UA : Engagement sans faille du Maroc au service de l'Afrique et des Africains    Le vote à l'Union africaine : Qui a soutenu le Maroc et qui s'est opposé à lui ? Entre positions attendues et surprises dans la compétition    Les complots algériens contre le Maroc : des tentatives ratées qui ne nuiront pas à l'amour du peuple pour son Roi    Déclaration de l'Algérienne Melika Haddadi après son élection en tant que vice-présidente de la Commission africaine... Elle reconnaît que son poste est purement administratif et financier, sans influence réelle    UA/vice-présidence algérienne : une maladresse qui en dit long...    Recul annoncé du charbon, les énergies vertes atteindront 35 % du bouquet électrique marocain en 2027, annonce l'AIE    Maroc : les aviculteurs accusés de restreindre l'offre à travers une pénurie artificielle, flambée des prix du poulet avant le ramadan    Le groupe chinois Lepu remporte un marché clé pour le dessalement d'eau de mer au Maroc    Centres d'appels marocains. Une menace grandissante venue de France    Ratibecom Holding. Abdelmoula Ratibe, le « Marocain du Monde » locomotive des exportations textiles du Maroc    Jasmin Morocco Hospitality rachetée par deux investisseurs étrangers    Irrigation agricole avec des eaux usées, un risque sanitaire avéré    La Chine confirme sa volonté de renforcer ses relations avec les Etats-Unis malgré les tensions    Autriche : l'attaque au couteau de samedi motivée par "le terrorisme islamique"    Incarcération de Boualem Sansal: Retailleau déplore le "peu de réaction" de la France    Nezha Bidouane reconduite à la tête de la FRMSPT    ManCity : Inquiétudes pour le genou de Haaland avant le retour contre le Real    Bayer Leverkusen : Amine Adli marque son retour sur le terrain    Incendie dévastateur au marché Souk Rabiâ à Marrakech : des pertes matérielles considérables    À Dakhla, la station de transformation électrique du parc éolien de la ville achevée    À Marrakech, une ressortissante belge retrouvée pendue près d'un lieu de prière    Rabat : inauguration de la Cinémathèque marocaine    Botola D1/J23: RSB-RCAZ, le Match de ce dimanche !    Botola DII : Le RBM, leader '' provisoire '' en attendant KACM-RAC cet après midi    Rugby à VII : le Maroc s'impose face à l'Egypte et file en finale    Des détenus afghans rapatriés du Maroc    Munich Security Conference : Mme Benali réaffirme l'engagement du Maroc pour un système de développement de l'ONU « robuste et responsable »    Allemagne : Décès d'une fillette et sa mère, victimes de l'attentat à la voiture-bélier de Munich    Vers une légalisation du cannabis récréatif en Suisse    Maroc : Neige, fortes pluies et rafales de vent ce week-end    La guerre en Ukraine au centre d'un entretien téléphonique Rubio-Lavrov    MAGAZINE : Marc Marciano, l'homme qui chuchote à l'oreille de la musique andalouse    Livre : A l'ère de IA, Kitab connect    Les températures attendues ce dimanche 16 février 2025    Le temps qu'il fera ce dimanche 16 février 2025    Botola D1/J21: Un festival de buts à Tanger !    Réunion du CPS de l'UA : Le Maroc plaide pour une solution garantissant l'intégrité et la stabilité de la RDC    Dix-sept Afghans détenus au Maroc et dans d'autres pays libérés et rapatriés    Prix des jeunes poètes : Lancement des candidatures pour la 4e édition    Essaouira: 65% des travaux réalisés pour la future Cité des Arts et de la Culture    Rachida Dati attendue au Maroc du 16 au 18 février, voici le programme    Elections des Chambres professionnelles : les tableaux rectificatifs définitifs disponibles jusqu'au 23 février    Mahmoud Ali Youssouf, président de la Commission pour ressusciter l'Union africaine de l'inaction    Algérie-Israël : 30,5 millions de dollars d'exportations qui contredisent le discours officiel    Mondial 2030 : 3 millions de chiens errants à abattre ? Démenti du Maroc    Exposition : la valeur des visages, estimée par Adjei Tawiah    Casablanca : Cinéma Lutetia, l'une de ces salles qui renaissent de leurs cendres    Tebboune continue de dilapider l'argent des Algériens en Afrique... Combien a coûté la facture du soutien au "Polisario" ?    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



MAGAZINE : Naima Elmcherqui, l'âme à tout faire
Publié dans L'opinion le 13 - 10 - 2024

L'immense comédienne tourne le dos à la vie le 5 octobre après avoir profité de 81 ans d'une existence aussi palpitante que parsemée d'aventures en tous genres. Artiste forte-en-thème, elle s'engage dans le social, siège au Conseil de la haute autorité de l'audiovisuel, encadre en sourdine de jeunes aspirants à la pratique de l'art de l'interprétation théâtrale et cinématographique. Elle dit tout, fait l'essentiel. Naima racontée dans un spécial comme celui que nous proposons se rapproche plus du bonheur que du désarroi.
