Le mini-paquet fiscal destiné à encourager l'épargne salariale a besoin du concours des employeurs. Explications. Le Projet de Loi de finances 2011 a été l'occasion pour Salaheddine Mezouar de faire un mini clin d'œil à la classe moyenne. Contrairement aux années où la loi prévoyait une baisse directe des impôts sur le salaire (IR), le PLF actuel incite les employés et autres cadres à investir leurs deniers en Bourse. Initiative salutaire ou périlleuse ? D'aucuns se le demandent. En effet, dans un contexte de crise des liquidités, de blocage des crédits et de faiblesse des transactions boursières, n'y avait-il pas meilleur moyen d'encourager l'épargne qu'une incursion dans le marché des valeurs mobilières ? Quoi qu'il en soit, le paquet fiscal est là et il comporte 3 P : PEA, PEL, PEE. Trois plans inspirés d'une expérience française plus audacieuse dans les faits. D'abord le PEA ou Plan d'épargne en action. Il consiste en une exonération totale des revenus et profits réalisés dans le cadre de l‘instrument. Concrètement, toute personne majeure est apte à ouvrir un PEA a condition qu'elle dispose d'une identité fiscale propre. Le PEA peut être créé au sein d'une variété d'institutions financiers : Banques, compagnies d'assurances, poste et sociétés de Bourse. S'agissant des modalités de versements, elles sont sujettes à un règlement souligné par l'établissement de placement. Il est à noter cependant qu'en vertu de la Loi de finances, les montants investis butent sur un palier supérieur de 600 000 dirhams par personne. Les versements et les produits du capital géré par le plan doivent être conservés pendant une durée minimum de 5 ans afin de bénéficier de l'exonération des revenus et profits réalisés. Dans le cas où une ponction est effectuée avant cette période, le titulaire du plan est imposé à hauteur de 10 % sur les dividendes et de 15 % pour les titres cotés. L'exonération n'est donc acquise que si la période de 5 ans sans retrait est écoulée. Tous les titres ne peuvent être éligibles à la défiscalisation. En effet, seuls les certificats d'investissements émis par des sociétés de droit marocain, et les titres d'OPCVM actions sont tenus en compte dans le dispositif. Se loger et éduquer ses enfants Deuxième P de Mezouar, le PEL ou le Plan d'épargne logement. Cet instrument ambitionne de fluidifier l'accès à la propriété. Il permet en effet de se constituer un apport financier visant l'acquisition d'un bien immobilier. En exonérant le montant d'intérêt d'épargne logement, l'Etat espère créer une forte incitation en terme d'accès à la propriété. Dans le cas où les versements et les intérêts générés dans le cadre du plan sont conservés intégralement dans le dispositif pour une durée de 3 ans avec un plafonnement à 300 000 dirhams, le souscripteur échappe à toute imposition relative au fruit du placement. La méthode ainsi appliquée dans d'autres pays, a créé une belle dynamique de motivation du personnel. Ainsi, de nombreuses entreprises, soucieuses de fidéliser leur troupes, versent des contributions variables pour le compte de leurs employés dans le PEL. Objectif : faciliter la formation d'un apport initial ouvrant la voie à l'acquisition d'une résidence principale. S'il trouve un écho au sein de la CGEM, l'instrument déboucherait sur un cercle des plus vertueux : accès facilité à la propriété, demande dopée, secteur immobilier relancé. Telles sont les ambitions de Mezouar. Toutefois, il s'agit d'être tatillon envers l'emploi des capitaux ainsi générés. Les exonérations du PEL sont destinées uniquement à l'achat d'une résidence principale, toute autre utilisation des ressources accumulées n'entre guère dans le cadre du dispositif. Troisième volet des 3 P de Mezouar, le Plan d'épargne éducation. Ce plan répond au même critère que le PEL. Les parents désireux d'assurer l'éducation de leurs enfants, pourront effectuer des versements avec l'assurance d'être affranchis de l'impôt sur les intérêts générés au bout d'une période de «non-retrait» de 3 ans. Là aussi, le plafond de contributions n'excède pas 300 000 dirhams. Au delà de ce montant, la défiscalisation devient inopérante. Appel aux entreprises D'apparence simple, les 3 P devront néanmoins s'accompagner de mesures didactiques à l‘enseigne d‘agents économiques souvent apeurés par la technicité des instruments. De plus, l'efficacité des 3 P passera par la juste contribution des entreprises ou ne passera pas. La réussite de ce mini-paquet fiscal est tributaire du soutien des employeurs. En piochant efficacement dans les options fiscales ainsi proposées par l'Etat, le management dispose là d'un authentique outil de motivation du personnel. Savamment appliquées, les mesures devraient engendrer une vraie mouvance économique. Alors, avis aux entreprises, abondez ! Réda Dalil Entretien avec Mohamed Chiguer, économiste Dans quelle mesure le Plan d'épargne en action (PEA) participe-t-il à doper l'épargne au sein de la classe moyenne ? Je pense que le principe en lui-même est bon mais il existe un grand écart entre la théorie et la pratique. Au Maroc, le revenu de la classe moyenne est très bas et donc je ne pense pas qu'il y ait possibilité d'épargne pour cette classe sociale en souffrance. J'estime qu'il faudrait au contraire inciter la classe moyenne à consommer et non à épargner, sauf si les employeurs bénéficient de primes ou de hausses de salaire qui permettraient d'épargner. Le salaire de la classe moyenne varie entre 4000 et 6000 dirhams. Dans cet état de choses, aucune épargne en bonne et due forme ne peut tenir le route sans révision des salaires dans le public et encore plus dans le privé, où bon nombre de salariés sont sous-payés et non déclarés. La réussite de ce plan au Maroc, dépend largement de son adoption par les employeurs au profit de leur personnel. Vous semble-t-il plausible que le PEA devienne un instrument majeur de motivation du personnel ? Il faut faire la distinction entre deux choses : la motivation et l'incitation à l'épargne. Si le PEA qui est nouveau au Maroc, et je dirai même copié d'autres pays, vise à encourager et motiver le personnel pour donner le meilleur de lui-même, c'est une bonne chose. Par contre, si ce système d'épargne donne lieu à une classe moyenne encore plus engouffrée dans la misère, il vaudrait mieux s'abstenir d'appliquer les PEA et privilégier la consommation puisque c'est à travers cela que les économies et les sociétés se développement. L'exonération est acquise au bout de 5 ans avec un plafonnement du capital accumulé à 600 000 dirhams. Ces paramètres vous semblent-ils adaptés au cœur de cible du PEA ? Ne fallait-il pas opter pour une durée de conservation inférieure ? Naturellement non. Au Maroc, nous souffrons d'un problème d'investissement et ce n'est pas à travers l'épargne que nos employés seront plus satisfaits. Le salarié est par principe insatisfait. Si vous lui augmenter son salaire de 1000 dirhams il en demandera 2000. Néanmoins, il ne faut pas que cela soit un prétexte pour empêcher l'éclosion de la classe moyenne et je le redis, ce n'est pas par l'application du PEA que la classe moyenne renaîtra de ses cendres. Pour ce qui est de la durée d'exonération d'impôt, je pense que c'est facultatif. L'application du PEA dans le contexte marocain est biaisée. Propos recueillis par Mohcine Lourhzal