Baddou Zaki est toujours pérsuadé que le salut du football national est entre ses mains, il accepte volontier le statut du meilleur entraîneur Marocain alors que son palmarès ne plaide pas vraiment en sa faveur. Retour sur un entretien que ce cadre marcoain a accordé à un journal Algérien. Vous êtes considéré comme le meilleur entraîneur actuel au Maroc, mais la fédération Royale Marocaine de Fottball (FRMF) ne veut pas vous accorder le poste d'entraîneur national. Pourquoi cette opposition qu'on n'arrive pas à comprendre en Algérie ? L'explication que je peux vous donner de mon côté sera considérée naturellement comme subjective, parce que ce n'est pas moi qui refuse la sélection de mon pays. Il y a des responsables en place et c'est à eux qu'il faudra poser cette question. Demandez-leur pourquoi ils ne veulent pas prendre Zaki ? Moi, mon passage en sélection a été, comme tout le monde le sait, une totale réussite. Il suffit de voir juste comment était l'équipe du Maroc et comment elle est devenue aujourd'hui. Qu'ils se demandent juste ce qu'est devenue la sélection du Maroc après mon départ et qu'est-ce qui a été réalisé depuis. Le constat est malheureusement amer, avec les problèmes, les résultats et les dissensions au sein même de l'équipe. C'est donc aux autres que vous devriez poser cette question. Car de mon côté, je suis prêt et je serai toujours prêt à répondre au devoir national, mais encore faut-il que le cadre ait un minimum de normalité. Pourquoi êtes-vous si indésirable dans votre propre pays ? Je ne suis pas indésirable comme vous dites, je crois que je suis seulement trop professionnel, pour une mentalité trop amateur, c'est tout. Vous visez bien les responsables de la FRMF, c'est ça ? Je parle bien des responsables, car si vous prenez le public, du Nord au Sud du Maroc, tout le monde est avec moi. Même le Parlement a demandé le retour de Zaki à la tête de la sélection marocaine. C'est donc aux autres qu'il faudra poser la question. Pourquoi vous cherchez des entraîneurs que vous allez payer 250 millions de centimes par mois, pour vous qualifier à la CAN, alors que de mon temps, la qualification à la CAN était quelque chose de naturel pour le Maroc ? Lorsqu'on qualifiait l'équipe pour la CAN, on n'attendait même pas qu'on nous félicite pour cela. C'était tout à fait naturel, car lorsque vous avez des grands joueurs et une grande équipe, vous n'avez pas à faire des efforts surhumains pour avoir un tel résultat. Les choses vont d'elles-mêmes. Le fait d'avoir repris le WAC et gagné le titre de champion du Maroc n'est-il pas un signe à vos détracteurs pour leur prouver que vous êtes toujours le meilleur entraîneur du pays ? Vous savez, personnellement, je n'ai vraiment plus rien à prouver à qui que ce soit. Je n'ai pas besoin de cela pour entraîner. Mon passé en tant que joueur est connu, que ce soit en club au Maroc, à l'étranger ou alors avec la sélection nationale. En tant qu'entraîneur aussi, j'ai fait mes preuves à tous les niveaux. Je n'ai plus rien à prouver. Si j'ai été au Widad de Casablanca, c'est d'abord mon club de toujours, c'est là que j'ai été formé et l'image du WAC est celle qui me convient le mieux. De plus, le club était dans une mauvaise passe et en deux années de travail seulement, on est redevenus champion du Maroc, alors qu'on courait derrière le titre depuis longtemps. La valeur de Zaki est toujours la même. Mais pourquoi quitter le WAC après avoir gagné le titre ? Vous savez, cela je voudrais le garder pour moi. Si cela concernait un autre club, je vous aurais donné ma réponse en détails. Mais puisque c'est le WAC, le club où j'ai grandi, je préférerai donc garder comme on dit chez nous, la saleté de la maison à la maison. Disons qu'il y avait des choses qui ne tournaient pas rond. L'Algérie et le Maroc vont s'affronter bientôt pour les éliminatoires de la CAN. Comment aviez-vous réagi lorsque vous aviez appris que vous alliez en débattre avec les voisins algériens ? Tout d'abord, je dois dire que les deux équipes ont un passé glorieux. Ce sera aussi un vrai derby entre voisins. On peut dire que ce sont deux puissances égales en tous points de vue. La qualification reviendra à l'équipe qui sera la mieux préparée. De plus dans ce groupe, il n'y aura qu'un seul qualifié entre l'Algérie, le Maroc, la Tanzanie et la République centre- africaine. C'est évidemment naturel que la première place se jouera entre le Maroc et l'Algérie. Concernant les Algériens, tout est redevenu clair aujourd'hui, ça joue avec beaucoup de détermination et les choses sont redevenues normales. Ce qui n'est pas le cas du Maroc qui est absent même des dates FIFA pour les matchs amicaux. Et cela va se répercuter sur la compétitivité des joueurs et leur cohésion dans un moyen terme, au