Que reste-t-il à dire lorsqu'un monument s'effondre ? La désolation, nous y sommes. L'amour pour une telle pyramide ne peut que gonfler jusqu'à ce que le cœur lâche pour se remettre à battre à la mémoire de tout ce qu'elle transmet, un bel aller-retour entre admiration et mélancolie. Pleurer la disparition de cette belle âme est finalement un hommage à un cœur dégoulinant de fortes sensibilités et à un agrégat de rôles campés avec douceur, douleur, délicatesse, humour... et cette finesse inouïe. Rien n'échappe à Naima Elmcherqui. Elle cogne en caressant, s'énerve en souriant. Unique et rigoureusement multiple, elle administre les plus intenses claques d'humilité.
Belle jusqu'à son départ, elle montre la voie de la félicité. Avec l'homme de sa vie, de toute sa vie -le réalisateur et homme de théâtre Abderrahmane Khayat-, elle développe son art, fonde une famille et consomme librement son art : « Un couple fusionnel », insiste leur fille Yasmine, journaliste à la télévision canadienne depuis quelques années. Le cinéaste Abdelkrim Derkaoui nous en dit davantage sur ce tandem à la discrétion exemplaire. Il y cite son frère Mostafa, réalisateur d'exception : « Nous connaissons Naima, Mostafa et moi, depuis l'année 1964. Je ne peux pas penser à Naima sans parler de Abderrahmane Khayat. Cette année 1964, Abderrahmane rentrait de Paris où il venait de terminer ses études à l'IDHEC (Institut Des Hautes Etudes Cinématographiques), actuel FEMIS. Il nous a invités Mostafa et moi dans la villa qu'il avait louée à Rabat, et bien évidemment, Naima était déjà là et officiait avec brio l'assemblée. Elle devait avoir dans le temps à peine une vingtaine d'année. Je m'aventurerais de penser et oser dire que ces deux-là se sont donné rendez-vous pour vivre ensemble toute la vie avant de venir au monde. Il y avait ce jour-là plein de personnes que je ne pourrai toutes citer : de Ahmed Bouânani à Med Habachi en passant par Ahmed Naji et la liste est longue... Ce jour-là, Abderrahmane fêtait la fin du tournage de son premier long métrage qu'il avait intitulé ''Hadith Al Ajial''. Nous sommes partis en Pologne Mostafa et moi le 15 Septembre 1965. A notre retour sept années après, jour pour jour, le 15 Septembre 1972, Naima et Abderrahmane étaient encore et toujours là pour s'occuper de nous. Ils nous ont séquestrés chez eux pendant une dizaine de jours, durant lesquels ils nous instruisaient sur ce qu'il se passe dans le monde du cinéma et de l'audiovisuel chez nous. Ils nous énuméraient les gens avec lesquels nous serons amenés à travailler et tout le reste. Naima et Abderrahmane avaient à notre retour deux enfants : Hicham et Basma. Yasmine n'était pas encore née. Basma, petite, avait un cheveu sur la langue, qu'elle a toujours d'ailleurs, et nous raffolions l'entendre parler Mostafa et moi. Quand nous avons décidé de fonder une société de production, Mostafa a tenu à lui donner comme nom « Basma Films Productions ». Nous avons fait beaucoup de choses ensemble depuis. Mais, pour ne pas trop vous ennuyer, je tiens quand même à citer deux travaux très importants pour nous et qui nous tiennent à cœur. ''Les beaux jours de Chahrazade'' : Naima, Abdelwahab Doukkali et Farid Belkahia ont fait de ce film l'un des plus beaux films de la cinématographie nationale. Ils y étaient solidement secondés par Larbi Batma, Omar Sayed, Mohamed Miftah, Mohamed Khalfi et bien sûr la grande Meryem Fakhreddine. Ensuite ''Rue le Caire'' pendant lequel les pluies torrentielles et dévastatrices nous ont détruit tous les décors construits en extérieur, chose qui nous a demandé beaucoup d'efforts et de sacrifices pour arriver à le terminer. Là j'ai su et vu que pour ce faire, je devais cela en grande partie à l'immense résilience de Abderrahmane et à l'incommensurable patience de Naima ! » Avec élégance, elle passe aussitôt.

