J'ai lu avec beaucoup d'intérêt votre éditorial du N°589 de la Gazette du Maroc. Ce conflit du Sahara, je le suis, et le vis depuis la marche verte jusqu'à nos jours. C'est pourquoi je voudrais réagir à votre dernière phrase de l'éditorial où vous dites: «Plus que jamais, le front intérieur uni et renforcé est à l'ordre du jour». A vant de réagir à votre idée permettez-moi de dresser un tableau général de ce processus de paix qui fait parler de lui aujourd'hui, surtout après le départ de Peter Van Walsum. Au stade où en est, aujourd'hui, le processus de paix au Sahara, nous avons : D'un côté, le Maroc qui, après avoir longtemps refusé d'entendre parler du polisario pendant des années, et qui, après avoir lâché du lest au fil des ans, accepte une autonomie élargie au Sahara, laquelle autonomie reste à mon avis une solution dangereuse à plus d'un titre. Il faut espérer que le Maroc n'ira pas plus loin. De l'autre coté, l'Algérie et le polisario qui s'accrochent à l'idée de référendum d'autodétermination, dont ils n'avaient pourtant pas voulu lorsque le Maroc l'avait proposée à Nairobi en 1983 et auquel aujourd'hui l'Algérie, par la voix du polisario, s'accroche et défend bec et ongles. Entre ces deux positions, il ne peut y avoir de consensus possible. Pourquoi ? Parce que tout simplement le polisario est algérisarien et le demeurera tant qu'il continuera de vivre à Tindouf. Et l'Algérie, elle-même ne changera pas de position d'un iota sur le conflit du Sahara, tant que les militaires continueront à gouverner derrière un Président de la république soit- disant élu. Pourquoi voulez-vous qu'elle change. Parti de rien, le polisario est arrivé à l'autonomie élargie. Je voudrais citer pour l'Histoire le fait suivant : la journaliste de RFI, Carmen Bader, avait posé la question suivante à notre ministre des Affaires Etrangères Mohamed Boucetta, présent à Nairobi 2 : « Le conseiller du Roi Réda Guédira vient de déclarer en France que le Roi Hassan II est prêt à reconnaître l'entité polisario mais ne peut pas aller plus loin. Qu'en pensez-vous ?». Suite à quoi, notre ministre piqua une crise de nerfs, réfutant en bloc les propos du conseiller du Roi. Notre ministre piqua une autre crise de nerfs à Siera Léone, après avoir reçu l'ordre de revenir sur la position qu'il avait défendue tout au long des débats. Faut-il donc croire qu'à l'époque de M.Boucetta, époque pourtant cruciale, le Maroc gérait le conflit du Sahara avec deux politiques ? L'idée d'un référendum, même confirmatif, proposé par le Maroc était-elle viable, même si à cette époque-là, les combats sur le terrain faisaient rage. Abderrahim Bouabib est allé en prison parce qu'il l'a refusé. Vint ensuite l'instauration d'un comité ad oc. Le Maroc accepte de négocier avec l'autre partie sans qu'elle soit nommée. Et c'est un autre usfpeiste, Ait Kaddour qui, à partir de son exil de Paris, prend position: «Nous n'avons pas à accepter cette décision parcequ'aujourd'hui, le Maroc accepte de s'asseoir à table pour négocier avec la partie adverse qui n'est pas nommée ; mais avec le temps elle le sera et ce sera le polisario et par voie de conséquence, la RASD. Pour nous résumer donc, les dirigeants algériens, depuis le début du conflit du Sahara, ont pratiqué vis-à-vis du Maroc, la politique des maquisards pour reprendre une expression de Paul Balta journaliste au journal Le Monde. C'est-à-dire une politique du «wait and see». Vinrent ensuite les concessions successives du Maroc : le polisario est reçu à Marrakech par le Roi Hassan II, Le Prince Héritier les reçoit aussi. Enfin, le Maroc finit par accepter un cessez-le-feu lamentable où il n'avait pas exigé la libération des prisonniers de guerres encore retenus à Tindouf comme le stipulent les conventions de Genève. force de propulsion algérienne Beaucoup de personnalités officielles marocaines avaient visité l'Algérie sans jamais avoir obtenu quoi que ce soit de l'Algérie, ni libération ni améliorations de traitement des prisonniers marocains détenus sur le sol algérien. Par contre, le Président algérien n'a accepté de venir faire l'UMA à Marrakech et