Appelé par l'opposition à combler les trous financiers de la Caisse de compensation en puisant dans le fonds pour l'investissement (188 MMDH), Abdelilah Benkirane refuse et maintient la hausse des prix du carburant. «Sur les 190 milliards de dirhams consacrés à l'investissement, aucun centime n'en sera dépensé à ce stade de l'année budgétaire. D'ici le mois de décembre, je suis absolument certain que vous n'en aurez utilisé que 100 millions de dirhams tout au plus ». Le député de l'USFP Abdelali Doumou se dit convaincu que le gouvernement a commis une erreur en optant pour l'augmentation des prix du carburant. Mauvais choix A l'occasion de la séance mensuelle des questions orales sur la politique publique à la Chambre des représentants, Abdelali Doumou a tenté de convaincre le chef du gouvernement, Abdelilah Benkirane, que son choix n'est pas opportun en ce moment précis. Le groupe socialiste a été très critique vis-à-vis de la décision d'augmentation des prix du carburant que le député Abdelhadi Khairat trouve même « incompréhensible »: « Près de 63 % du parc automobile au Maroc utilisent le carburant de l'Etat (…). Pourquoi alors ne pas puiser les fonds nécessaires dans le budget de l'investissement ? Il n'est exécuté qu'à 55 % ! », s'exclame-t-il, accusant le gouvernement «d'unilatéralisme » et de vouloir éviter d'autres voies « plus efficaces », dont celle de l'impôt sur la fortune. « Au lieu de cela, vous proposez une aide aux démunis à qui vous demandez d'ouvrir des comptes. Sachez que tout le monde a exécuté votre ordre et attend votre aide », lance Khairat à Benkirane. A l'opposition comme chez la majorité, la décision du gouvernement ne suscite pas l'unanimité. L'impact et les conséquences de l'augmentation à long terme préoccupent les députés pour qui le Maroc pourrait bien connaître de nouvelles vagues de colère. « La hausse des prix, c'est aussi la croissance des turbulences sociales. Nous avons, à ce propos, des échos de plusieurs régions du Maroc », met en garde Abdellatif Wahbi qui préside le groupe PAM à la Chambre des représentants. Pour prévenir une telle situation, le RNI demande tout simplement au gouvernement de revernir sur sa décision, alors que PJD appelle à une meilleure rationalisation des dépenses de l'Etat et le renforcement du contrôle du marché. Benkirane d'un autre avis Pour Abdelilah Benkirane, il est hors de question de toucher au budget de l'investissement. Ce sera, pour lui, courir le risque de perdre la confiance des hommes d'affaires. « Je veux maintenir un climat de sérénité », assure-t-il estimant qu'à l'heure actuelle 55 % du budget ont été utilisés. « 105 conseils d'administration ont été tenus de janvier à mai de cette année, 100 MMDH ont été approuvés dans le cadre de leur budget financier, dont 17 % ont déjà été mis en œuvre », précise Benkirane. Aux yeux de ce dernier, le Maroc vient de dépasser une crise et pour ne pas en connaître d'autre, l'investissement reste capital. « Nous voulons améliorer l'accès des investisseurs au secteur de l'immobilier, leur faciliter les procédures administratives et leur offrir même des terrains gratuitement, à la seule condition qu'ils n'en fassent pas l'objet de spéculations », déclare le chef du gouvernement. Et d'ajouter que l'Etat s'engage à ne plus être « mauvais payeur ». Face à cette dynamique économique que souhaite Benkirane, revenir sur la décision d'augmentation du prix du carburant n'est pas admissible. Malgré la baisse du prix du baril de pétrole, cette possibilité n'est pas envisageable, car, l'essentiel, pour le chef du gouvernement, est de compenser les énormes trous financiers de l'Etat. « Nous avions d'ailleurs acheté le pétrole cinq mois avant la baisse de son prix », tient-il à faire remarquer soulignant qu'il n'y a pas de moment opportun pour faire ce genre de choix. « Ce serait quand selon vous ? », demande-t-il aux députés. « Nous avions comme prévision que le baril du pétrole atteigne 100 dollars et le budget de l'Etat a donc été établi sur cette base. Mais lorsque ce prix a dépassé les 117 dollars au cours des cinq premiers mois, l'Etat a dû payer, pour chaque dollar de plus, 600 millions de dirhams. Au bout du compte, la compensation, qui totalisait 48,8milliards de dirhams, a consacré 41 MMDH rien que pour le pétrole », rappelle Benkirane. Le prix de la confiance Annonçant la libéralisation graduelle des prix, Abdelilah Benkirane s'est dit convaincu que les citoyens « continuent à faire confiance au gouvernement ». Il en donne comme preuve l'indifférence à l'égard des récentes manifestations. « Toutes les tentatives de manifestations n'ont pas été suivies. Les Marocains savent que nous agissons en leur faveur », lance Benkirane. Et de préciser que l'impact minime de cette augmentation, évalué par le gouvernement à quelques centimes, ne mérite aucunement « la révolte populaire ». * Tweet * * *