Aziz Akhannouch, ministre de l'Agriculture et de la Pêche maritime, fait le point sur l'évolution de la stratégie Halieutis, en annonçant, entre autres, que les plans d'aménagement avancent bien et que les filets maillants dérivants seront bientôt interdits par la loi. ALM : L'un des chantiers primordiaux de la stratégie Halieutis est la gestion des pêcheries selon des plans d'aménagement propres à chacune d'entre elles. Le ministère a-t-il avancé sur ce plan ? Aziz Akhannouch : Nous avons en effet avancé et ce, sur plusieurs plans. Depuis le lancement de la stratégie Halieutis par Sa Majesté le Roi Mohammed VI que Dieu l'Assiste, nous nous sommes assis avec les professionnels dans le cadre de groupes de travail thématiques afin d'établir ensemble les étapes à suivre. Le ministère apporte une vision stratégique mais c'est aux professionnels d'en porter les ambitions. Donc des propositions sont continuellement mises sur la table de discussion afin de parvenir à des décisions dans lesquelles tous les acteurs du secteur trouvent leur compte. C'est dans ce cadre que des mesures relatives à la gestion des pêcheries ont été initiées puisque ministère et professionnels sont unanimes sur l'importance de la nécessité de préservation et de bonne gestion de la ressource halieutique dans l'objectif de sauvegarder l'équilibre marin et assurer la pérennité de l'activité de la pêche avec tout ce qu'elle engage comme activité économique, emplois, revenus financiers, etc. Aussi, un plan spécifique à la pêcherie de la crevette et du merlu blanc est actuellement en cours de finalisation. Cette pêcherie mobilise actuellement près de 90 bateaux de pêche et emploie plus de 20.000 personnes. C'est dire l'énorme effort de pêche déployé dans ce segment. Cette exploitation intense a généré un déclin alarmant au niveau de l'abondance de ces espèces. Afin de mettre fin à cette surexploitation, le plan d'aménagement agira en deux étapes, à savoir des actions d'urgence à travers la délimitation des zones de pêche, la réglementation des engins de pêche et l'instauration de périodes de repos biologique, par exemple. Dans un deuxième temps, un système de plafonnement des captures à travers les quotas sera instauré. Les algues vont également bénéficier d'un plan d'aménagement visant à protéger la biomasse de l'extinction. Les données du secteur font état d'une baisse considérable de la densité de la biomasse sur le littoral marocain, ce qui dénote, là encore, d'une situation de surexploitation très prononcée. Le plan d'aménagement spécifique à cette pêcherie prévoit trois catégories de mesures : des mesures d'aménagement relatives à l'ajustement des périodes, zones et effort ainsi que des mesures d'accompagnement notamment à travers le contrôle et l'organisation de la commercialisation. Enfin des mesures juridiques viendront compléter ce plan pour la mise en place d'un cadre réglementaire strict définissant le cadre d'exploitation de cette ressource. Je n'oublierai pas de parler enfin du Plan d'aménagement des petits pélagiques qui a été présenté il y a quelques mois et qui avance à pas sûrs. Deux appels d'offres et un appel à manifestation d'intérêt ont été lancés par le département de la Pêche maritime le 11 février 2010. Les professionnels ont bien réagi à cette initiative. En effet, lors de la phase de présélection, 96 projets ont été examinés par la commission désignée à cet effet et ils se caractérisent par une grande diversité dans les filières de valorisation. Cette première phase est en cours de finalisation et nous allons bientôt attaquer la phase finale qui permettra incessamment de choisir les meilleurs projets d'investissement à hauteur des quotas alloués par filière. Mais concrètement, comment allez-vous procéder au lancement de ces plans d'aménagement ? Concrètement, nous programmons des réunions où les professionnels sont invités. Nous leur soumettons ces plans d'aménagement comme une plate-forme sur la base de laquelle nous essayons de parvenir à un consensus et décidons ensemble des étapes à suivre. Qu'en est-il des unités sous accord de Laâyoune et Dakhla? Nous avons justement une bonne nouvelle à annoncer au sujet de ces unités qui se trouvaient sous accord avec l'Etat depuis 2004 pour Dakhla et 2005 pour Laâyoune et qui bénéficiaient d'un grand pourcentage pour le congelé bord et d'un pourcentage plus faible pour le frais débarqué à terre. Nous sommes parvenus récemment à un accord avec les opérateurs de ces zones dans le cadre d'un programme global qui apporte plusieurs points positifs. En clair, les débarquements se feront à court terme à 100% en frais pour une valorisation en usine. Et afin d'optimiser l'utilisation des infrastructures portuaires et des navires, nous avons convenu avec les professionnels d'une réduction du nombre des navires notamment à travers la création de groupements mixte Dakhla- Laâyoune. La formation de ces groupements entre les opérateurs des deux villes permettra de faire tourner 80% des unités de Dakhla et de Laâyoune. C'est dire tout l'impact que cela aura sur le développement de la région, sans parler de la grande visibilité que ce programme donnera aux investisseurs et aux opérateurs ainsi que le rôle qu'il jouera dans la sauvegarde des emplois. Vous faites de la préservation de la ressource un chantier principal de votre stratégie. Ceci dit, la préservation de la ressource passe aussi par sa valorisation hors