Après l'écrasante victoire du «oui» pour la nouvelle Constitution, la balle est dans le camp des partis politiques. La vérité a éclaté au grand jour. Fébréristes, adlistes, gauchistes et autres opposants au nouveau texte constitutionnel ont essuyé une éclatante défaite. Autant que l'a été la victoire du «oui», 98 % des Marocains ayant adopté le nouveau texte constitutionnel. Un triomphe d'autant plus époustouflant qu'il a réduit le désormais «Vain février» à sa stricte dimension sonore, de la même façon que ceux qui en tirent les ficelles : Al Adl Wal Ihssane, le Parti socialiste unifié (PSU), le Congrès national ittihadi (CNI), le Parti de l'Avant-garde démocratique socialiste (PADS) et la Confédération démocratique du travail (CDT). L'appel au boycott n'a finalement été qu'un effet de manches. Mais passons, car on a trop rendu à «César» qu'il n'y en a eu que pour lui ! Quelles autres conclusions peut-on tirer de l'épreuve du 1er juillet ? Il y a au moins un stéréotype auquel le référendum a fini par tordre le cou : la «désaffection» supposée des Marocains à l'égard de la politique. Que s'est-il, alors, passé en ce mémorable 1er juillet ? 78% des citoyens ont voté. Une forte implication citoyenne qui dénote maturité et conscience des enjeux que représente la nouvelle Constitution pour ce nouveau Maroc dont les contours commencent à se dessiner. Maintenant, reste à s'interroger sur la disposition des partis à relever le nouveau pari. Sur ce point, les législatives qui se profilent à l'horizon soulèvent un «festival» de questions. Les partis politiques vont-ils remettre leur pendule à l'heure du changement ? La réforme constitutionnelle va-t-elle faciliter l'émergence d'une nouvelle carte politique ? Quel parti aura le plus de chances de remporter le prochain scrutin ? Un PJD puriste, populiste mais vierge? Un RNI en panne de popularité ? Un MP plombé par sa direction tricéphale mais renforcé par la constitutionnalisation de l'amazigh ? Un PI usé par le pouvoir mais dont la machine électorale est rodée ? Une USFP en rupture de ban mais qui, au-delà de la Koutla, peut s'ouvrir à gauche ? Un PAM affaibli par le retrait d'El Himma mais fort de son score lors des Communales de 2009 ? Quel parti est-il donc favori pour présider le premier gouvernement de la nouvelle Constitution ? Et avec quelles autres formations le parti vainqueur va-t-il coaliser ? Rendez-vous en octobre 2011 ou, au plus tard, en mars 2012 pour les législatives anticipées. En attendant, tour d'horizon sur les partis favoris. PJD, grand favori Le Parti de la justice et du développement peut-il créer la surprise et remporter le prochain scrutin législatif ? Fort de ses bons scores lors des législatives de 2002 et 2007, le parti islamiste a le vent en poupe. Abdelilah Benkirane, actuel SG, a réussi à l'imposer comme un «interlocuteur» crédible auprès de l'Etat. Les modifications apportées, en dernière minute, à la première mouture de la nouvelle Constitution, notamment sur l'identité islamique de l'Etat, et la mise sur orbite du Conseil supérieur de sécurité (proposition phare du PJD), édifient à bien des égards sur l'impact réel de ce parti sur le fonctionnement de la vie politique au Maroc. Autre atout à l'actif du PJD, sa «virginité» politique. Depuis sa création en 1998, jamais ce parti n'a été au gouvernement. Il a certes présidé ou co-présidé des conseils de villes, entre autres ceux de Meknès, Kénitra et Salé, mais il a su tirer son épingle du jeu. Et puis, le PJD est l'un des rares partis d'opposition à avoir pesé lourd pour faire valoir ses positions dans l'hémicycle. En témoignent les sorties telluriques de ses députés Mustapha Ramid, Najib Boulif, Lahcen Daoudi. A l'opposé d'Al Adl Wal Ihssane, dont le discours est jugé violent, le PJD a su accréditer l'idée de «parti islamique modéré». Autre «percée» à reconnaître au leader actuel du PJD, les distances qu'il a fait prendre à son parti avec le 20 février. La déconfiture de ce mouvement lui a, finalement, donné raison, envers et contre son frère d'armes Mustapha Ramid. Parti de l'Istiqlal, usé mais toujours prêt à rebondir Il est vrai que le Parti de l'Istiqlal est sorti affaibli de son expérience à la tête de l'actuel gouvernement, tellement il a cristallisé les critiques. Il faut dire aussi que son SG, Abbas El Fassi, n'était pas au top de sa forme. D'autant moins qu'il n'a pas eu l'initiative de la réforme constitutionnelle, à l'instar de son allié «stratégique» à la Koutla : l'USFP. Abbas El Fassi se serait même opposé farouchement à l'initiative de son homologue socialiste, avant de changer d'avis sous la pression de ses bases populaires. Quand à cela, il faut ajouter la campagne de discrédit menée tambour médiatique battant, on comprend pourquoi le Premier ministre sortant adopte aujourd'hui un profil bas. Mais voilà, le Parti de l'Istiqlal a montré au fil du temps sa capacité à rebondir. Il a toujours été au pouvoir. Mais il a su garder une étonnante capacité à re-mobiliser ses troupes, tant et si bien qu'il