Par le recours illégitime et illégal à l'article 42, le parti de l'Istiqlal a voulu impliquer l'Institution Royale et la rabaisser au niveau d'un bureau des chikayas. Aujourd'hui notre pays vit sous l'ère du Confusionnisme, celui–ci étant défini d'après Le Larousse comme le fait «d'entretenir la confusion dans les esprits et d'empêcher l'analyse objective des faits.» Pour sortir de cette situation, un débat fondé sur une réflexion suffisamment élaborée s'impose. Le Conseil national de l'Istiqlal a adopté à l'unanimité une importante décision : le retrait du parti du gouvernement. S'il est vrai que cette décision est politiquement inédite, il n'en demeure pas moins qu'elle est a-constitutionnelle. Pour cela, il convient au préalable de rappeler un principe de base : la Loi Fondamentale constitue la limite impérative au pouvoir de toutes les institutions de notre pays. C'est à l'âune de ce principe qu'il s'agit de conférer au débat une toute autre dimension. En effet dans la Loi fondamentale ne figure aucune disposition relative à l'éventualité du retrait du gouvernement d'un parti politique, membre de la majorité. Par conséquent et contrairement à ce qui se dit et s'écrit, nous ne sommes pas en présence d'une crise gouvernementale. Si le parti de l'Istiqlal voulait REELLEMENT quitter le gouvernement, son Conseil national aurait dû annoncer publiquement la remise au Chef du Gouvernement de la démission des ministres appartenant à cette formation. C'est seulement cette dernière formalité qui aurait permis la mise en œuvre de l'application de l'alinéa 5 de l'article 47 qui stipule : «Le chef du Gouvernement peut demander au Roi de mettre fin aux fonctions d'un ou de plusieurs membres du Gouvernement du fait de leur démission individuelle ou collective» . Ce n'est donc qu'à partir de ce moment et uniquement de ce moment qu'on peut parler de crise gouvernementale et élaborer les divers scénarios pour en sortir. On peut certes admirer l'habile tactique (nonobstant les arrières-pensées qu'elle sous-entend) du secrétaire général du parti de l'Istiqlal, s'il n'avait pas en même temps fait usage du recours à l'article 42 de la Constitution : «Le Roi Chef de l'Etat, son Représentant suprême, Symbole de l'unité de la Nation, Garant de la pérennité et de la continuité de l'Etat et Arbitre suprême entre ses institutions, veille au respect de la Constitution, au bon fonctionnement des institutions constitutionnelles......» Bien plus, le responsable istiqlalien n'a pas hésité à affirmer dans le quotidien L'Economiste daté du 13 Mai 2013 : «Toujours est-il, notre décision ne peut être légiférée que par un arbitrage du Chef de l'Etat, c'est-à-dire l'Institution royale. Ceci est d'ailleurs précisé dans l'article 42 de la Constitution du 1er juillet 2011». Force est de constater que nous sommes en présence d'un véritable dévoiement de la lettre et de l'esprit de la Loi fondamentale. Nul besoin d'être un expert en la matière pour comprendre que cet article montre clairement que le Souverain ne peut être sollicité ou intervenir directement en tant qu'Arbitre suprême qu'en cas de divergences profondes ou de conflits entre les Institutions (Parlement, gouvernement, pouvoir judiciaire ...) . Or il s'agit ici d'un conflit provoqué par un parti politique, membre de la majorité gouvernementale, fondé sur une décision a–constitutionnelle, et plus grave encore sur le dévoiement flagrant de la loi Fondamentale. Par le recours illégitime et illégal à l'article 42, le parti de l'Istiqlal a voulu impliquer l'Institution Royale et la rabaisser au niveau d'un bureau des chikayas. Dans le même numéro de L'Economiste, le secrétaire général du parti de l'Istiqlal a affirmé «que nous restons ouverts à des propositions constructives en faveur de notre pays. A noter qu'il reviendra à notre Conseil national qui a adopté la sortie du gouvernement de prendre une autre décision s'il y a une réelle volonté d'aller de l'avant et de respecter nos propositions.» En réalité, ce qui consterne les défenseurs du processus démocratique, ce sont les déclarations publiques des dirigeants de l'Istiqlal qui soutiennent que le Souverain a fait sienne leur interprétation de l'article 42 et leur a demandé de lui soumettre un mémorandum. La véritable crise ne fait que commencer. Mohamed Zemzani, juriste