en visite officielle, qu'après que le Maroc ait accepté de libérer les 106 prisonniers de guerre algériens capturés dans la bataille d'Amgala en 1976. Enfin, vint le processus d'identification que l'Algérie et le polisario ont géré avec brio. Pourquoi ? Parce que les séparatistes et leur force de propulsion algérienne ont exigé de commencer par la population portée sur les listes de recensement espagnole de 1974. On ne comprend pas pourquoi Driss Basri, ancien ministre de l'Intérieur chargé du dossier du Sahara, n'avait pas bloqué le processus dès que les chioukhs séparatistes commençaient à refuser beaucoup de sahraouis présentés par le Maroc. Et pourquoi avait-il attendu trop longtemps pour présenter les listes additionnelles. Moralité de l'histoire, lorsque l'ONU avait recensé environ 86.000 sahraouis, le polisario bloqua le processus. Que faut-il conclure ? Je pense, en tant qu'ancien militaire ayant participé à cette guerre et passé 25 ans aux mains de l'ennemi en tant que prisonnier de guerre, il est temps de faire un bilan et faire l'inventaire des erreurs commises. Voici ce que je reproche à mon pays : ■ D'avoir sous-estimé les capacités de nuisance de l'Algérie aussi bien sur le plan diplomatique que sur le plan du soutien militaire au polisario. Je me rappelle avoir avancé en 1976, devant un officier supérieur à Laâyoun, que les algériens, tôt ou tard, feront entrer le SAM-6 au Sahara. Pour toute réponse, cet officier m'a ri au nez. Pourtant, cinq ans plus tard, le SAM-6 fut utilisé dans la bataille de Gueltat Zemmour. Nous avons perdu cinq appareils en deux jours. ■ De n'avoir rien prévu à temps pour contrer le surarmement du polisario au début des années 80. Ce qui a permis à l'ennemi de mener des opérations massives contre nos unités avec un armement de loin supérieur au nôtre. Le polisario n'avait pas d'avions, certes, mais il possédait toute une panoplie de missiles antiaériens contre nos avions qui n'étaient pas équipés de moyens électroniques anti-missiles. ■ De n'avoir rien fait sur la scène internationale pour contrer la propagande algérienne. ■ D'avoir accepté trop tôt le référendum : il fallait d'abord briser l'élan militaire du polisario durant les attaques baptisées «Houari Boumedienne» au début des années 80 et du même coup, briser la nuisance algérienne sur la scène internationale. ■ D'avoir signé le cessez-le feu au moment où l'Algérie allait connaître des troubles internes. Nos hommes politiques n'ont pas été perspicaces dans ce qui se préparait en Algérie et n'ont pas vu venir le coup d'Etat militaire. Le Maroc a signé ce cessez-le feu en 1991 alors qu'il se trouvait sur le plan militaire en position de force. L'Algérie ne pouvait pas continuer à nous faire la guerre au Sahara, même par polisario interposé et en même temps faire face aux attaques des islamistes du FIS et du GIA. A mon sens, elle aurait composé avec le Maroc pour une issue au problème du Sahara. C'est pourquoi le cessez-le feu fut un cadeau offert à l'Algérie sur un plateau d'argent. Pour revenir à votre éditorial, vous avez mille fois raison de dire que le front interne, uni et renforcé est, plus que jamais à l'ordre du jour. Mais qui doit s'en occuper ? A-t-on jamais expliqué au peuple marocain qui est réellement le polisario ? Qui l'a crée ? Pourquoi il a été crée ? Les marocains connaissent-ils l'Histoire de la colonisation du Sahara par l'Espagne à la fin du 19ème siècle ? Un grand Historien français Bernard Lugar a écrit un livre intitulé Histoire du Maroc où il montre preuves à l'appui, comment les français et les espagnols se sont partagés le Maroc à coups de règle et de crayon. Ce livre existe-t-il dans les bibliothèques scolaires ? Enfin, nous assistons actuellement à un phénomène très dangereux : hier le polisario nous faisait la guerre avec des armes, mais uniquement çà et là, au Sahara. Aujourd'hui, ce même polisario arrive à nous faire la guerre sur tout le territoire national ( à Rabat, Casablanca, Marrakech, Agadir, Laâyoun, Smara, Dakhla et j'en passe ), en se servant des Droits de l'Homme. Voilà un vrai sujet de débat, n'est-ce pas ? ■