Au moment où le Maroc entamait un timide rapprochement avec l'Union africaine, celle-ci vient de changer de chef. L'élection de la Sud-africaine Dlamini-Zuma marquera-t-elle un arrêt de ce rapprochement ? Décryptage. La Sud-africaine Nkosazana Dlamini-Zuma a pris les rênes, dimanche dernier, de l'Union africaine. En janvier dernier, le fraîchement nommé ministre des Affaires étrangères et de la coopération venait d'effectuer un de ses tous premiers déplacements, et avait choisi comme destination la capitale éthiopienne et siège de l'organisation de l'Union africaine (UA), Addis Abeba. Comme tout le monde le sait, le Maroc est le seul pays africain à ne pas faire partie de l'Union africaine, dont il est pourtant membre fondateur. Depuis le déplacement d'El Otmani, certaines voix s'étaient élevées pour demander le retour du royaume dans l'organisation continentale, à l'image du président burkinabé Blaise Compaore, qui avait eu un entretien avec le Chef de la diplomatie marocaine alors que se tenaient dans la capitale éthiopienne les travaux de la 18e réunion des chefs d'Etat de l'UA en janvier dernier. « Le Burkina Faso estime nécessaire le retour du Maroc au sein de l'Union africaine et se propose de jouer un rôle à ce sujet », avait d'ailleurs déclaré El Otmani à la suite de l'audience que lui avait accordée Compaore. Il n'en fallait pas plus pour que la presse marocaine commence à spéculer sur un éventuel retour du Maroc au sein de l'UA. Toutefois, Il subsiste un obstacle de taille à la réintégration du Maroc : la présence de la République arabe sahraouie et démocratique (RASD). Un axe d'influence hostile Les rapports de force ont récemment changé au sein de l'organisation africaine. Alors qu'elle était présidée par le Gabonais Jean Ping, ressortissant d'un pays très proche diplomatiquement du Maroc, voilà que l'Union africaine a récemment changé de main, et c'est la Sud-africaine Nkosazana Dlamini-Zuma qui en a pris les rênes, dimanche dernier, suite à une lutte acharnée entre Jean Ping et l'ancienne Chef de la diplomatie sud-africaine sous l'ère Thabo Mbeki. L'Union africaine n'a pas seulement choisi un nouveau président, elle a surtout radicalement changé d'axe d'influence, aux dépends des pays francophones, généralement alliés du Maroc. À contrario, l'Afrique du Sud, et avec elle toute la communauté anglophone, est plutôt hostile au Royaume. Ses positions hostiles à l'intégrité territoriale du Maroc sont notoirement connues. Pour Abdelhafid Oualalou, vice-président de l'Institut marocain des relations internationales (IMRI), il est clair que « ces élections dérangent les observateurs marocains, d'autant plus que l'Afrique du Sud nourrit des ambitions considérables au sein des grandes instances internationales », concédant que sous l'ancien président Jean Ping, « celui-ci était plus disposé à écouter les doléances du Maroc, ajoutant au fait que le président gabonais Ali Bongo est un grand ami du royaume ». Des canaux diplomatiques parallèles L'élection de Dlamini-Zuma n'a tout de même pas été de tout repos. « La campagne électorale était très acharnée. L'Afrique du Sud a mis le paquet, et certains observateurs ont même parlé de menaces », précise Oualalou. L'ex-femme du président Jacob Zuma en aura pour cinq ans à la tête de l'UA. Est-ce à dire que le Maroc doit cesser sa politique de rapprochement envers l'organisme africaine ? Dans tous les cas ce sera moins aisé. Mais pour Oualalou, les choses ne seront pas si simples pour les Sud-africains. « Même si les anglophones l'ont emporté lors de cette élection, les pays francophones vont tout faire pour faire valoir leurs positions. », souligne Oualalou, avant d'ajouter que « la division entre un axe francophone proche du Maroc et un autre anglophone proche de l'Afrique du Sud va demeurer tant que les positions politiques diffèrent ». D'autre part, se sachant exclu de l'instance africaine, le Maroc a depuis longtemps développé d'autres canaux diplomatiques envers les pays africains. Désormais second investisseur africain dans le continent, derrière l'Afrique du Sud, le Maroc pourra encore compter sur ses nombreux alliés, notamment des pays d'Afrique de l'Ouest, tandis que l'influence marocaine dans la région se fait encore sentir, comme le précise Oualalou. « Avec la disparition de Kadhafi, l'influence du Maroc se fait davantage sentir, notamment au Sahel avec la crise malienne », conclut notre expert. Avec la résolution du conflit du Sahara qui tarde à voir le bout du tunnel, le Maroc aura désormais la lourde tâche de contrer une Afrique du Sud de plus en plus envahissante. * Tweet * * *