Tsunami au département de la pêche : six de ses hauts cadres ont été limogés sur décision de Aziz Akhannouch. Récit. En milieu de matinée, ce lundi 22 février, l'information tombe comme un couperet. Des têtes et pas des plus méconnues au sein du département de la pêche passent à la trappe. Après la restructuration du département de l'Agriculture est venu le temps de la Pêche. Avec humour, certains ironisent «c'est signé Vallyans», cabinet dont le 1er client n'est autre le groupe Akwa, dirigé jusqu'à peu par l'actuel ministre. Les deux études ont été lancées en simultané. «Akhannouch s'est concentré sur l'agriculture, il refusait même de recevoir les professionnels de la pêche», se souvient cette source ministérielle. Pêche aux gros poissons L'année 2009 fut donc celle du Plan Vert, 2010 sera celle de la pêche, avec le Plan Halieutis. «Au ministère de la pêche, ce n'était pas un secret. Depuis une année, tout le monde s'attendait à voir partir Mohamed Tarmidi, le secrétaire général et Magid El Ghaib, le directeur de l'ONP. En revanche, que le mouvement ait touché des directeurs centraux, c'est ce qui a crée la surprise», poursuit la même source. D'autant plus que ces limogeages se sont suivis dans l'immédiat par des nominations. Pas de place pour la spéculation (voir encadré). A la tête de l'ONP, Magid El Ghaib est remplacé par Amina Figuigui, jusque là directrice du pôle conformité à la CDG. Le secrétariat général du département de la pêche maritime est revenu à Abdeljebar Youssefi, en remplacement de Mohamed Tarmidi. Comme de coutume dans ce genre de situation, les langues se délient. C'est à l'encontre d'El Ghaib et de Tarmidi que l'essentiel des griefs sont formulés. Ils sont tous deux, originaires de l'ONP, auquel El Ghaib a tenu les commandes durant plus de 5 ans. Ils sont notamment critiqués pour leur gestion du dossier de l'Accord de pêche avec l'UE. C'est principalement Mohamed Tarmidi qui se rendait à Bruxelles. «Il était temps qu'ils partent, car c'est eux qui ont mené l'essentiel des négociations. De plus, le 22 février 2011, il va falloir rediscuter les conditions de l'accord», fait remarquer ce professionnel du secteur. L'autre couac mis à leur passif est celui de l'affaire des carburants subventionnés, dont la responsabilité incombe tant au ministère qu'à l'Office : un dossier devant les tribunaux depuis plus de 4 ans. Une autre source n'hésite pas à enfoncer le clou : «le secteur de la pêche a souffert de beaucoup problèmes, dont l'origine provient essentiellement des personnes qui gèrent ce secteur». Et elle se fait plus virulente et poursuit : «La «mafia» de la pêche illicite est couverte par les cadres du ministère. Nous avons à maintes reprises alerté l'Administration centrale afin qu'elle prenne les mesures nécessaires, mais en vain». Et le fond de la question surgit : la gestion des périodes de repos biologiques relatives aux poulpes. «Les opérations d'exportations s'effectuent avec l'aval de l'office», souligne cet armateur. Mais pourquoi Aziz Akhannouch a-t-il choisi ce timing ? «Le ministre n'était peut-être pas convaincu par les arguments que nous avancions ou encore a-t-il préféré attendre pour remonter toute la filière», se plaît à croire ce membre du syndicat national des officiers et marins de la pêche hauturière. Toutefois, un événement semble avoir été à l'origine de cette opération d'«assainissement». Pêche connexion Flash back . Rabat, lundi 15 octobre 2007, Aziz Akhannouch prend ses fonctions. Le jour même, à Agadir, la délégation de la pêche maritime découvre deux conteneurs de poulpes juvéniles, illégalement pêchés et destinés à l'export, vers Malte. Un bateau qui appartenait à C.F, une société dont l'activité n'était pas la pêche. Les documents émanant de l'ONP certifiaient, comme la norme l'exigeait, que le poulpe avait été congelé individuellement. En effectuant le contrôle, les inspecteurs ont alors la preuve du contraire. Les membres de cette délégation devaient ce lundi-même se rendre à la capitale, pour exposer le cas au ministre fraîchement nommé. Devant l'obligation de livrer le reste de la marchandise, le capitaine signe un engagement l'obligeant à revenir à Agadir avec les deux conteneurs de poulpes. La suite des événements est édifiante. Le lendemain soit le mardi 16 octobre, l'info parvient aux médias. Quatre jours plus tard, le patron de la société propriétaire de la cargaison, rend visite au ministère de la pêche et se voit écoper d'une amende de 500.000 DH. Le vendredi d'après, la somme s'est muée en une astreinte de 300.000 DH. Le jour même, Mohamed Tarmidi, alors secrétaire général du ministère, notifie par écrit à CMA-CGM, que la société «incriminée» n'était plus tenue de respecter l'engagement contracté par le capitaine du bateau. La saisie était levée et l'affaire classée. «Selon la réglementation, ce dossier devait être géré par le directeur de la pêche, poste vacant à l'époque, qu'occupait auparavant Abdellah Janatti. La prérogative de la signature revenait ainsi à Mohamed Tarmidi, le secrétaire général. Ce qui lui donnait la possibilité de lever la saisie sur la société», explique un témoin de l'époque. Et d'ajouter : «le plus insolite, c'était la célérité avec laquelle cette affaire avait été traitée. Tout avait été réglé en l'espace de 4 jours. C'était une première». Les raisons ? Les deux conteneurs ne devaient jamais revenir à Agadir. L'enquête de la délégation régionale aurait révélé que les documents de l'opération avaient été falsifiés. Cette affaire, et bien d'autres, annonçaient, pour de nombreux observateurs, la fin d'une époque. Imane Azmi