Akhannouch reçoit le rapport annuel de l'Autorité nationale du renseignement financier    Chambre des conseillers : Adoption du projet de loi portant réorganisation du Conseil national de la presse    ONDA : Digitalisation du parcours passager à l'aéroport Mohammed V    Inondations à Safi : Lancement d'une étude visant à identifier les moyens de prévention    Conseil de gouvernement : Huit nouvelles nominations à des fonctions supérieures    CAN 2025 : Personne n'est tranquille, surtout pas les favoris    Alerte météo : Chutes de neige, fortes pluies et rafales de vent ce mardi et mercredi    Cancer du col de l'utérus : Baisse soutenue des taux d'incidence au Maroc    Santé : Akdital acquiert le leader tunisien Taoufik Hospitals Group    CAN 2025 : Huit personnes interpellées dans une affaire de marché noir de billets    Mobilité urbaine : Les chauffeurs de taxis au centre des réformes présentées par Abdelouafi Laftit    CA de l'Office du développement de la coopération : présentation des réalisations 2025    Industrie sidérurgique: Somasteel inaugure l'extension de son site de production    Espagne : Démantèlement d'un réseau de pilleurs de sites archéologiques    L'Alliance des Etats du Sahel lance sa Force Unifiée    Nouvelles idées pour une nouvelle ère : un nouveau chapitre dans la coopération scientifique et technologique dans le delta du Yangtsé    Intempéries dans le sud de la France : 30.000 foyers privés d'électricité    Compétitivité et solidarité, priorités de la Commission européenne en 2025    USA : le président Trump annonce une nouvelle classe de navires de guerre portant son nom    Trump met fin au mandat de l'ambassadrice Elisabeth Aubin à Alger    Gouvernance : la CNDP clarifie les fonctions de ses commissaires    Coupe d'Afrique des Nations Maroc-2025 : Agenda du mardi 23 décembre 2025    CAN 2025 : «Nous sommes contents d'être au Maroc» (Riyad Mahrez)    RMC Sport publie puis supprime un article polémique sur la cérémonie d'ouverture de la CAN    CAN 2025 : Les rumeurs sur l'expulsion de Kamel Mahoui démenties    Commerce extérieur : les échanges Maroc–Azerbaïdjan en hausse de 3,3% sur onze mois    Consumérisme : les mécanismes financiers manquent à l'appel (Entretien)    CAN 2025: «Estamos contentos de estar en Marruecos» (Riyad Mahrez)    Morocco's interior ministry launches strategic study to reform taxi sector    Températures prévues pour mercredi 24 décembre 2025    Jazz under the Argan Tree returns from December 27 to 29 in Essaouira    "Rise Up Africa" : un hymne panafricain pour porter l'Afrique à l'unisson lors de la CAN 2025    We Gonna Dance : Asmaa Lamnawar et Ne-Yo lancent un hymne dansant pour la CAN    RedOne célèbre le Maroc à travers un album international aux couleurs de la CAN    Revue de presse de ce mardi 23 décembre 2025    Statuts des infirmiers et TS: L'exécutif adopte une série de décrets structurants    CAN 2025 / Préparation : reprise studieuse des Lions de l'Atlas avec la présence de Belammari    Santos : Neymar opéré du genou avec succès    CAN 2025 au Maroc : résultats complets et calendrier des matchs    Pays-Bas : La chaîne TV Ziggo Sport à l'heure de la CAN Maroc-2025    CAN Maroc-2025 : l'OM dévoile des maillots en hommage aux diasporas africaines    Interpol annonce une cyberattaque de grande ampleur déjouée au Sénégal    Laftit/vague de froid : environ 833.000 personnes ciblées cette saison hivernale    CAN Maroc-2025 : "AFRICALLEZ", l'hymne de l'Unité    Netflix dévoile un premier aperçu de Mercenary, série dérivée d'Extraction, tournée en partie au Maroc    Le premier teaser de The Odyssey révélé, avec des scènes tournées au Maroc    Le troisième Avatar se hisse en tête du box-office nord-américain dès sa sortie    Cold wave : Nearly 833,000 people affected by national plan    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Salim Jay : Une photographie de Farid avec Mohamed Choukri
Publié dans Le Soir Echos le 15 - 03 - 2010

C'est une petite photographie prise en polaroid dans un café de Rabat, il y a une bonne vingtaine d'années. Mohamed Choukri est assis devant un verre de «Stork». Choukri et Farid, mon frère jumeau, sont côte à côte. L'auteur du Pain nu a la main droite posée sur l'épaule de Farid. Tandis que mon frère semble fixer le photographe d'un air surpris, Choukri a le regard de quelqu'un qu'on n'aura pas. Les deux amis protestent de leur bonne foi. Farid n'a pas encore commencé de boire le verre de lait qu'il tient dans la main. Choukri lisait volontiers les poèmes que Farid publiait dans un quotidien. 