Fine comédienne
Généreuse, elle accepte en 1992 de donner un coup de pouce au jeune réalisateur Nabil Ayouch sur son troisième court métrage « Les pierres bleues du désert » qui révèle Jamel Debbouze que Naima appelle affectueusement « mon autre fils ». Le réalisateur Mohamed Abderrahmane Tazi qui engage Elmcherqui à quatre reprises (Badis, A la recherche du mari de ma femme, Lalla Hobbi, Les voisines d'Abou Moussa) consacre à la fine comédienne un long témoignage sur sa page Facebook (initialement destiné à nos colonnes) dont voici quelques extraits : « Il y a des acteurs et actrices qui vous marquent non seulement par leur jeu et leur talent artistique mais aussi par leur pouvoir de vous mettre à l'aise et qui créent un rapport d'amitié qui va au-delà des rapports de travail. Après mon premier film, un road-movie, un film basé beaucoup plus sur le voyage et les rencontres, vint le suivant, ''Badis'', un film d'acteurs et de situation. Lalla Naima y joue un rôle superbe et imposant de tenancière de café, un rôle magistral qui donne au film plus de consistance et de réalisme. Une première collaboration satisfaisante qui ne peut que se répéter. Ma fidélité aux comédiens et comédiennes est indiscutable et je ne pouvais imaginer d'autres films sans la participation précieuse, enrichissante de madame Elmcherqui (...) « A la recherche du mari de ma femme » en 1992, je retrouvais ma ville de Fès et sa vie quotidienne dans une famille d'un riche bijoutier marié à trois épouses. Encore une fois, la présence de Naima Elmcherqui s'imposait par ce pouvoir d'adaptation à des rôles les plus difficiles (...) Notre dernière collaboration dans le domaine cinématographique remonte à l'année 2003 avec le film ''Les voisines d'Abou Moussa''. Un rôle de reine qui ne pouvait être joué que par Naima Elmcherqui. Un rôle immense joué avec talent, profondeur, envergure et bienveillance. » Il dit, plus loin : « Lors du tournage de ''Lalla Hobby'', Naima Elmcherqui consacrait de son propre gré de longs moments avec les comédiennes débutantes en leur prodiguant conseils et encouragements (Samia Akariou jouait pour la première fois). N'est-ce pas là une philosophie de partage, de solidarité et d'entraide, innée chez Lalla Naima. Attitude généreuse et bénéfique. » C'est ce qu'on appelle également le renoncement de soi. Au théâtre, elle brille sous la direction de plusieurs metteurs en scène avec les pièces Moumou Boukherssa, Wali Allah, Derhem lahlal, Bent El Kharraz, Al khadimat ... A la télévision, outre les téléfilms, Elmcherqui présente entre 2000 et 2024 l'original programme culturel et éducatif « Alif Lam » produit par le dramaturge Mohamed Kaouti et diffusé sur la première chaîne. Sa filmographie, enviable à souhait (lire plus loin), laisse rêveur. Elle nous quitte, les yeux rivés sur nos larmes.
Nawfel Raghay (Ancien directeur de Cabinet du président de la HACA) : Neuf ans auprès de la comédienne à la HACA
Comme tous les Marocains de ma génération, je connaissais Lalla Naima Elmcherqui bien avant de la rencontrer en personne. Mais c'est au sein de la Haute autorité de la communication audiovisuelle (HACA) que j'ai eu la chance de la côtoyer de près, alors que j'étais jeune directeur de cabinet du président et qu'elle siégeait au Conseil. Travailler à ses côtés, pendant presque neuf années, c'était constater au quotidien cette bienveillance innée qui la définissait. Elle était la maman de tous, prête à plaider pour des circonstances atténuantes chaque fois qu'une sanction était envisagée. Ce qui rendait Naima unique, c'était sa capacité à allier humanité et intelligence pratique. Avec son engagement naturel d'ambassadrice de l'UNICEF, elle veillait avec un mélange de tendresse et de rigueur sur la protection du jeune public dans les médias audiovisuels.

