La guerre de 22 jours d'Israël contre le Hamas et les Palestiniens de Gaza aura été dévastatrice. Humainement. Plus de 1300 Palestiniens y ont laissé la vie, sans compter les nombreux corps découverts dans les décombres après le cessez-le-feu du 17 janvier. Economiquement. Les Palestiniens estiment le coût de la reconstruction à 1,9 milliard de dollars. L'Arabie Saoudite a promis 1 milliard de dollars, le Qatar 250 millions. Politiquement. Alors qu'à Ramallah, Mahmoud Abbas, resté trop silencieux sur le drame de Gaza, a vu se réduire jour après jour sa marge politique, le Hamas est devenu l'interlocuteur avec lequel il faudra compter. Quant au monde arabe, il s'est livré à une déplorable guerre des sommets. Doha contre Charm el-Cheikh. Les tenants de la résistance armée palestinienne contre les amis des Occidentaux et d'Israël. Ravageur. Le sommet de Doha a eu une autre conséquence. En invitant Khaled Mechaal, le chef de l'aile militaire du Hamas en exil à Damas, et Mahmoud Ahmadinejad, le président iranien, à siéger aux côtés des pays de la Ligue arabe, le Qatar a non seulement participé à affaiblir l'Autorité palestinienne - Abbas a refusé de s'y rendre, sous la pression de l'Arabie Saoudite pour ne pas être avec Mechaâl - mais il a aussi légitimé la politique interventionniste de l'Iran au sein du monde arabe. Téhéran est devenu, la semaine passée, avec la bénédiction du Qatar, un interlocuteur reconnu sur la question palestinienne. Doha a ainsi légitimé l'alliance anti-occidentale créée sous la houlette de Téhéran, entre l'Iran, la Syrie, le Hezbollah et le Hamas. Cette alliance qui regroupe sunnites et chiites, n'est-elle que conjoncturelle ? Entre l'Iran et le Hezbollah, tous deux du monde chiite, les relations sont religieusement étroites et historiques. L'Iran perse serait même devenue chiite sous l'influence des religieux libanais. Concrètement, le Hezbollah libanais, fondé à l'initiative des mollahs au début de la révolution iranienne, sert de fer de lance à l'Iran dans le monde sunnite. Et en Occident avec lequel Téhéran règle ses comptes par Hezbollah interposé. Après la guerre israélienne de juillet 2006, c'est Téhéran qui, via la Syrie, a permis au Hezbollah de se réarmer et de reconstruire le sud Liban. Avec la Syrie, les relations sont autres. Ostracisé par l'Occident depuis l'assassinat de Rafik Hariri, le Premier ministre libanais, Damas, isolé, qui a craint un renversement de son régime par les Américains après l'invasion de l'Irak, s'est tourné vers Téhéran. Les deux pays ont signé un accord de défense. Mais entre la Syrie, Etat laïc, qui craint ses Frères musulmans, et le régime des mollahs, l'alliance est plus, pour Damas, une assurance-vie qu'un choix idéologique. En ouvrant un dialogue avec Bachar el-Assad, Nicolas Sarkozy a espéré ramener la Syrie dans son univers traditionnel. De même, Israël lui demande d'abandonner Téhéran si elle veut négocier un retour du Golan. Les relations avec le Hamas sont du même ordre. Créé par les Frères musulmans jordaniens, le Hamas est religieusement l'adversaire de l'Iran mais militairement son obligé. Politiquement isolé en Palestine, au moins jusqu'à cette guerre, le Mouvement de la résistance islamique a trouvé à Téhéran des armes et de l'argent. L'an dernier, des valises de dollars sont entrées par les tunnels de Rafah et les roquettes Graad, de fabrication chinoise, utilisées par les Brigades al-Qassam, sont fournies par Téhéran. Elles arrivent probablement par la mer. Comme le Hezbollah, le Hamas est instrumentalisé par l'Iran. C'est à l'instigation de Téhéran que le Hamas qui avait accepté le cessez-le-feu proposé par l'Egypte, a tourné casaque. Avant de changer une nouvelle fois d'avis. Il est certain que la politique de Barack Obama vis à vis de l'Iran et de la Syrie (ouvrir un dialogue ou non) se traduira par une plus grande souplesse ou au contraire un durcissement du Hamas vis-à-vis du Fatah. Or la survie de Mahmoud Abbas, et celle de l'Autorité palestinienne, passe par une réconciliation entre les deux mouvements. Rien n'est joué.