La Tunisie s'est dotée d'un nouveau gouvernement d'union nationale comprenant trois personnalités d'opposition mais le maintien à leur poste de ministres de Zine Ben Ali risque de heurter les aspirations au changement du peuple tunisien. Des opposants en exil comme de simples citoyens ont d'ores et déjà exprimé leur scepticisme, voire leur colère, face à la composition de ce gouvernement formé trois jours seulement après la chute et le départ en exil de Zine Ben Ali. Certains pourraient vouloir reprendre les manifestations qui ont conduit à la disgrâce de l'ancien président après 23 ans de pouvoir. Le ministre de l'Intérieur, Ahmed Friaa, qui fait partie des personnalités reconduites à leur poste, a déclaré à la télévision publique qu'au moins 78 personnes avaient été tuées durant ce mois de contestation dans la rue. Le Premier ministre Mohamed Ghannouchi, en poste depuis 1999, a promis la libération de tous les prisonniers politiques et une enquête contre toutes les personnes soupçonnées de corruption. Les ministres de la Défense, de l'Intérieur, des Finances et des Affaires étrangères conservent leurs attributions dans le nouveau gouvernement. LA FRANCE ENTAME SON AUTOCRITIQUE Najib Chebbi, fondateur du Parti démocratique progressiste (PDP, opposition), devient ministre du Développement régional. Moustafa Ben Jaafar, président du Forum démocratique pour le travail et la liberté (FDTL), obtient le portefeuille de la Santé; et Ahmed Ibrahim, du parti Ettajdid, récupère celui de l'Enseignement supérieur. "Nous sommes résolus à accroître nos efforts pour rétablir le calme et la paix dans le coeur de tous les Tunisiens. Notre priorité, c'est la sécurité, ainsi que les réformes politiques et économiques", a expliqué le Premier ministre au cours d'une conférence de presse. Environ un millier de personnes ont manifesté lundi à Tunis pour dénoncer le maintien au pouvoir de la "vieille garde" du Rassemblement constitutionnel démocratique (RCD), le parti de Ben Ali. Les forces de sécurité ont utilisé des canons à eau et des grenades lacrymogènes et elles ont effectué des tirs de sommation pour disperser ce rassemblement. La France, pour sa part, a entamé son autocritique sur le soutien qu'elle a apporté jusqu'à la dernière minute au régime de Zine Ben Ali, la ministre des Affaires étrangères, Michèle Alliot-Marie, parlant encore mardi dernier de "mouvements sociaux" et proposant l'aide de la France aux forces de l'ordre qui les réprimaient. Alain Juppé, le ministre de la Défense, a jugé que la France avait "sous-estimé l'exaspération du peuple tunisien face à un régime policier et à une répression sévère." (Reuters)