Ils vont rentrer, ces ministres, assister au dernier Conseil de gouvernement, préparer leurs valises et s'apprêter à quitter les allées du pouvoir... Leur départ survient à la suite d'une série de mini-crises dont on peut dire qu'elles sont sans précédent dans l'histoire institutionnelle du Maroc. De la défection du deuxième parti de la coalition, l'Istiqlal, à la paralysie qui dure depuis six semaines pour former un gouvernement – et ce n'est pas fini – , il y a de quoi s'alarmer et prendre ses jambes au cou !… Chabat dans le rôle du « chevalier noir » C'est pire que la « Quatrième République en France », marquée avant l'arrivée du général de Gaulle par une instabilité chronique et un marasme caractéristique qui a fini par discréditer l'Establishment! Comparaison n'étant jamais raison, le constat s'impose : que signifie cet alanguissement qui est à la marche du pays ce que la paralysie ou, à tout le moins, l'inertie est à un organisme ? On dit bien, qu'être inerte, c'est être mort. Depuis quelques mois, en effet, le Maroc s'est complaisamment installé dans l'inertie accablante du « oui , mais.. » ! On ne peut que déplorer l'inconscience des uns et des autres, gouvernement, opposition, intelligentsia qui , subissant de plein fouet l'ombrage jeté par Hamid Chabat, qui venait de prendre en main la destinée de l'Istiqlal, n'avaient de réaction que la perplexité et les commentaires foireux. Nous arrivons à la fin du premier acte, l'ultime semaine du « gouvernement Un » de Abdelilah Benkirane, dévasté par une crise de confiance dix-huit mois seulement après sa constitution, près de quatre ans avant les prochaines élections législatives réglementaires. Que le changement au sein du gouvernement soit, normalement, le fait de celui qui le dirige, jugeant nécessaire de le réaménager après quelques mois, ne surprend pas. En revanche, que le changement soit imposé de cette manière, après la défection d'un partenaire de poids, qu'ensuite un certain enlisement devienne la règle au point de susciter tout au plus une ahurissante indifférence, voilà qui retienne l'attention. Le gouvernement a sauté parce qu'un de ses rouages, qui est la confiance, a fait défaut, il a volé en éclats... La semaine qui vient prolonge « a contrario » le cycle de la crise que nous connaissons quasiment depuis trois à quatre mois, dans le sillage d'un Hamid Chabat venu jouer sur la scène le rôle de « chevalier noir » ! Abdelilah Benkirane peut s'en désoler, comme s'en réjouir. Il s'en accommode à présent, jouant sur le référentiel affectif du roi auquel, bon gré , mal gré il s'en remet pour en appeler à son arbitrage... Face à ce que d'aucuns, sympathisants ou membres du PJD, qualifient de chantage voire de surenchères de Mezouar, le chef de gouvernement a décidé de prendre les devants. Le 5e round des pourparlers deviendra le tour de table des négociations, autrement dit un « rapprochement des exigences exprimées » par les deux leaders, qui ferait mettre à l'un et à l'autre de « l'eau dans leur vin » ! Une carte gouvernementale à revoir Tout ce qui relève de la distribution des postes ministériels relève, jusqu'à plus ample informé, de la pure spéculation et des bavardages de chaumières. L'actuelle configuration a fait ses preuves, ou n'a pas fait ses preuves, la carte gouvernementale est donc à revoir entièrement. Comme Mohand Laensar, actuel ministre de l'Intérieur, Nabil Benabdallah, ministre de l'Habitat, le président du RNI, n'exigera pas moins qu'un poste à la tête d'un ministère phare ! Et, devenu la deuxième force au gouvernement, négociera un certain nombre de départements à la mesure du poids et des ambitions affichées de son parti. Les discussions devraient aboutir à un compromis honorable, faute de replonger dans une crise aggravée... Moyennant quoi, si jamais les deux chefs du PJD et du RNI ne s'entendaient pas, le pays serait livré aux jeux capricieux des partis... L'hypothèse est la suivante : les discussions aboutissent et un gouvernement , hétéroclite même, en sortira comme d'un chapeau une nouvelle coalition se mettra au travail dès la deuxième quinzaine du mois d'octobre, avant que le roi ne préside la solennelle ouverture du parlement. Les négociations échouent et , tout à sa détermination déjà proclamée, Benkirane en appellera à la volonté royale, et demandera la tenue d'élections législatives anticipées... C'est son droit, c'est aussi une hypothèse envisagée en dernier recours. C'est dire que les deux ou trois semaines qui viennent seront décisives, parce qu'elles détermineront la future configuration politique du Maroc ! On aura une première indication lors du prochain Conseil de gouvernement, lorsque sera proclamée officieusement une vacance du pouvoir...