Trois ans avant son chef d'œuvre absolu « In the mood for love » et alors que la rumeur cinéphile l'introduit comme l'un des meilleurs cinéastes asiatiques de son temps, Wong Kar-wai livre in extremis la copie de « Happy together » au festival de Cannes, où il décroche le prix de la mise en scène en 1997. La cinémathèque idéale de Ali Hajji Happy together de Wong Kar-wai Trois ans avant son chef d'œuvre absolu « In the mood for love » et alors que la rumeur cinéphile l'introduit comme l'un des meilleurs cinéastes asiatiques de son temps, Wong Kar-wai livre in extremis la copie de « Happy together » au festival de Cannes, où il décroche le prix de la mise en scène en 1997. Juste avant, « Nos années sauvages » et « Chungking express » entre autres, avaient furieusement attiré l'attention internationale sur ce metteur en scène hors du commun, dont les films, stylisés à l'extrême, faisaient autant référence au clip et à la publicité qu'au meilleur du cinéma d'auteur européen et mondial. Wong Kar-wai a quitté Shanghai pour Hong-Kong à l'âge de 5 ans. Ni sa mère ni lui ne parlaient le cantonais et ils ne connaissaient personne, alors ils allaient au cinéma. Enfant, il est nourri aux films hollywoodiens. Adolescent, aux films mandarins, puis cantonais. Devenu étudiant, il découvre Ozu et Cassavetes, Godard et Demy. « Mes références, ce sont toutes ces tendances mêlées, à travers lesquelles j'ai découvert le cinéma. ». « Happy together » confirme donc son ascension avant la gloire rencontrée avec « In the mood for love », splendeur de mélancolie, œuvre maîtresse des années 2000. « Happy together » est encore une fois l'histoire d'un amour tourmenté, mais cette fois-ci entre deux hommes. Deux amants, Lai et Ho, quittent Hong Kong pour l'Argentine. Leur aventure tourne mal et ils se quittent. Lai retourne à Buenos Aires et travaille comme aboyeur dans un bar de tango pour économiser l'argent de son retour à Hong Kong. Ho réapparaît et s'intalle chez Lai. Il trouve du travail dans un restaurant chinois où il rencontre Chang, qui vient de Taiwan... Dans les films de Wong Kar-wai, le bonheur ne coïncide jamais avec l'être là : il est toujours fuyant, insaisissable, dans l'avant, l'après, ou très loin du lieu où l'on est. Ainsi, il n'est pas interdit de penser que le raffut régulier des avions structure les rêves du réalisateur, infuse le mal existentiel de ses films ; voilà un auteur toujours sur la brèche, toujours en mouvement, en situation de chaos, d'instabilité, pris dans le vertige de la vitesse du monde. « Happy together » est ample et mouvant du point de vue géographique et se réduit en fait à un tango sans fin entre les deux personnages, prisonniers de leur relation passionnelle comme de leur petite chambre d'amour et de combat. Si le film est d'une beauté plastique à couper le souffle, et si le cinéaste agence chaque plan comme une image amoureusement composée, cette beauté très ouvertement fabriquée n'est jamais ni glacée ni désincarnée. Les cinéphiles savent que Wong Kar-wai a l'art de filmer comme aucun autre un Hongkong stylisé et chatoyant, une certaine idée de l'Orient et du désir. Qu'il manie en maître les couleurs du songe ou du souvenir, mais que jamais ce maniérisme ne fait obstacle à l'ivresse des yeux – et des oreilles, le cinéaste n'étant pas sourd aux BO langoureuses. On sait aussi qu'il ne cesse d'explorer son sujet de prédilection, le temps qui passe et les amours qui filent... * Tweet * * *