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L'arbitrage royal n'est justifié que pour des cas extrêmes
Publié dans L'observateur du Maroc le 25 - 06 - 2013

Pr. Ahmed Boujdad, Chef de département de droit public et de sciences politiques à la Faculté de droit Agdal-Rabat
Le 11 mai dernier, le conseil national du parti de l'Istiqlal a demandé le retrait de ce parti du gouvernement. Depuis, rien n'a changé. Le gouvernement fait comme si de rien n'était et Hamid Chabat continue à vilipender son ennemi juré, Abdelilah Benkirane. Devant cette situation, certains belligérants s'attendent à un éventuel arbitrage royal. Mais serait-ce là un recours que permet la constitution ? Réponses d'Ahmed boujedad, qui connaît en profondeur ce texte suprême.
L'Observateur du Maroc. Dans la crise provoquée par l'Istiqlal, l'arbitrage royal est-il nécessaire au vu de ce qui est prévu dans la constitution ?
Ahmed Boujdad. La décision du retrait du gouvernement prise par le Conseil national du parti de l'Istiqlal est une décision politique. Or, la constitution ne parle dans aucun de ses articles de retrait, mais des cas de démission et des cas où il peut être mis fin aux fonctions d'un ou de plusieurs membres du gouvernement. Tout est clairement expliqué dans l'article 47 de la constitution (Lire cet article en encadré).
Je rappelle que le parlement de l'Istiqlal a confié au comité exécutif de cette formation politique la responsabilité de concrétiser sa décision de retrait. Pour ce faire, une lettre officielle de retrait doit être adressée au chef de gouvernement qui en prendra acte et lui réservera la suite nécessaire, après avoir demandé conseil au souverain.
Mais c'est justement en disant se baser sur la constitution que certains belligérants s'attendent à un arbitrage royale, en évoquant un différend qui oppose des institutions. Font-ils fausse route ?
La constitution ne parle pas d'institutions tout court, mais plutôt d'institutions suprêmes (Lire l'article 42 en encadré). Cette précision n'est pas fortuite. Le problème qui oppose en l'occurrence l'Istiqlal et le PJD relève de la vie partisane ordinaire. Qu'une composante de lacoalition gouvernementale ne soit pas d'accord avec les autres composantes de cette même majorité relève presque de la routine. Cela peut arriver dans n'importe quel gouvernement. C'est pour cela qu'on ne doit pas s'attendre dans ce cas à un arbitrage royal. Ce n'est pa par hasard que l'article 42 de la constitution présente le roi comme étant l'Arbitre suprême. Là encore, la charge sémantique de ces termes n'est pas fortuite. Encore une fois, dans le cas du conflit entre l'Istiqlal et le PJD, il ne s'agit que d'un différend qui oppose deux organisations politiques et non pas d'une crise engendrée par des institutions suprêmes qui nécessite l'intervention de l'Arbitre suprême.
Qu'est-ce qu'on entend par institutions suprêmes ?
D'une manière générale, les insitutions suprêmes sont celles qui structurent l'Etat. S'il s'agissait, par exemple, d'un conflit entre pouvoirs législatif et exécutif, deux institutions structurantes du pays, l'arbitrage royal aurait été nécessaire. Je rappelle que l'USFP avait sollicité un arbitrage royal dans la réforme du mode de scrutin. Cette demande était justifiée puisqu'il s'agissait d'une loi cadre qui allait préfigurer un choix déterminant pour l'avenir du pays. Autre exemple, celui de la Moudawana. En somme, le recours à l'arbitrage royal n'est justifié que pour des cas extrêmes. D'ailleurs, l'esprit même de la nouvelle constitution est de donner la liberté d'action au gouvernement. Cela va dans le sens du renforcement de l'exercice démocratique dans le pays. A mon sens, cela relève du manque de sagesse politique que de demander l'arbitrage royal au moindre couac. Cela confirme la crise de créativité dont souffrent les partis au Maroc
Article 47
- Le Roi nomme le Chef du Gouvernement au sein du parti politique arrivé en tête des élections des membres de la Chambre des Représentants, et au vu de leurs résultats. Sur proposition du Chef du Gouvernement, Il nomme les membres du gouvernement. Le Roi peut, à Son initiative, et après consultation du Chef du Gouvernement, mettre fin aux fonctions d'un ou de plusieurs membres du gouvernement. Le Chef du Gouvernement peut demander au Roi de mettre fin aux fonctions d'un ou de plusieurs membres du gouvernement.
Le Chef du Gouvernement peut demander au Roi de mettre fin aux fonctions d'un ou de plusieurs membres du gouvernement du fait de leur démission individuelle ou collective. A la suite de la démission du Chef du Gouvernement, le Roi met fin aux fonctions de l'ensemble du gouvernement. Le gouvernement démissionnaire expédie les affaires courantes jusqu'à la constitution du nouveau gouvernement.
Article 47
Le Roi, Chef de l'Etat, son Représentant suprême, Symbole de l'unité de la Nation, Garant de la pérennité et de la continuité de l'Etat et Arbitre suprême entre ses institutions, veille au respect de la Constitution, au bon fonctionnement des institutions constitutionnelles, à la protection du choix démocratique et des droits et libertés des citoyennes et des citoyens, et des collectivités, et au respect des engagements internationaux du Royaume. Il est le Garant de l'indépendance du Royaume et de son intégrité territoriale dans ses frontières authentiques.
Le Roi remplit ces missions au moyen de pouvoirs qui lui sont expressément dévolus par la présente Constitution et qu'il exerce par dahir. Les dahirs, à l'exception de ceux prévus aux articles 41, 44 (2ème alinéa), 47 (1eret 6èmealinéas), 51, 57, 59, 130 (1eralinéa) et 174sont contresignés par le Chef du Gouvernemenz


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