Un accouchement dans la douleur. Ainsi pourrait-on décrire le retard pris jusqu'à présent dans la mise en place du budget 2012. « Les grandes orientations ont été entérinées lors de la tenue, dernièrement, des conseils du gouvernement et des ministres. Reste alors un travail d'adaptation technique et d'actualisation avec les nouvelles donnes, que ce soit du marché international ou du marché national », justifie Nizar Baraka, ministre de l'Economie et des Finances, lors d'une rencontre sur l'exécution de la loi de finances 2011, au siège de son département, lundi à Rabat. Attentisme Les nouvelles donnes ne sont rien d'autres que la récession qui touche de plein fouet la zone euro et ses effets directs et indirects, ainsi que le retard des pluies et surtout la vague de grand froid qui s'abat sur notre pays. De quoi perturber les calculs du nouveau gouvernement qui a tablé sur une croissance de 4,2% durant l'exercice en cours. Cependant, la présentation de Driss El Azami El Idrissi, ministre auprès du ministre de l'Economie et des Finances chargé du Budget, porte à croire que l'économie nationale se porte bien. Et lorsque nous lui adressons notre question concernant le retard pris au niveau de l'adoption du projet de loi de Finances, il nous rétorque même: « Qui vous a dit que nous sommes en retard ? ». A vrai dire, les effets d'un tel retard se sont traduites, quoi que l'on puisse en dire, par un manque à gagner pour l'économie qui reste in-quantifiable jusqu'alors. L'attentisme qui a prévalu ces derniers mois et qui prévaut encore, pour reprendre les propres termes de Baraka, ne manquera certainement pas d'impacter à la baisse le flux des investissements directs étrangers (IDE). Voilà un signe qui renseigne sur le tableau de bord. Parler donc d'un scénario prévisible d'année blanche n'est donc pas un abus de langage: le temps que prendra le dépôt du projet de loi au parlement (fin février au meilleur des cas) et le vote final nous ramène à la mi-avril-Mai, soit pratiquement à la moitié de l'année en cours. Plus encore, même les touches finales à apporter au projet de budget ne sont encore en vue. Et pour preuve, même l'appellation du Fonds de solidarité, inscrit dans le cadre de la réforme de la caisse de compensation et tant attendu, n'est pas encore définitive, comme l'atteste Baraka. Sans parler du budget exact alloué, des sources de financement et des critères d'éligibilité, d'autant plus que les laissés pour compte sont légion. « Pour ce qui est des sources de financements, nous y travaillons d'arrache-pied. La nouvelle formule consiste en effet à une contribution sectorielle solidaire par rapport à des critères objectifs », explique El Idrissi. Ajoutant qu'il ne s'agit en aucun cas de stigmatiser certains secteurs. Une question d'agenda Alors que l'on s'attendait à une réforme fiscale en mesure de conforter le porte-monnaie du citoyen-client et la trésorerie des entreprises citoyennes, l'argentier du royaume, au lieu d'avancer des mesures qui soient chiffrées et concrètes, préfère plonger dans un discours purement politicien : « activer l'efficience et l'efficacité de l'administration fiscale ». Toujours au sujet du retard pris, ce dernier n'est-il pas la conséquence, entre autres, des conflits surgis en matière de répartition des attributions des départements ministériels ? « Non », tranchent les deux ministres. El Idrissi fait savoir que si retard il y a au niveau de la répartition des attributions, ce n'est que la résultante d'une question d'agenda. Autre signe inquiétant, le déficit record de 6,1% au terme de l'année précédente. Ce « chiffre record », qui nous rappelle les années 80 et qui pénalise le périmètre de jeu dont disposent les autorités financières et monétaires. Une sortie à l'international se profile à l'horizon bien que Baraka préfère utiliser le conditionnel : « sortie à l'international si besoin est », soulignant, enfin, que la dévaluation du Dirham et l'adoption d'un régime de change plus flexible n'est qu'un faux débat.