On peut tout dire de Abdelilah Benkirane, mais on n'oubliera jamais d'ajouter que c'est un jongleur du verbe, avec ce joker que les politiciens ressortent chaque fois qu'ils s'adressent à leurs interlocuteurs. Dimanche, certainement convaincu qu'ils ne voteront jamais pour lui, Benkirane a sorti le grand jeu devant les trois journalistes français qui co-animaient, depuis Rabat, l'émission Internationales sur TV5 Monde. À l'aise dans son costume-cravate, Benkirane est resté de marbre avec un sourire qui n'allait jamais quitter ses lèvres, face aux questions-commentaires parfois » gênantes » des journalistes de TV5 Monde, Le Monde et RFI. Dès les premières minutes de l'émission, Benkirane rectifie un « tir » de Bruno Daroux, journaliste à RFI pour qualifier » adjectivement » la monarchie. Et justement sur la question de sa relation, en tant que chef de gouvernement, avec le Palais, Benkirane n'hésite pas à répondre aux journalistes que le mot « cohabitation » entre lui, son gouvernement et le roi et le palais « n'existe pas » en ajoutant sur une note d'humour tout en s'adressant aux trois journalistes : » Nos amis les Français doivent comprendre une chose. Nous ne sommes pas des Français ! ». Sur la hiérarchie dans la prise des décisions, Benkirane reste clair : « Bon, ça n'est pas toujours évident, je ne vous le cache pas. En général, ça se passe très bien. Mais, parfois je ne suis pas d'accord (…) et quand je ne suis pas d'accord, c'est son ordre (le roi, ndlr)qui passe d'abord, c'est comme ça », a ajouté M. Benkirane, tout en refusant de fournir des exemples. Un peu plus loin, il n'hésite pas à ajouter : « Si les Marocains veulent un chef de gouvernement qui rentre en litige avec le Roi, qu'ils cherchent un autre, moi ça ne marche pas avec moi. Si jamais ça ne marche pas avec Sa Majesté, je m'en vais de moi-même ». La France, le Mali et L'Algérie Sur la question du conflit au Mali, Benkirane allait saluer le « courage » de la France pour son intervention au Mali et a déploré le manque de coopération entre pays de la région dû, selon lui, au non règlement du conflit au Sahara. Pour rappel, la première déclaration publique de soutien du Maroc à l'action menée par Paris contre les groupes islamistes armés au Mali avait été le fait du ministre de l'Intérieur, Mohand Laenser. Le 25 janvier dernier, celui l'avait qualifiée d' »opportune » et « pertinente » pour contrer quelques sorties de salafistes qui avaient évoqué le mot « croisade » pour qualifier l'intervention française. « Notre position (envers l'intervention française, ndlr) a été tranchée, elle continue à être la même », a ajouté Benkirane. D'après lui, cette intervention de Paris est une conséquence du manque de coopération entre les pays de la région. « Je parle de l'Algérie, du Maroc, de tous les pays qui sont aux alentours, a-t-il précisé (…). C'est d'abord notre responsabilité. » « Si on avait pu trouver une solution entre nous et nos frères Algériens concernant l'affaire du Sahara, on coopèrerait beaucoup mieux et on serait capable tous les deux de résoudre ces problèmes », a-t-il poursuivi. Avec la situation au Sahel, « nous sommes devant des conditions stratégiques qui font qu'on devrait laisser tomber tout ça », a-t-il plaidé, avant de conclure sur le dossier qui oppose le Maroc à l'Algérie : « Tout le monde sait (…) que le Sahara est marocain et que, dans le cadre de l'autonomie, on pourrait trouver une solution. Si l'Algérie décide de régler ce problème, en une journée c'est réglé ».