Eneko Landaburu, ambassadeur, chef de la délégation de l'Union européenne au Maroc, a opéré, pour la première fois, une visite dans les locaux de Transparency Maroc. Deux des principales initiatives de l'ONG sont en effet cofinancées par l'Union européenne. De gauche à droite : Saddouq (SG), Fouad Zirari (Observatoire), Mohammed Ali Lahlou (Directeur du CAJAC), et Eneko Landaburu. Les locaux du siège de Transparency Maroc ont reçu la visite, hier, du chef de la délégation de l'Union européenne au Maroc Eneko Landaburu. Celui-ci est venu s'enquérir de l'état d'avancement de deux projets de l'ONG marocaine, cofinancées par l'Union européenne à hauteur de 92 %. Les CAJAC dans les régions Le premier est celui des Centre d'assistance juridique anti-corruption (CAJAC). Après n'avoir été présents qu'à Rabat, ces centres d'écoute et d'assistance aux personnes victimes ou témoins de corruption ont ouvert ces derniers mois, des bureaux à Fès et Nador. Malgré la présence de ces centres, « nous recevons peu de visites de personnes venant porter plainte. Les plaintes se font en grande majorité par téléphone, via notre numéro vert », explique une jeune juriste, qui opère au CAJAC de Rabat. Un souci d'anonymat toujours présent, même si le dénonciateur est convaincu du bienfait de son acte. 583 plaintes en 2011 Malgré la présence de ce numéro vert, les CAJAC ne sont pas encore assez connus par le citoyen marocain. « Lorsque nous leur demandons comment ils ont appris l'existence du numéro vert, nos interlocuteurs citent pour la plupart les spots de sensibilisation qu'ils écoutent à la radio ». Une augmentation du nombre de plaintes a cependant été enregistrée depuis la mise en place des CAJAC. En 2011, 583 plaintes ont ainsi été comptabilisées. A la question de savoir quels sont les domaines dans lesquels la corruption fait le plus de dégâts, les études statistiques réalisées par le CAJAC ont permis de faire ressortir un classement des domaines les plus corrompus. « Les collectivité locales sont en tête », nous signale Mohammed Ali Lahlou, directeur du CAJAC. « Nous recevons beaucoup de plaintes concernant la gendarmerie royale et la police », ajoute une jeune juriste travaillant au CAJAC de Rabat. Observatoire ouvert aux chercheurs La seconde initiative cofinancée par l'Union européenne, dont le siège est d'ailleurs situé deux étages au-dessous des locaux de Transparency Maroc, est celle de l'Observatoire de la corruption. Dans une salle, les chevilles ouvrières de l'association sont en train d'éplucher la presse nationale du jour, « afin de rédiger la revue de presse hebdomadaire, publiée tous les lundis », comme nous l'explique Fouad Zirari, directeur de l'Observatoire de la corruption. L'Observatoire est également un lieu ouvert, où des chercheurs et des stagiaires du Maroc mais aussi d'autres pays viennent consulter des publications en lien avec la lutte contre la corruption. Deux initiatives qui souhaitent devenir, d'après la délégation de l'UE au Maroc, « des moteurs de mobilisation, d'information et de sensibilisation auprès des citoyens, et une force de proposition auprès des autorités publiques ». Trois questions à… Eneko Landaburu, ambassadeur, chef de la délégation de l'UE au Maroc « Il faut plus de moyens » Qu'avez-vous tiré de cette première visite au CAJAC de Rabat, ainsi qu'à l'Observatoire de la corruption ? Mes premières impressions sont positives et je suis très fier que l'Union européenne finance en grande partie une initiative qui vise à apporter à toutes les personnes qui subissent ou qui sont témoins de cas de corruption, une assistance juridique pour lutter contre les corrupteurs. Il n'y a pas de société démocratique qui fonctionne sans une transparence, et sans une lutte contre la corruption. La corruption est donc un très grand frein au développement du Maroc ? C'est un mal très grand qui ne donne pas la sécurité juridique aux agents économiques qui veulent contribuer à la croissance et à l'emploi. Elément essentiel pour l'avenir de ce pays. Et nous savons tous qu'il n'y aura pas de politique sociale digne de ce nom s'il n'y a pas de croissance et d'emploi. S'il y a moins de corruption, il y aura plus d'investisseurs. Il n'y a pas de démocratie qui fonctionne sans que le citoyen sente qu'il est en sécurité. Qu'il n'est pas tributaire de la corruption pour être protégé par la justice, pour avoir accès à des soins adéquats et avoir un bon dialogue avec l'administration. Au regard de ce que vous avez observé durant votre visite au Maroc, que reste-t-il à faire pour freiner cette corruption ? Il manque probablement des moyens importants, parce que c'est un thème extrêmement vaste, et qui touche à beaucoup de domaines. Il faut que ce CAJAC, par exemple, soit mieux connu par les citoyens, que plus de personnes qui subissent la corruption, puissent avoir accès à ce moyen. Les campagnes radiophoniques ne suffisent pas toujours. Il faut que le CAJAC, comme l'Observatoire, aient plus de moyens. Mais l'important, c'est que cela existe. On construit une démocratie sur la base de ce qu'on a.