L'un d'eux, en 1981, s'intitulait Dans les coulisses de l'oubli :   «Je me souviens, écrivait-il, d'un jardin où sur un banc s'échouait le fracas des rêves. Nous étions assis dans l'improbable (…) Façades frisées de mémoire, ébullition de pupilles, cils des remords que la terre étourdit.»  
Le chagrin de la disparition de Mohamed Choukri nous laissa quelque peu interdits. J'entendais dans le texte de Farid sa quête obstinée d'images, de suggestions ineffables. Barthes, cité par le «Robert» disait : «On se débarrasse des intellectuels en les envoyant s'occuper un peu de l'émotion et de l'ineffable» 
Poète, Farid avait le sens et le goût du beau.
Quelques-uns de ses textes ont paru dans un petit volume tiré à cinquante exemplaires aux éditions Le Vieux logis (Longué, France) à l'initiative de Daniel Couturier qui remarque en couverture :
«La puissance de transformation de la poésie n'abolirait-elle pas les limites du possible ? 
C'est à ce ferme et insaisissable espoir que Farid Jay semble s'accrocher» Farid , hélas, décéda en mai 2008. Il avait pignon sur une rue intérieure où la poésie  coule de source. Je lui avais demandé de me raconter une anecdote qu'il tenait de Choukri. Après réflexion, il se lança : «Choukri m'a raconté un jour avoir dit à quelqu'un qui voulait lui emprunter Histoire de la folie de Michel Foucault : «Si tu veux de ce livre, il faut me donner 100. 000 francs. Sinon, tu repartiras les mains vides».  
   Quand manque quelqu'un comme Mohamed Choukri, un sentiment d'immense tristesse fond sur vous, les premiers jours, avant que cette tristesse ne se résolve en chagrin. «La vie m'a blessé, elle me caresse désormais», nous disait-il à Tanger en janvier 2003. La caresse a fulguré en plusieurs cancers…
Je pense à Farid plus souvent qu'à Choukri, mais j'aime songer à ce que furent leurs rencontres.
Resongé à l'auteur du Pain nu en voyant  l'adaptation théâtrale de Tristessa  de Jack Kerouac avec Francis Arnaud. Choukri avait connu Kerouac à Tanger. Tristessa  parle d'une femme, au Mexique, et d'un homme hanté par cette femme. Il y a quelques années,  j'écoutais ce monologue en compagnie d'un jeune comédien marocain si populaire que, dans tous les quartiers de Paris, nous ne pouvions faire deux cents mètres sans que des Marocains ne le saluent, des sourires plein les yeux. Abdessamad Miftah El Kheir me disait : «Quand je lis Le Pain nu, je me dis que Mohamed Choukri a déclaré sa pauvreté pour montrer sa richesse.»
Cette richesse faite de liberté abrupte, c'est le cadeau inestimable de Mohamed Choukri aux lecteurs de langue arabe ou de chacune des trente neuf langues en lesquelles il a été traduit. Arquebusier du véridique, il scandalisait les bien-pensants et épatait les autres.  Il apportait une brassée d'expériences où la déroute côtoie le triomphe, Mohamed Choukri ne cessera de prendre ses lecteurs à témoin de sa passion d'homme libre.
 Le ton inimitable du promeneur dans son labyrinthe tangérois produira longtemps son effet de douleur exquise à la lecture du roman Zoco Chico qu'un jeune éditeur belge révéla en français, en 1995, dans une traduction de Mohamed El Ghoulabzouri. Le charme de la langue arabe dont use Mohamed Choukri, rythmée, vivante, vibrante, chaque mot avançant comme un pion offensif, chaque mot nécessaire contribuant à l'emporter haut la main, je l'entends encore tel que Miftah El Kheir m'en fournissait la preuve en lisant Choukri à haute voix, comme on salue haut et fort.


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.