moins pour la qualification à la CAN. Vous partez bien sûr avec un grand avantage dans ces éliminatoires. Les responsables du football marocain se doivent de réagir vite avant que ce ne soit trop tard. Qu'est-ce qui a empêché selon vous, la FRMF de ne pas choisir un sélectionneur durant toute cette période ? En tant que cadre ayant travaillé longtemps au sein de la sélection, je préfère ne pas répondre à cette question, par principe. Car dans ma nature, lorsque je vois que quelque chose me déplaît, je préfère lui tourner le dos et avancer dans la direction opposée. C'est le dernier de mes soucis, car ce qui m'intéresse le plus, c'est la santé de la sélection marocaine, pas autre chose. Je n'aime pas rentrer dans des polémiques stérilisantes, car cela peut nuire à mon image et surtout à celle du football marocain. Tout ce que je peux dire, c'est que les choses ne sont pas entre mes mains pour changer quoi que ce soit. Certains pensent qu'après ce qui s'est passé entre l'Egypte et l'Algérie, il y a de quoi craindre pour les prochaines confrontations entre le Maroc et l'Algérie. Qu'en pensez-vous personnellement ? Non, je ne le crois pas du tout. Ceci, pour la simple raison qu'on connaît la culture des deux pays en matière de football. Nos deux pays sont loin de tous ces excès lorsqu'ils s'affrontent. L'historique des rencontres entre l'Algérie et le Maroc est là pour le prouver. Rappelez-vous le 1-5 que l'Algérie avait infligé au Maroc à domicile ! Après cette défaite, le public marocain avait longuement applaudi les joueurs algériens, bien que dans cette période, la situation politique entre nos deux pays était assez tendue. La culture des deux peuples et la relation qui les lie depuis des siècles est trop profonde pour qu'on vive ce qui s'est produit entre les Algériens et les Egyptiens. Que ce soit du côté algérien ou marocain, la sportivité a toujours régné dans chaque confrontation. Le meilleur a toujours été applaudi, que ce soit en Algérie ou au Maroc. C'est souvent une question de chance car les deux équipes jouent le même football et les deux peuples partagent pratiquement la même culture. Ce n'est donc pas possible de voir les troubles qu'on a vus au Caire dans lors de nos confrontations. Je ne peux pas l'imaginer un seul instant et l'histoire en est le plus grand témoin de ce que je dis. Pourquoi d'après-vous il y a eu autant de haine entre les Algériens et les Egyptiens ? Pensez-vous qu'à la place de l'Algérie, le Maroc aurait aussi subi ces agressions au Caire ? S'il vous plaît, je n'aimerais pas répondre à cette question. Passons à autre chose, si cela ne vous gêne pas. (Il est tout confus, mais il sourit). On risque de voir tout de même quelques chauvins vouloir provoquer leurs adversaires durant les éliminatoires. Que pourriez-vous dire à ces gens ? Je ne peux vraiment pas imaginer cela entre nos deux peuples. Car que ce soit les joueurs, les supporteurs ou les journalistes de nos deux pays, personne n'a ces pulsions de haine dans le football. On est tous conscients qu'il ne s'agira que d'un match de football et que le meilleur gagnera. Je vous dis que le meilleur exemple de ce que je dis est cette défaite de 1-5 à Casablanca que nous avions essuyée à domicile face à l'Algérie. Je m'en rappelle très bien, puisque j'étais sur le banc des remplaçants. Je n'ai pas oublié comment notre public s'est retourné contre nous et avait longuement applaudi l'équipe d'Algérie. S'il était aussi chauvin qu'on l'imagine, je crois que les choses se seraient passées autrement. Mais Dieu merci, nos deux peuples se respectent autant qu'ils s'admirent. Comment aviez-vous vécu justement cette par 1-5 à Casablanca, devant votre propre public ? On aurait vraiment aimé être à la place des Algériens ce jour-là, car la déception était profonde. On était naturellement abattus d'avoir perdu devant nos supporteurs et par un score aussi lourd. Personne ne s'imaginait qu'on allait perdre ce match. Alors vous imaginez comment on était après une telle défaite. Mais ça restait chez les sportifs un simple match de football. On avait dit à l'époque qu'après cette défaite humiliante de 1-5, les responsables politiques de votre pays avaient exigé qu'on ne vous accompagne pas chez vous et que tous les joueurs étaient rentrés à pied ou en taxi chez eux. Vrai ou faux tout cela ? Complètement faux ! Les gens racontent n'importe quoi. Quelle sottise ! Vous savez, le contexte était certes tendu politiquement, mais la déception venait surtout de l'élimination précoce qui se dessinait après une telle défaite, c'est tout. C'était en 1979, et on jouait les éliminatoires pour les jeux Olympiques de Moscou. Ajoutez à cela le caractère derby qui entourait cette rencontre, comme lorsqu'il s'agissait de la Tunisie ou