Carton surprise de la 6e édition du Festival international du film de femmes de Salé, « Almanya » de la jeune cinéaste Yasemin Samdereli, a été présentée lors de la cérémonie d'ouverture. Sortie sur les écrans français le 30 mai dernier, cette joyeuse comédie, redouble de ressorts et de procédés sur les européens d'origine turque. Par son scénario, la prestation de ses acteurs et l'habilité de sa réalisatrice Yasemin Samdereli, Almanya a totalement cartonné en Allemagne. Dans le flot ininterrompu des films qui traitent des Européens d'Allemagne d'origine turque, dont les parents et surtout les grands-parents sont issus de leurs pays natal la Turquie, peu d'entre eux ont abordé le tiraillement des premières et dernières générations, sous l'angle de la comédie. Il y a évidemment eu l'ovni, Fatih Akin, cinéaste qui révolutionnait le 7e art outre-Rhin avec « Head On » (Gegen die Wand) Ours d'or à Berlin en 2004. Et qui s'imposait alors sur la scène internationale après le succès phénoménal et la critique dithyrambique de ce film. Fatih Akin, signait ensuite, définitivement sa griffe, avec son second long-métrage « De l'autre côté ». Toujours du côté du drame social et d'une violence accrue lorsqu'il s'agit d'évoquer les conflits humains de la communauté turque. Idem, pour « L'Etrangère», de Féo Aladag, dont l'héroïne principale n'est autre que la comédienne découverte par Akin dans « Head on », Sibel Kekilli. « L'Etrangère » a de plus, un lien particulier avec le Maroc : le film a été primé au 10e FIFM (prix de la meilleure interprétation féminine) et Grand Prix du 5e Festival international du film de femmes de Salé. « Almanya » de la cinéaste Yasemin Samdereli, a été présentée lors de la cérémonie d'ouverture du 6e Festival de Salé. Terre d'adoption Sortie sur les écrans français le 30 mai dernier, cette joyeuse comédie, redouble de ressorts et de procédés : images d'archives, action qui se situe entre les immeubles destinés à la première vague d'immigrés turcs au cœur de la Ruhr et les espaces hypnotiques et plantureux de l'Anatolie, point de vue de Cenk, petit garçon de 6 ans, qui se pose des questions sur son identité, lors d'un match de football, ni ses camarades allemands, ni ses camarades turcs ne veulent de lui dans leur équipe. Pour le consoler lors d'un repas familial où tous les disciples sont réunis, sa cousine Canan, jeune étudiante enceinte d'un Anglais, (à l'insu de sa mère), lui raconte l'histoire de leur grand-père Hüseyin, qui à la fin des années 60 a émigré avec femme et enfants pour y travailler. Le temps passant, l'Almanya (en turc), est depuis, devenu leur terre d'adoption. Et leur grand-père leur annonce ce jour-là, qu'il a acheté une maison en Turquie, précisément en Anatolia (Anatolie), sa région natale, avec l'espoir d'y emmener toute la famille en vacances l'été prochain. C'est alors que se déroule sous le regard de Cenk et les récits de Canan, le film et le fil des souvenirs, des naissances, des découvertes allemandes et turques, en somme l'héritage de cette famille, forte d'une double culture, à la croisée de l'Europe orientale et occidentale. Si Cenk, métis turco-allemand, est contrarié par les questionnements de ses origines, « qu'est-ce qu'on est finalement ? Allemands ou turcs ? », lance-t-il lors de ce fameux repas, sa mère allemande lui répond naturellement, « les deux ! » Petit-fils et grand-père semblent sérieusement contrariés, puisque Hüseyin sous l'impulsion de sa femme vient à peine de demander la nationalité allemande, ils retournent lui et son épouse en Turquie, avec leurs passeports allemands, une première. Cenk et Hüseyin, vont alors oublier leurs soucis pour découvrir et redécouvrir l'Anatolie. La scène du barbier, pleine de complicité entre le petit-fils et son grand-père, est à retenir : danse et chant révèlent l'élan jovial et le caractère oriental. « En Turquie, les hommes dansent », assène Hüseyin à Cenk. On regrette, que la cinéaste Yasemi Samdereli fasse parler ses personnages en allemand alors que dans un souci de chronologie narratif, ils devraient parler en turc. On aime revoir les bienfaits du génie du regroupement familial, politique alors adoptée par l'Allemagne et auparavant la France, malheureusement stigmatisée depuis, par la dernière décennie de la frange dominante de la droite dans l'Hexagone. Une leçon de tolérance L'Europe, aujourd'hui en crise et plus vieillissante que jamais, tournée à droite et à l'extrême, a oublié que ce sont des étrangers qui ont reconstruit son territoire, des hommes forts appelés à remettre sur pied l'industrie, les mines de charbon, la sidérurgie, le textile, le bâtiment. Ces mêmes hommes qui ont fait venir leur épouse du pays natal, parents puis grands parents de nouveaux européens qui représentent un Islam positif. Parents, et grands-parents qui comme Hüseyin, patriarche d'une heureuse tribu tel que le montre « Almanya », rêvent de retrouver un temps, la Turquie. « Almanya, leçon de tolérance, rappelle parfois le cinéma néo-réaliste italien, « Rocco et ses frères » (1960), de Luchino Visconti, soucieux de « chercher de l'emploi » et l'Anatolie de la cinéaste, filmée de jour, apporte sa pièce au puzzle de celle filmée de nuit par Nuri Bilge Ceylan. * Tweet * *