Un vide énorme
Naima, c'était une actrice dans l'âme, et je ne parle pas seulement de ses talents devant la caméra. Je me souviens encore d'un séminaire international où, en pleine pause-café avec un représentant d'un pays non arabophone, elle m'a glissé un message urgent en arabe, tout en continuant à parler en français à notre interlocuteur. C'était du genre un mot en arabe adressé à moi tous les trois ou quatre mots en français adressés à notre interlocuteur, sans jamais briser le rythme de la conversation. Une prouesse ! Essayez donc de faire ça sans vous emmêler. Moi, malgré des années d'efforts, je n'ai jamais réussi à maîtriser cet art de la double conversation. Son départ laisse un vide énorme. Mes pensées accompagnent son époux, Ssi Abderrahmane Khayat, et ses enfants, particulièrement mon amie Yasmine, si proche de sa mère. Je revois encore la fierté dans les yeux de Lalla Naima chaque fois qu'elle parlait des dernières productions, et je dirais même des combats, de Yasmine pour la télévision. Que Dieu la reçoive en sa sainte miséricorde.
Mohamed Mouftakir (Mohamed Mouftakir est réalisateur et scénariste, auteur des longs métrages « Pégase », « L'Orchestre des aveugles » et « L'Automne des pommiers ») : Avec lui, Naima tourne son dernier long métrage
Une présence, une aura, un poids, une histoire, toute une histoire! Naima Elmcherqui est à la fois une actrice marocaine et l'histoire de l'art de l'interprétation au Maroc, elle porte en elle les deux à la fois et il est difficile de dissocier ce qu'elle incarne, d'abord en tant qu'actrice et aussi en tant que femme qui a accompagné l'histoire de l'art dramatique au Maroc, depuis ses tout débuts. Une femme qui porte en elle tous les personnages qu'elle avait interprétés et qui rêve d'interpréter.

Une histoire incontournable
Difficile de donner un âge à Lalla Naima Elmcherqui, car elle est nourrie de son histoire, riche et variée. J'ai eu le plaisir de travailler avec elle dans mon dernier film, « L'Automne des pommiers » qui n'est pas encore sorti en salle et dans lequel elle a eu le rôle principal. Elle était majestueuse, touchante, charismatique et très coopérante. Un rôle pour lequel elle a eu le prix de la meilleure interprétation féminine au festival du film arabe à Malmö. Naima va nous manquer, mais elle restera toujours présente parmi nous, par son âme généreuse et son histoire incontournable. Naima Elmcherqui, je t'aime, on t'aime, les Marocains t'aiment.
Quand on aime la vie, on va voir Elmcherqui au cinéma
Militante silencieuse de l'art qui l'habite, Naima Elmcherqui traverse avec un cœur grand comme ça les différents médiums de la l'interprétation. Chatouillante de justesse, elle marque, à chacun de ses passages, esprits et sensibilités. Cinématographiquement mais également à la télévision, Naima compte des participations à ampleur variante, dans des productions aussi marocaines qu'étrangères. En voici, en vrac, une énumération non exhaustive : La vengeance de Don Mendo, Casablanca nid d'espions, Noces de sang, 44 ou les récits de la nuit, Badis, La famille Ramdam, A la recherche du mari de ma femme (prix du meilleur premier rôle au festival du film national), Lalla Hobbi, Solomon, Un été aux hirondelles, Café de la plage, Et après ?, Allal Al Kalda, Taman Arrahil, Mauvaise foi, La grande villa, Une goutte d'huile suffit, L'Automne des pommiers (prix du meilleur rôle au festival international arabe de Malmö en Suède, Rue le Caire, Les beaux jours de Chahrazad ... L'automne des pommiers est son dernier rôle dans un long métrage réalisé en 2020 par Mohamed Mouftakir qui lui rend hommage dans la présente édition du Magazine de L'Opinion.


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.