouvernement d'Ariel Sharon pour poursuivre les implantations. Au total trois documents détailleraient ce que l'Etat hébreu pouvait continuer à construire. «Il ne s'agit pas aujourd'hui de la politique officielle», a répondu sèchement la secrétaire d'Etat Hillary Clinton. Mais la vraie gageure de Netanyahou reste de donner l'illusion qu'il répond aux demandes américaines pour éviter que les tensions avec le grand allié stratégique américain s'aggravent tout en veillant à ne pas faire exploser son gouvernement, le plus à droite de l'histoire d'Israël. Et c'est là le problème : son acceptation d'un Etat palestinien démentie simultanément par les conditions édictées n'est que le résultat du compromis obligé au sein de son cabinet. Reste à savoir combien de temps encore Netanyahou pourra préserver, face à une pression américaine qui ne devrait pas faiblir, une coalition hétéroclite et de plus en plus fragile.