: Le Championnat d'Afrique des nations masculin de basket-ball commence dans une semaine à Radès (19-30 août). La préparation de l'équipe tunisienne, en Italie et en Turquie notamment, avec plusieurs matches amicaux, se déroule-t-elle comme prévue ? Adel Tlatli : On est bien. On a fait la préparation qu'on voulait. On a eu quelques blessés, mais rien de grave. Le groupe n'a pas toujours été entièrement à disposition. Mais grosso modo, on a fait une bonne préparation. Disputer un Championnat d'Afrique à domicile est loin d'être un petit événement. Les joueurs sont-ils sous pression ? J'ai ressenti ça lorsqu'on était en Tunisie. C'est pour ça que nous effectuons une grosse partie de la préparation hors de Tunisie. J'ai ressenti ça notamment lors d'un match face au Cameroun (victoire 83-64 à Radès le 3 août dernier, Ndlr). Il y avait un peu de fatigue et surtout du stress. Tout le monde veut faire quelque chose de bien pour la Tunisie. Ça se répercute sur les joueurs et sur les entraîneurs. La Tunisie a été secouée par deux attentats ces derniers mois. Avez-vous eu peur que cet Afrobasket soit délocalisé dans un autre pays pour des raisons de sécurité ? (Ferme) Citez-moi un pays où il n'y a que de la sécurité. Il n'y a plus de sécurité nulle part dans le monde. Avant les attentats en Tunisie, il y en a eu en Grande-Bretagne, en France, aux Etats-Unis. Tous les jours, il y a des faits divers dont on n'entend pas parler, avec des bagarres, des armes à feu, un peu partout. Il faut arrêter de se focaliser sur la Tunisie. [...] Même ici à Istanbul, où on est en stage, il y a des risques. Vous avez vu ce qu'il s'est passé il y a deux jours ? (le footballeur turc Mehmet Topal a été victime d'une attaque à mains armées, Ndlr). Personne n'est à l'abri. Bien sûr, sur le plan sécuritaire, on essaie de faire de mieux en mieux. Mais il ne faut pas trop se focaliser sur ça. On se focalise trop sur les pays qui sont faibles. Le terrorisme existe partout dans le monde, parce que malheureusement des gens l'ont favorisé. La Tunisie joue à domicile. Du coup, tout autre résultat que la victoire finale serait-il un échec aux yeux de vos supporters et des médias tunisiens ? Je le pense, oui. Les connaisseurs savent qu'on ne part pas dans une course seule. On va affronter des équipes fortes. La bataille va être dure. La Tunisie semble avoir un calendrier idéal, puisqu'il permet à votre équipe de monter en puissance, en affrontant successivement l'Ouganda, la Centrafrique et le Nigeria. Est-ce aussi votre analyse ? On avait le choix du premier adversaire seulement. [...] J'ai voulu commencer par l'équipe soi-disant la moins « favorite » du groupe. Mais je n'aime pas ce terme. Quelles seront les autres équipes favorites durant cet Afrobasket ? Comme d'habitude : l'inamovible Angola, le Nigeria, le Sénégal, le Cameroun, la Côte d'Ivoire. Il faut aussi faire attention aux autres pays arabes comme l'Egypte, le Maroc et l'Algérie. Mais je pense que ça se jouera entre le Nigeria, l'Angola, le Sénégal et, je crois, la Tunisie. Après, selon le tableau des quarts de finale, on ne retrouvera peut-être pas ces quatre équipes en demi-finales. En dehors du soutien du public, quels seront les atouts de la sélection tunisienne durant cet Afrobasket 2015 ? Il y a notre solidarité, notre jeu collectif, un effectif et un staff qui sont stables. Ça va peut-être nous favoriser, mais le sport n'est pas une science exacte. Un mot sur votre pivot Salah Mejri, qui vient de marquer les esprits en signant un contrat en NBA avec les Mavericks de Dallas. Cela lui donne-t-il nouveau statut au sein de cette équipe tunisienne ? Il a un nouveau statut depuis 2011 (Salah Mejri avait été désigné meilleur joueur d'un Afrobasket 2011 remporté par la Tunisie, Ndlr). Avant 2011, il avait parfois un rôle de cinquième ou de sixième homme. Il est devenu une pièce maitresse de l'équipe, vu sa taille (217 cm) et son évolution. Il a côtoyé de grands joueurs au Real Madrid et il a évolué au plus haut niveau. Il va être un plus pour notre équipe. Vous êtes entraîneur de l'équipe de Tunisie depuis 2004. Cette longévité est très rare. En êtes-vous conscient ? Oui. On veut bien de mes services. Je suis patriotique. J'ai reçu beaucoup d'offres pour gagner trois, quatre ou cinq fois plus. Mais tant qu'on a besoin de moi, je suis là. Je suis un pur produit de la Tunisie. C'est un devoir pour moi de rester à la tête de cette équipe. Mais il faut que les gens pensent aussi au fait que tout a une fin. Il faut penser un peu à l'avenir et préparer un autre staff. [...] Au bout d'un moment, on a besoin de prendre un peu de recul. Ça fait long et puis, avec l'âge, on devient trop stressé. Ça se répercute sur l'état de santé... Mais je suis un soldat du pays. Je dois donc assumer mes responsabilités. Vous avez déjà disputé cinq Afrobsket. N'êtes-vous jamais blasé ? Blasé ? Jamais. J'apprends tous les jours. J'essaie de rénover le projet à chaque fois. [...] J'éprouve le même stress que lors de mon premier Championnat d'Afrique, en 2005. Vous aves disputé les Jeux olympiques et les Championnats du monde. Quel objectif vous fait encore rêver, vibrer ? Disputer des Jeux olympiques une seconde fois serait quelque chose d'extraordinaire pour moi, pour l'équipe et pour tout le pays. Le Champion d'Afrique se qualifie directement pour les JO 2016. Le deuxième, le troisième, voire le quatrième de l'Afrobasket 2015 disputeront un tournoi de qualification olympique. Si la Tunisie décroche son billet pour Rio, serez-vous encore en place dans un an ? Je ne sais pas. L'avenir nous le dira. Déjà, à la fin de la préparation de cet Afrobasket, on se sent lassé et trop stressé. On a une responsabilité parce qu'on joue chez nous. Mais tout ce que je peux dire maintenant ne sera peut-être pas vrai après la compétition.