dispose aujourd'hui d'une machine électorale des plus efficaces. Et puis, a contrario de plusieurs autres partis, le PI a su aligner des ministres qui, au-delà de leur jeunesse, ont réalisé nombre d'exploits. On peut citer, entre autres, l'ex-ministre du Tourisme et de l'Artisanat, Adil Douiri, pressenti pour succéder à Abbas El Fassi à la tête du parti et, peut-être même, à la tête du prochain gouvernement. Les acquis du ministre Karim Ghellab sur le registre des infrastructures routières, ou de Taoufiq Héjira sur celui de l'Habitat, le tout combiné aux «fruits» du dialogue social (relèvement du Smig, augmentation de salaires, hausse des allocations familiales), viennent compléter le tableau. Le PAM peut-il renaître de ses cendres ? Depuis sa création en 2008, le Parti Authenticité et Modernité est dans l'œil du cyclone politico-médiatique. Proximité de Fouad Ali El Himma avec le roi, récupération de députés chez d'autres partis, ingurgitation de petits partis politiques, instrumentalisation des notables et d'anciens gauchistes, implication supposée dans les tragiques événements de Gdim Izik… Cela dit, tout n'est pas perdu. La récente redynamisation du Mouvement de Tous les Démocrates, MTD, annonce un retour en force de ce parti, avec lequel il faudra compter. Ce dernier a d'ailleurs été classé premier lors des Communales de 2009. Si à cela il faut ajouter son rôle influent en tant que parti d'opposition lors de la dernière législature, incarné par les sorties tonitruantes du député Benchemach, on se rend compte que le PAM ne se laissera pas faire. Les récentes déclarations de son SG, Mohamed Cheïkh Biadillah, portent à le croire. Ce n'est donc que partie remise … MP, la preuve par l'amazigh S'il y a bien une carte que le MP peut aujourd'hui brandir, c'est bien la constitutionnalisation de l'amazigh. A tout seigneur, tout honneur. Le MP a été de tous les combats pour la défense de cet héritage commun, tellement l'histoire de ce parti, créé en 1957, s'identifie avec cette question. En 2006, la mouvance populaire amorce un virage déterminant dans son parcours en réussissant le pari de faire fusionner trois partis de la mouvance harakie : le Mouvement national populaire (MNP) de Mohand Laensar, le Mouvement populaire (MP) de Mahjoubi Aherdane et l'Union démocratique (UD) de Mohamed Fadili. Seulement voilà, cette fusion a été ressentie plus comme un blocage que comme un atout. Le MP est dirigé aujourd'hui à trois têtes (Aherdane président, Laenser secrétaire général et Fadili secrétaire général adjoint). Cela dit, le MP reste électoralement agressif. Le score qu'il a réalisé aux législatives de 2007 lui a permis de caracoler, avec le PI et le PJD, en tête des partis vainqueurs. Fort d'une grande base électorale, il peut récidiver à tout moment. RNI, le sort incertain Tant qu'il reste dans son bon rôle de technocrate, Salaheddine Mezouar ne prête guère le flanc à la critique. Or, c'est d'un ministre politisé que le RNI a plus besoin. Avec la nouvelle Constitution, qui rompt avec la belle époque des ministres technocrates, l'actuelle direction du parti est appelée à revoir ses cartes. D'autant que ce parti ne dispose pas de réelle base militante. Le pari sur la technicité a privé le parti de son électorat, tant le politique lui faisait défaut. Par contre, les observateurs verraient d'un bon œil un Mustapha Mansouri ou un Aziz Akhennouch à la tête du prochain gouvernement. Le rapprochement entre Mezouar et Mansouri a, d'ailleurs, été vivement salué par le commun des Rnistes. M'Hamed Hamrouch PJD Abdelilah Benkirane L'homme a beaucoup changé depuis qu'il a pris les commandes du Parti de la justice et du développement. Alors qu'il était farouchement opposé au régime, il défend mordicus aujourd'hui la monarchie. Son mérite est d'avoir rendu audible la voix de son parti auprès de l'Etat, au point que les dernières retouches apportées à la nouvelle Constitution portent bel et bien sa signature. S'agissant des prochaines législatives, il ne cache pas son vœu de devenir chef de gouvernement. MP Mohand Laenser On reconnaît à l'actuel SG du Mouvement populaire, son excellence dans l'art de la tactique politique. Bouté hors du cabinet El Fassi en 2007, il a su revenir au pouvoir en décrochant un poste de ministre d'Etat. A son talent de bon tacticien, il conjugue une maîtrise remarquable des rouages administratifs. Il peut également mettre à profit sa riche expérience gouvernementale pour postuler au poste enviable de chef de gouvernement. PI Adil Douiri Diplômé de l'Ecole nationale Ponts et chaussées à Paris, Adil Douiri a marqué de ses profondes empreintes le secteur du tourisme au Maroc. L'essor qu'a connu ce secteur de 2002 à 2007 porte bel et bien sa signature. A son talent de bon manager, ce quadra allie une fibre militante non négligeable. Il est fils de M'Hamed Douiri, l'un des plus influents leaders du Parti de l'Istiqlal. Cette légitimité ajoutée à sa compétence professionnelle lui donne de fortes raisons de briguer le poste de chef de gouvernement.