Deux Américains perdus dans un hôtel pleinement étoilé de Tokyo. Lui est un acteur hollywoodien vieillissant venu tourner une pub au Japon et qui s'interroge sur ce qu'il est venu faire là. Elle est un peu oisive, tout juste mariée à un photographe de mode branché qui la délaisse. Les deux vont se rencontrer et de là va naître l'un des objets filmiques les plus insolites de ces dernières années : Lost in translation de Sofia Coppola. Le film fit de Scarlett Johansson l'une des jeunes actrices les plus en vue du cinéma actuel, réhabilita l'acteur culte des années 80, Bill Murray (Ghostbusters, Un jour sans fin, …) et permit à son auteur au nom royal de décrocher son premier oscar (du scénario). Lorsqu'elle monta sur scène pour le recevoir, en plus de remercier son père Francis F., Sofia Coppola tint à citer les noms des cinéastes qui l'avaient inspirée pour l'écriture du film : Antonioni, Wong Kar Wai, Bob Fosse et Godard. Sans oublier la muse du film, Bill Murray, pour lequel elle l'a écrit et qu'elle mit longtemps à convaincre de tourner avec elle. Lost in translation, lorsqu'il jaillit au milieu des années 2000, fut reçu comme une bouffée de délicatesse. Et c'est vrai tant Sofia Coppola capte avec subtilité et élégance ce sentiment indéfinissable qui unit ses deux personnages principaux. L'histoire est éternelle et on la connaît bien. Mais du talent de réalisateur peuvent naître de multiples variations et possibilités… La touche de Sofia Coppola tient donc à des déplacements subtils. Lui est beaucoup plus âgé qu'elle, ce qui donne un petit zeste d'Œdipe à l'histoire et fait planer l'ombre du papa Francis. Ensuite, le film est construit sur un rythme lent, qui procède par petites touches. Ce n'est pas vraiment de l'amour (pas de relation charnelle entre les deux) ni de l'amitié mais un sentiment qui flotte entre les deux et qui ne porte pas vraiment de nom. Bill Murray, éternel Droopy, sait tirer le meilleur parti comique de ce personnage de quinquagénaire en crise et Scarlett Johansson s'affirme à ses côtés, complice, jolie, fraîche et intelligente. Dans une atmosphère cotonneuse, le film vous transporte vers cette aventure entre deux mondes, dans un pays auquel les protagonistes ne comprennent rien : ni la langue, ni les comportements, ni la culture. Dans cette perte, ils vont se retrouver d'abord à l'hôtel, ensuite dans Tokyo, pour des errances ultra chic et légères d'abord avant que leur relation n'évolue vers quelque chose de beaucoup plus profond. Comédie romantique et mélancolique, Lost in translation recèle aussi de vrais moments documentaires où on découvre Tokyo dans ses recoins réels. Dans son idéal de pureté des sentiments, le film rappelle aussi In the mood for love de Wong Kar Wai, que Sofia Coppola cite comme l'une de ses influences majeures. Autre bon point : la musique. La jeune réalisatrice a toujours fait preuve d'un goût pointu. Son premier film, Virgin suicides, était porté par la musique de Air. Là, c'est à Kevin Shields qu'elle confie les manettes de ce plan atmosphérique. Un film qui dit que les grands moments de la vie ne sont pas forcément spectaculaires et que d'une rencontre improbable au départ, un sentiment fort peut vraiment naître. A ce jour, Lost in translation est le film le plus abouti de son auteure.