l'Egypte contre l'Algérie ou le Maroc. Forcément, cela crée un climat tendu et chaque peuple voudrait gagner ces matchs. C'est vrai que ça nous a fait mal de ne pas aller aux JO de Moscou, mais après cela, tout le monde a accepté cette défaite qu'on a trouvée logique face à une très grande équipe d'Algérie. Tous les médias marocains avaient reconnu que les Algériens étaient plus forts que nous et qu'ils méritaient plus d'aller aux JO. Il y en a même qui avaient dit que perdre par 1-5 n'était pas cher payé, car ils pensaient à juste titre qu'on pouvait encaisser plus de buts. C'était comme un derby entre deux clubs algériens ou marocains en championnat. Tu te réveilles le matin et tu n'as qu'une chose à faire, c'est d'accepter le résultat, c'est tout. Restons encore dans les fantasmes collectifs pour dire qu'on a eu vent aussi, qu'en 1982, les responsables politiques du Maroc avaient interdit au peuple de regarder les matchs de l'Algérie en Coupe du monde. Est-ce encore faux ? Encore des bêtises rapportées d'on ne sait où ! C'est complètement absurde tout ça. Mais vous faites bien de me le demander pour que tout le monde sache que cela n'a rien de vrai. Je vous jure que tous les Marocains étaient derrière l'Algérie en 1982. On avait vibré à chacun des buts algériens comme vous l'avez fait pour nous lorsqu'on jouait nos matchs de Coupe du monde. Mais ce sont des Marocains qui nous l'ont dit, pas des Algériens, vous le savez ? Et bien, cela aussi rentre dans les fantasmes du peuple. Vous savez, si la télévision marocaine n'avait pas retransmis les matchs de l'Algérie, c'était juste une question d'argent et de droits de retransmissions. C'était sans doute trop cher et notre télévision n'avait pas les moyens d'acheter tous les matchs, c'est tout. Les Marocains avaient une grande envie de voir les matchs de l'Algérie contre les Allemands. La preuve, c'est qu'aujourd'hui au Maroc, les gens cherchent à acheter les cartes des chaînes de télés qui détiennent le droits des matchs de l'Algérie et ils n'en trouvent plus, tellement l'engouement est total derrière l'équipe d'Algérie. Tout le monde au Maroc a été derrière l'équipe algérienne dans ce Mondial. Franchement, celui qui fait circuler ce genre de rumeurs est en train de nuire à l'histoire des deux peuples et la fraternité sincère et profonde qui nous lie depuis des siècles. Peut-on savoir à quel moment aviez-vous été contacté par des clubs algériens ? J'ai mon ami Abdelkrim Medouar, le président de l'ASO Chlef, avec qui j'entretiens des rapports d'amitié sincère, mais il n'a jamais été question que j'aille entraîner son club. Franchement, il n'a jamais été question de cela dans nos discussions. Par contre, il y a deux ans de cela, le président de l'ES Sétif je crois m'avait sollicité pour prendre son équipe en tant qu'entraîneur. J'ai dû décliner malheureusement cette offre, comme tant d'autres émanant de l'étranger en raison de mes affaires au Maroc. Je ne peux plus aller entraîner ailleurs, parce que je suis obligé d'être sur place. Avez-vous un fils footballeur pour vous succéder ? Oui, j'ai un fils de 12 ans, mais je ne pense pas qu'il puisse devenir un jour footballeur. Il n'est pas passé par le même chemin que son père. Il a grandi dans des conditions autres que les miennes. Ce n'est pas un chat de gouttière ? (Il se marre). Non, ce n'est pas un chat de gouttière. Il est gâté, c'est sa maman qui l'emmène à l'entraînement en voiture et il vit dans l'aisance absolue, hamdoullah. L'enfant que sa maman emmène au Widad en voiture aux entraînements pour une heure et qui possède quatre à cinq paires de chaussures, trente habits et qui est assidu à l'école, n'a pas beaucoup de chances de réussir dans le football. Ce n'est pas comme nous à notre époque. On allait une heure à l'école et 18 heures au football. Les pieds nus, les pantalons troués… (Il se marre encore plus). C'est pour cela que je ne crois pas que mon fils sera footballeur. L'Algérie dans ce Mondial ? Moi, je veux parler de Rabah Saâdane surtout et le travail qu'il a réalisé dans cette sélection. Mais malheureusement pour lui, il est Algérien. Je pense que si c'était un entraîneur étranger qui était à sa place et qui avait réussi à qualifier l'Algérie et la sortir de la situation catastrophique dans laquelle se trouvait votre football, on lui aurait sans doute érigé une statue dans la plus belle place publique d'Alger. Mais puisqu'il est Algérien, les gens se sont mis à minimiser son rôle dans cette équipe. C'est une ingratitude qui existe dans tous les pays arabes et africains malheureusement. J'aimerais bien qu'on reconnaisse un jour que nous avons aussi des personnes capables de faire autant, si ce n'est plus que les étrangers qu'on paie des millions pour des résultats souvent nuls.