Par Karim Rachad Le chef du gouvernement, Abdelilah Benkirane multiplie les rounds de négociations avec Salahdine Mezouar le Président du RNI. Les positions n'ont pas varié depuis le premier jour. Le PJD espérait un simple remplacement des ministres Istiqlaliens par le RNI. Pas question pour Mezouar et les siens. Ils réclament un nouveau programme gouvernemental, parce qu'ils ont voté contre l'ancien, mais aussi parce qu'ils estiment que les conditions ont changé et qu'il faut en tenir compte, en ajustant les engagements. Ils tiennent à une restructuration de l'exécutif. C'est ce point qui gêne le plus Benkirane. Il a peur de devoir renégocier avec ses alliés du M.P et du PPS. Les amis de Laensar estiment qu'ils ont été lésés lors de la première mouture puisqu'ils ont obtenu le même nombre de portefeuilles que les ex-communistes qui n'ont que 18 députés contre 39 pour le M.P. Les négociations trainent alors qu'il y a urgence. Depuis 3 mois, l'exécutif est dans une situation d'incapacité constitutionnelle. Des ministres sont démissionnaires et le gouvernement ne dispose pas de majorité au parlement. L'environnement régional, loin de s'apaiser, est plus menaçant que jamais. Les difficultés économiques conjoncturelles sont amplifiées par les faiblesses structurelles de l'économie nationale. L'absence de liquidités, aggravée par l'endettement public, menace d'asphyxier le tissu des PME. L'inflation est plus forte que prévu et touche les fruits et légumes, mais aussi tous les produits de première nécessité, dont les prix ne sont pas encadrés. Les perturbations au Moyen-Orient, en Irak et en Lybie, présagent d'une hausse des prix du pétrole au-delà des 120 dollars le baril. Justement tous les opérateurs attendent de voir la loi de finances pour juger la réaction de l'exécutif face à ce contexte mouvant. La constitution prévoit que le projet soit déposé au parlement dès l'ouverture de la session d'octobre. Entre temps, l'exécutif doit faire les arbitrages. Même le premier jet, le texte de cadrage n'est pas en circulation. Nous allons assister à une particularité marocaine. Le gouvernement du PJD a utilisé pour son premier exercice fiscal, la loi de Finances préparée par son prédécesseur, c'est-à-dire Salah dine Mezouar. Le prochain va utiliser celle préparée par Nizar Baraka. La loi de Finances étant l'essence même de la politique gouvernementale et non pas un document comptable, c'est une incongruité démocratique que d'agir ainsi. Abdelilah Benkirane menace à chaque fois de recourir aux élections anticipées, si les négociations échouent. Il faut se rendre à l'évidence, c'est une option qu'il ne faut plus écarter. Elle est préférable à une majorité disloquée. Encore faut-il espérer que les urnes permettent l'émergence d'une majorité cohérente. Le Maroc a besoin d'un exécutif, politiquement fort, légitime, techniquement compétent pour affronter les défis. L'enlisement actuel est nuisible à la démocratie, mais aussi à la situation socio-économique.