La recrudescence des braquages a poussé le ministre de l'Intérieur, Chakib Benmoussa, à ordonner la fermeture de 267 agences bancaires dans le pays. Ces agences pourront rouvrir lorsqu'elles disposeront de suffisamment d'agents de sécurité, d'alarmes et de caméras de surveillance. A la suite de cette décision, certains organismes bancaires tendent à s'orienter davantage vers le secteur privé, et ce pour renforcer leur sécurité. Hic majeur, seule une demi-douzaine d'entreprises est aujourd'hui capable de fournir des prestations de qualité. Le reste est composé de sociétés qui ouvrent et ferment boutiques au gré des conjonctures et font surtout dans l'intérim. Comment dès lors exiger des prestations de qualité ? La seule présence humaine n'est pas suffisante pour assurer la sécurité quand on sait que des groupes de malfaiteurs sont munis d'armes à feu, de pistolets à gaz, de bombes lacrymogènes... Les autorités marocaines ont ainsi exigé le recours à la télésurveillance, aux détecteurs de métaux, aux contrôleurs d'ondes pour renforcer les mesures de sécurité. Mais Olivier Thester, directeur général de Brink's Maroc, explique que l'agent de sécurité a besoin d'un support car il ne peut être réactif sur tous les points à la fois et, à l'inverse, la machine doit pouvoir être complétée par une force d'intervention humaine. Ceci dit, la sécurité passe surtout par la capacité à savoir gérer les situations de tension. En clair, n'est pas agent de sécurité qui veut. Hicham Benbouchaib, responsable à G4S, confirme que la formation des agents est en accord avec cette philosophie. Il ajoute qu'un opérateur en sécurité ou un gestionnaire en prévention sécurité, ne peut être formé de la même manière qu' un agent de prévention et sécurité, un convoyeur de fonds, un conducteur de chien, un agent de protection rapprochée, un rondier intervenant, un agent de sécurité incendie, un opérateur en télésurveillance ou encore un gardien d'immeuble. Le responsable à G4S avoue amèrement que la formation des agents connaît un grand flou. Le manque de visibilité en matière de formation (aucun niveau scolaire ni expérience ne sont exigés) fait que n'importe qui peut devenir agent de sécurité. Ce qui explique d'ailleurs les salaires faibles versés dans ce secteur. Face à cette réalité, exiger des banques ou de tout autre établissement le recours à la sécurité est-il une mesure suffisante ? D'après Rachid Aktouf, directeur à Jamain Baco, la sécurité et la surveillance sont de véritables métiers où le bricolage n'est pas permis. C'est une activité délicate nécessitant un maximum de professionnalisme. Dans le même ordre d'idées, H. Benbouchaib explique que la décision de renforcer la sécurité ne peut qu'être applaudie. Seulement, l'évolution du nombre d'entreprises opérant dans ce secteur exige l'application des dispositions qui s'imposent pour parer aux éventuels dérapages ou abus. Le législateur a promulgué la loi 27-06. Cela dit quel est son degré d'applicabilité? L'article 13 de la loi dispose que «les personnels des entreprises de gardiennage et de transport de fonds peuvent être armés et utiliser tous les moyens de défense, de contrôle et tous les autres moyens de surveillance». Malgré cette nouvelle prérogative, les professionnels des activités de gardiennage, de surveillance et de transport émettent des réserves. Pourquoi donc les sociétés de «sécurité» (abstraction faite de celles qui exercent dans les normes) préfèrent ne pas recourir aux outils de surveillance et de sécurité ? D'après Jorge Vega, responsable management de la section gardiennage à GS4, «la sécurité nécessite d'importants investissements en matière de logistique, d'armes et d'équipes qualifiées pour leur usage». La professionnalisation a tout de même un coût. Ce dernier ne peut être supporté par des SARL dont le capital initial ne dépasse guère les 10 000 DH. D'après les déclarations des professionnels rencontrés, les malaises du secteur sont multiples. La cause? «Un cadre légal qui favorise le laisser-aller». Dixit H. Benbouchaib. La loi 27-06, publiée en décembre 2007, avait pour objectif d'assainir le secteur. Mais le manque de visibilité et l'absence d'une applicabilité des textes de lois balisent la voie aux amateurs du laxisme, laissant ainsi un secteur, employant pourtant 15 000 agents de sécurité (dont 1000 maîtres-chiens) à la dérive.