milieu marin, c'est-à-dire tout au long de son processus d'exploitation. Avez-vous des projets agissant sur ce point ? Nous nous sommes bien sûr penchés sur la problématique de la traçabilité qui reste la meilleure garantie d'une bonne valorisation et d'une bonne qualité de produit pour le consommateur. Concrètement, le ministère de l'Agriculture et de la Pèche maritime mettra en place un système national de traçabilité répondant aux normes internationales, notamment celle de l'Union européenne, afin de promouvoir les produits halieutiques marocains. Ce système de traçabilité intégrera tous les produits halieutiques, à savoir : les produits issus de l'importation, de la capture, de la collecte, du ramassage, de l'élevage ainsi que les produits qui en dérivent. Ce système permettra notamment de déterminer l'origine des captures, instaurer le respect des plans d'aménagement par catégorie d'espèces à l'échelle nationale, tracer les circuits de cheminement des produits halieutiques de façon à garantir en cas de crise sanitaire le retrait ou rappel du marché, d'une manière ciblée et précise, des produits susceptibles de porter préjudice à la santé du consommateur; empêcher tout commerce de produits issus de la pêche illicite, non déclarée et non réglementée, etc. Ce système de traçabilité reposera dans sa mise en place sur un système informatique performant qui utilise les nouvelles technologies de l'information afin d'automatiser toute la procédure de traçabilité et avoir un suivi en temps réel du parcours du produit halieutique marocain. Les appels d'offres pour la mise en place de ce système sont en cours de lancement actuellement. En parlant des normes, qu'en est-il du problème de l'utilisation des filets maillants dérivans? C'est une question qui a longtemps préoccupé le ministère et pour laquelle nous avons trouvé des solutions sérieuses, voire, radicales. L'interdiction de l'utilisation du filet maillant dérivant dans les eaux nationales intervient dans un contexte de préservation de la biodiversité marine et de la protection de certaines espèces vulnérables capturées accidentellement par cet engin destructeur (tortues marines, oiseaux de mer et espadon juvénile et géniteur) tel que décrété à l'échelle internationale et appliqué par l'ensemble des pays voisins depuis 2002. Dans ce contexte et pour se conformer à la réglementation internationale, le Maroc a élaboré la loi (19-07) visant la réglementation de l'utilisation du filet maillant dérivant par son interdiction définitive. Ce texte a été adopté à l'unanimité à la Chambre des représentants et sera voté ce lundi au sein de la Chambre des conseillers. Il prévoit l'interdiction de cet engin une année après sa publication au Bulletin officiel. Le département de la Pêche maritime, en collaboration avec les associations professionnelles concernées et les Chambres des pêches maritimes, a arrêté la liste définitive des navires utilisant cette technique et a mené une série de réunion avec les professionnels pour élaborer le plan de redéploiement vers d'autres techniques de pêche afin de préserver l'activité de pêche et de préserver les emplois. Plusieurs mesures d'accompagnement sont également prévues notamment l'indemnisation et le déploiement d'un programme de formation des marins pêcheurs sur d'autres techniques de pêche en substitution du filet dérivant. Le budget prévu pour l'éradication des filets maillants dérivants est de 130 millions DH. Le ministère cherche également à éliminer une autre pratique : celle de l'utilisation de caisses en bois dans les débarquements. A quand leur disparition des ports marocains ? Nous ne verrons plus de caissons en bois dans les ports marocains à partir de janvier 2011. Ceci dit, la généralisation des caissons en plastique sur tous les sites se fera dès le mois de décembre prochain. Ce chantier a été entamé il y a plusieurs mois déjà. Plusieurs réunions ont été tenues avec les professionnels pour le choix des modèles de contenants et par type de pêches et l'ONP a aussitôt lancé la production des contenants normalisés. Aujourd'hui, plus de 200.000 unités ont été fabriquées et la cadence de production sera renforcée à partir de ce mois afin de parvenir à la quantité nécessaire, qui est de 1,3 million de caissons. On parle ces derniers temps de l'éventualité de suppression de 4000 emplois particulièrement dans le segment de la pêche hauturière ? Que répondez-vous à cela ? Tout d'abord, je tiens à rassurer tous les opérateurs du secteur : Il n'est nullement question de supprimer des postes d'emploi, ni 1 ni 4000. Bien au contraire, le ministère, à travers toute sa stratégie, déploie tous les efforts nécessaires afin de préserver et créer de l'emploi dans le secteur. Ce sont des rumeurs non fondées et qui impliquent à tort le ministère. Le projet qui fait l'objet de toute cette désinformation est un projet porté par les professionnels qui veulent diminuer l'effort de pêche en parvenant à un accord qui permettrait aux navires restants de financer les navires sortants et donc mettre à niveau la flotte de la pêche hauturière. Ce projet est encore en cours de discussion chez les professionnels eux-mêmes. Ceci dit, une fois qu'il sera soumis au ministère, aucun accord ni solution ne seront adoptés au détriment des emplois. Le ministère dictera ses conditions et jouera pleinement son rôle afin de protéger l'équilibre social créé autour de ce segment.