Le siège de l'UMT à Rabat a été, vendredi, le théâtre d'un incident peu attendu par les syndicalistes. Vers 10h, un groupe de syndicalistes allaient investir les lieux pour ensuite procéder à la condamnation de la porte principale du bâtiment. Selon un membre de l'UMT ayant requis l'anonymat, « Ce sont Nourredine Soulaik, membre du secrétariat national de l'UMT, et ses acolytes qui sont derrière cet incident. Ils ont changé des serrures de portes et ont invité les militants du bâtiment à quitter les lieux. Les slogans qu'ils scandaient étaient dignes de vrais Baltajias… ». Pour Khayrallah Saïd, membre du commission administrative de l'UMT-Rabat, « ces personnes subversives ont agité les syndicalistes de plusieurs secteurs pour avorter le conseil régional de l'UMT car au sein de ce dernier ils n'ont jamais pu rassembler de majorité ». D'après cette même source, ce problème interne date depuis plus de 20 ans et « c'est toujours les démocrates qui triomphent sur les symboles de la prévarication. » Dimanche, dans la matinée une manifestation a été organisée par les syndicalistes adhèrents de l'UMT-Rabat, devant le siège de ce dernier, afin de protester « contre ces agissements injustes, illégaux et anti-démocratiques ». Des politiques jouent les syndicalistes… Il n'a pratiquement jamais existé au Maroc de frontières entre l'action syndicale et l'action partisane. « Depuis la naissance le 20 mars 1955 de l'UMT, premier syndicat marocain, et jusqu'à aujourd'hui, tous les problèmes sont liés à la notion de Démocratie syndicale. Les syndicalistes, très mitigés par cette notion, ont cherché petit à petit à se détacher de cette centrale de l'UMT pour créer d'autres organisations syndicales, mais surtout pour créer des syndicats issus de leurs propres idéologies purement politiques », explique le syndicaliste Ahmed Dadsi. Si ce dernier rattache le problème des centrales syndicales à leurs orientations politiques, Mohamed Darif admet cette logique là mais tient à souligner qu' « il ne faut pas faire l'amalgame entre un syndicat qui se soumet à un parti politique et un syndicat libre de tout parti politique. L'UGTM appartient à l'Istiqlal, le FDT à l'USFP, la CDT au Parti du Congrès National Ittihadi (PCNI) et l'UNMT au PJD. ». Le grand malentendu vient donc des différentes idéologies politiques qui tentent de remporter au sein d'un même syndicat la plus grosse part du gâteau. « Au sein des syndicats, nous trouvons fréquemment un parti qui cherche à assujettir la centrale syndicale. C'est la norme. Le cas contraire est très rare et c'est l'exemple de la CDT qui est plus forte que son parti », analyse Darif. Et d'enchaîner : « Il ne faut pas trop s'inquiéter car la crise qui frappe les syndicats n'est pas d'ordre conjoncturel mais structurel puisque depuis plus de 50 ans, c'est les mêmes maux qui se reproduisent. Il y a une culture politique au sein des centrales qui ne croient pas à la Démocratie tout simplement ! ». Le Cas de l'UMT Sur les 32 centrales syndicalistes existantes au Maroc, les partis politiques ont eu du mal à démystifier les fondements de base de l'UMT. C'est parce que cette dernière, depuis des années, avait comme crédo « la politique du Pain et l'indépendance politique. Même si les responsables de cette centrale ont été les premiers à créer l'UNFP (Union Nationale des Forces Populaires), l'UMT s'est toujours battu pour rester intact et apolitique. », précise Dadsi. L'UNFP qui avait fait scission avec l'Istiqlal en 1959 avait d'autant plus au sein d'elle, deux clan-tendances. « La première était dans une logique de valeurs syndicalistes apolitiques et de lutte pour le pain. La seconde optait pour la tendance des réformes radicales mais aussi démocratiques. », analyse Dadsi. Le politologue Darif et le syndicaliste Dadsi sont d'accord pour affirmer l'existence de syndicats dont les problèmes demeureront sempiternels. « C'est le cas aussi chez les partis politiques comme le RNI, l'Istiqla et l'USFP », compare Darif. Pour ce dernier, il n'est pas facile de sortir des crises engendrées aux seins des syndicats car il faut commencer par « démocratiser la prise de décision syndicale et assurer l'alternance car elle n'existe pas. Sommes-nous face à une élite ou à des défendeurs de la classe ouvrière ? », s'interroge Darif. Pour Dadsi, la solution de ce type de crise réside dans un rajeunissement des instances même des syndicats. « Il faut ouvrir les centrales aux nouvelles générations afin de les voir lutter pour la défense des droits des ouvriers qui se détériorent de génération en génération. Ceci dit, l'action syndicale peut s'attendre à un avenir meilleur, car l'Etat cherche de plus en plus à faire émerger les entreprises. Il faut par contre ouvrir d'urgence le dialogue avec les principales centrales syndicales et le gouvernement afin de mettre en application le code du travail qui n'est pas totalement respecté. », conclut Dadsi.