Des liens très étroits (Françafrique) ont toujours existé entre la France et certains chefs d'Etat africains notamment francophones. Nicolas Sarkozy avait promis de mettre fin à ces liens occultes, mais sans résultats. François Hollande incarnera-t-il la rupture ? Les explications de Alain Antil, chercheur et responsable du Programme Afrique subsaharienne de l'Institut français des relations internationales (Ifri). « Il y a dans les pays africains francophones d'Afrique subsaharienne une relation ambivalente vis-à-vis de Paris », Alain Antil (en médaillon) . La politique étrangère et notamment les relations avec l'Afrique ont quasiment été absentes de la Présidentielle. Pourquoi ? Les questions de politiques étrangères sont généralement peu abordées dans les campagnes électorales, en particulier la Présidentielle. La campagne a été focalisée sur le bilan du président sortant et sur le mode d'intégration du pays dans la mondialisation. Les questions africaines n'ont pas été abordées parce que ce n'est pas sur ces questions que les électeurs déterminent leur vote. A votre avis, les Africains attendent-ils encore quelque chose de la France compte tenu de la politique africaine menée ces cinq dernières années par Nicolas Sarkozy ? Je ne saurais répondre à la place des africains et de surcroît je doute qu'ils soient tous du même avis. Il y a encore une sphère d'influence française sur le continent et c‘est évidemment une zone, je parle essentiellement de l'Afrique francophone, où l'on suit de près la vie politique française. Malgré des crises, malgré une différenciation des partenaires économiques et politiques des pays africains, la France pèse encore sur le continent, elle est très souvent à la pointe sur les dossiers africains dans des instances comme l'UE ou l'ONU. Il y a dans les pays africains francophones d'Afrique subsaharienne une relation ambivalente vis-à-vis de Paris, les mêmes qui aujourd'hui interprètent l'absence d'intervention de la France au Mali, l'expliquant au mieux comme un lâchage, au pire comme un complot contre le pays, auraient été les premiers à protester et à qualifier de néocoloniale toute démarche française volontariste. Et la Françafrique ? qu'en dites-vous ? La Françafrique n'a pas disparu, mais elle s'est étiolée et effilochée depuis les années 80, avec la disparition, côté africain comme côté français, de ses acteurs les plus efficaces. Elle continuera lentement à décliner car côté français, ce sujet est devenu très dangereux politiquement. Je cite les déclarations de Robert Bourgi dans le livre de Pierre Péan, et dernièrement le débat autour des articles du magazine Mediapart sur l'hypothétique aide au financement de la campagne de 2007 du candidat Sarkozy par de l'argent venu de Libye. Côté africain, la démocratie fait malgré tout des progrès et de plus, les pays du continent ne sont plus dans un tête-à-tête avec l'ancienne métropole coloniale, grâce à l'arrivée de nombreux nouveaux partenaires : pays émergents mais aussi de nombreuses institutions multilatérales. Evidemment, c'est une constatation globale qu'il faut nuancer selon les pays, qui tous ont une histoire particulière avec leur ancienne métropole. Quelle sera, selon vous, la politique africaine de la France pour les cinq prochaines années, notamment concernant le Maghreb, une région en pleine mutation ? Les contraintes budgétaires fortes qui pèsent sur la France compromettent l'idée d'une augmentation spectaculaire des aides publiques au développement. On pourrait imaginer tout de même à un recentrage de cette aide vers l'Afrique subsaharienne et je pense qu'il y aura un effort tout particulier envers le Sahel, zone aux portes du Maghreb et donc de l'Europe. Le président François Hollande, si d'ailleurs il obtient une majorité à l'assemblée nationale, souhaitera normaliser les relations avec les pays du pré-carré, mais il butera, comme son prédécesseur qui avait annoncé une rupture dans ce domaine, sur un certain nombre de réalités, en particulier en Afrique centrale. * Tweet * * *