Voix envoûtante et port de reine, symbole d'une musique innovante, à la croisée entre folklore et musique du monde, l'inimitable Fayrouz est plébiscitée icône du monde arabe. La diva au festival de Beiteddine, dans la région du Chouf, le 31 juillet 2001. Cette chanteuse au parcours hors du commun, à la voix puissante est un pilier de la chanson arabe, depuis les années cinquante. Au Liban, on ne peut parler de Fayrouz sans évoquer « l'école Rahbani», ou le théâtre Rahbani, porteuse d'une poésie subtile, et dont le romantisme exacerbé n'exclut pas des thèmes socio-politiques allant de la passion pour la patrie, les déchirures de la guerre ou la conjoncture arabe dont la commémoration de la ville de Jérusalem. à guichets fermés Tout commença dans les années 50 lorsque la talentueuse chanteuse rencontre Assi Rahbani, compositeur émérite, et son frère Mansour Rahbani. Repérée par le duo, elle devient leur muse, leur compagne, le porte-voix de leur lyrisme et l'héroïne de leurs spectacles. S'ensuit pour le trio une série d'opérettes, de comédies musicales, de films et d'albums qui les propulsent au sommet de la gloire. Têtes d'affiche des festivals-phares du Liban, dont Baalbek et Beitedinne, ils interprètent, à guichets fermés, leurs plus beaux triomphes. Parmi leus grands succès, la comédie musicale en quatre actes « Al Ballbakieh » (la Baalbakiote) en 1961, où Fayrouz chante des mélodies andalouses puisées de la musique classique occidentale. En 1962, « Jisr el Kamar » (le pont de la lune) est traversé d'une musique expressive et dramatique. En 1964, le trio joue « Bayya'a el khawatim » (Le vendeur de bagues) au festival des Cèdres, pièce qui sera adaptée au cinéma et qui constituera le premier maillon d'une chaîne de films où la diva tient les rôles principaux. En 1967, sort la deuxième production cinématographique « Safar barlik » (L'exil) qui relate un pan de l'histoire du Liban, celle de l'occupation ottomane. L'opus est suivi en 1968 de « Bint el hariss» (la fille du garde), autre succès phénoménal qui traite des délicates questions du chômage et de l'adultère dans le cadre d'un petit village libanais. L'ère Ziad Rahbani En 1975, la guerre civile éclate au Liban pendant que les frères Rahbani et Fayrouz jouent leur comédie musicale à succès « Mays Er-rim ». En 1977, les frères Rahbani composent « Pétra», dernière comédie musicale qui les unit à leur muse. En 1978, Fayrouz et les Rahbani présentent un concert au London Palladium, et l'année suivante leur dernier concert commun à l'Olympia de Paris. L'année 1979 qui vit la séparation du trio artistique Fairuz-les frères Rahbani, vit aussi naître sa première collaboration avec son fils Ziad Rahbani, dans l'album « Wahdoun » (seuls). Cet artiste rebelle et décalé, auteur de pièces de théâtre hilarantes et mordantes qui ont marqué l'âge d'or du théâtre libanais, signe pour sa mère des arrangements jazzy et des textes osés et innovants, qui tranchent avec les ballades romantiques chantées auparavant par la diva. Un choix assumé par la chanteuse, qui déclenche cependant une querelle des « anciens » et des « modernes », et une vague de protestation de la part de ses fans. S'ensuivent d'autres albums en collaboration avec son fils dont les hétéroclites et jazzy « Maarefti fik » et « Wala kif », et le dernier « Fi amal ». Après la mort de Assi en 1986, Fayrouz est nommée commandeur des arts et des lettres par le ministre de la Culture française de l'époque, Jack Lang, lors d' un concert-évènement au Palais Omnisports de Paris-Bercy, accompagnée de son fils. En 1998, elle reçoit la Légion d'honneur à Beyrouth. Des tournées triomphales Dans les années 2000, la chanteuse enchaîne une série de concerts avec l'orchestre symphonique d'Erevan, sous la direction de Karen Durgaryan. En 2010 et après quatre années de rupture, Fayrouz se produit au Biel pour le lancement de son nouvel album « Eh fi amal », orchestré, une fois de plus, par son fils. En juin 2011, la légendaire chanteuse investit majestueusement la scène du théâtre Royal Carré à Amsterdam, se pliant aux demandes des organisateurs, avec une aura toujours intacte. Adulée par tous, Fayrouz n'était pourtant pas une femme heureuse. De nature réservée, elle était souvent dépassée par son train de vie frénétique, et par les exigences des deux monstres sacrés, les Rahbani. Elle était surtout frappée de plein fouet par la mort de sa fille, et les années de guerre où l'art devenait denrée rare, et où militer pour une musique engagée et une renaissance artistique était un devoir national. Un mérite qui a largement contribué au raz-de-marée incontestable, qui l'a hissé au rang de légende. * Tweet * * *